Intégration ou assimilation?

Fouad Laroui. 

Fouad Laroui.  . DR

ChroniqueDemander à l’étranger de s’intégrer, oui, d’accord! C’est raisonnable, c’est souhaitable. Mais s’assimiler? À l’impossible nul n’est tenu.

Le 24/08/2016 à 11h00

Notre prof de math, à Casablanca, nous le répétait fréquemment :

- Jeunes gens, pour bien raisonner, il faut commencer par définir clairement ce dont on parle. Quand les mots sont définis avec précision, le problème est à moitié résolu.

J’ai repensé à ces sages paroles en lisant dans le livre que Sarkozy vient de publier une mâle affirmation qu’on peut ainsi paraphraser: «On ne doit pas seulement exiger des immigrants qu’ils s’intègrent en France. Ils doivent s’y assimiler.» Rompez !

Qu’aurait exigé Mme Mercier de l’impétueux candidat? «Définissez, jeune homme, définissez!» Eh bien, allons-y.

S’intégrer dans un pays, c’est d’abord en respecter la Constitution et les lois. Ensuite, il y a les lois non écrites et les usages: il faut aussi en tenir compte. Enfin, il faut avoir assez de sensibilité pour ne pas heurter inutilement ses voisins par son accoutrement, ses petites manies, ses habitudes. Cela suppose une réelle volonté de bien faire et une saine curiosité. Personnellement, je crois qu’il est tout à fait raisonnable d’exiger du migrant - Marocain en France, Sénégalais au Maroc, Chinois au Canada… - qu’il s’intègre dans la société d’accueil.

La burqa, qui a plus à voir avec l’arriération mentale et la volonté d’asservir les femmes qu’avec la religion, est l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire. Cracher sans cesse par terre n’est pas un problème en Chine, paraît-il, mais un Chinois d’Europe devrait s’en abstenir. Se moucher dans son mouchoir à table, pendant le repas, n’est pas considéré comme impoli aux Pays-Bas mais c’est une insulte au Maroc. Tout cela n’est pas trop compliqué si l’on est de bonne foi.

S’assimiler, c’est autre chose. Ça signifie: devenir pareil à l’autre, identique, impossible à distinguer. Avant de se demander si c’est souhaitable, demandons-nous si c’est possible. Pour commencer, qui est l’autre, l’autochtone auquel il faudrait s’assimiler? Prenons un exemple: le Français. Pierre Daninos a publié autrefois, sous le titre Un certain monsieur Blot, le roman plaisant du français moyen. Problème: il n’existe pas. Les apéros saucisson-pinard sont aujourd’hui censés définir l’identité du mythique monsieur Blot. Or il y a des Français de souche, descendant en ligne droite de Clovis, qui ne supportent pas l’alcool. Un certain Sarkozy Nicolas, par exemple, est bien connu pour son allergie au vin: il n’en boit pas. Quant à la charcuterie, des millions de végétariens n’y touchent jamais, en Europe. Pourquoi l’immigré devrait-il en manger coûte que coûte?

D’autre part, en supposant même que l’autochtone-type soit parfaitement défini, pourquoi le nouvel arrivant devrait-il devenir exactement comme lui? Ne sommes-nous pas «riches de nos différences»? La musique de l’Altiplano, la gastronomie marocaine, le cinéma iranien ne sont-ils pas reçus avec ferveur un peu partout?

Un Français qui s´installe au Maroc – Sarkozy y est le bienvenu, quand il prendra sa retraite – n’a nul besoin de s’assimiler. Personne ne lui demandera de changer son prénom en Abdelmoula ni d’apprendre par cœur les sketches classiques de Dassoukine ni d’apprécier les pieds de mouton aux pois chiches ou le t’rid (encore que…).

Demander à l’étranger de s’intégrer, oui, d’accord! C’est raisonnable, c’est souhaitable. Mais s’assimiler? À l’impossible nul n’est tenu.

Par Fouad Laroui
Le 24/08/2016 à 11h00