Un petit mouton de compagnie

DR

ChroniqueEn cas de coup dur ou d’Aïd l’k’bir, il est plus aisé de dévorer son mouton que son chien.

Le 24/06/2020 à 10h57

Il y a quelques mois, à El Harhoura, j’ai failli être dévoré tout cru par un monstre, une espèce de grand chien sanguinaire comme on en voit dans les films d’horreur –vous vous souvenez du Chien des Baskerville? Le molosse aboyait dans ma direction et tirait à grandes saccades sur la laisse que tenait à grand-peine son maître. Si la laisse avait cassé, je ne serais pas là pour raconter l’histoire.

Parfois j’ai l’impression que nous ne copions l’Europe que dans ce qu’elle a de plus détestable. Quel besoin d’avoir ici, chez nous, des doberman ou des pitbulls? Pourquoi ne pas nous contenter des inoffensifs caniches, des élégants lévriers afghans ou des flegmatiques golden retrievers?

Revenu de mes émotions, je me suis souvenu d’un fait insolite qui n’a a priori rien à voir (mais attendez la suite). En Bulgarie, en 1960, l’Etat proposa aux citoyens qui possédaient des chiens de les échanger contre des cochons. Le raisonnement était simple:1. Le cochon est plus intelligent que le chien.2. Il est affectueux et fait un excellent animal de compagnie.3. En cas de coup dur, il est plus facile de manger son cochon que son chien.

Je ne sais pas si cette initiative, que rapporte Soljenitsyne dans L’Archipel du goulag (Seuil 1974, t. 2, p. 322) eut du succès –si le 360.ma compte des Bulgares dans son lectorat, ils sont priés de nous instruire sur ce point. En tout cas, elle m’a donné une idée.

Nous ne sommes pas plus bêtes que nos amis Bulgares, non?

Ce qu’ils ont fait en 1960, nous pouvons le faire en 2020, et en mieux, non?

Je propose donc au ministre de l’Agriculture une opération d’envergure qu’il pourrait baptiser “méééé contre ouaf-ouaf“ et qui consisterait à proposer aux citoyens marocains qui possèdent des chiens de les échanger contre des moutons.

Les avantages de cette opération sont tellement évidents que ce serait insulter l’intelligence de nos lecteurs que de les énoncer. Mais faisons-le quand même.

Tout d’abord, on ne risque plus d’accident tragique. Avez-vous déjà vu un mouton attaquer sauvagement un passant? Le mouton est doux, placide et pacifique. C’est le compagnon idéal.

D’autre part, le mouton est herbivore. Il ne concurrence pas l’homme qui est plutôt carnivore. On ne gaspille pas nos précieuses protéines animales.

Enfin, en cas de coup dur ou d’Aïd l’k’bir, et comme l’avait prévu les Bulgares, il est plus aisé de dévorer son mouton que son chien. Surtout cette année.

J’attends avec impatience la réaction du ministre de l’Agriculture, qui ne saurait être qu’enthousiasmé par cette idée qui ne coûte pas grand-chose et qui peut rapporter beaucoup.

Inutile de me remercier. Celui à qui il faut rendre grâce, c’est l’immarcescible Todor Jivkov, le communiste aux cravates trop longues qui régna sur la Bulgarie pendant trente-trois ans et qui eut l'idée géniale de remplacer les dogues par des gorets.

Méééé.

Par Fouad Laroui
Le 24/06/2020 à 10h57