Fier et optimiste

Famille Ben Jelloun

ChroniqueGrâce à cette politique de prévoyance, le Maroc apparaît aujourd’hui comme un pays qui mène avec vigilance et sérieux une guerre dure à ce virus. Si on maintient cette détermination, si on résiste de manière scientifique et résolue, il est des chances que nous serons le pays le moins contaminé.

Le 13/04/2020 à 11h00

Un grand homme politique de notre pays, Abderrahim Bouabid (1922-1992), que Dieu ait son âme, était rassurant, quand nous discutions de l’état du Maroc dans les années 80. Il me disait : «les Marocains sont étonnants; apparemment, ils ne sont pas sérieux, assez dilettantes, vivant dans un désordre qu’ils contrôlent mine de rien, mais dès que le pays a besoin d’eux, ils sont formidables. Regarde l’expérience de la Marche Verte, c’est exceptionnel! Dans l’urgence, ils sont imbattables». Je le cite de mémoire, car j’aimais beaucoup parler avec cet homme si cultivé, si fin, si intelligent.

Aujourd’hui, la mobilisation du pays et des citoyens force le respect. Il y a la solidarité, l’entraide et même un esprit de sacrifice. Je pense aux trois médecins décédés en essayant de sauver des malades.

Le Maroc se bat contre le Covid-19 avec une détermination, un sérieux, et une planification exceptionnels. Il faut dire que Sa Majesté Mohammed VI, comme en 2010-2011, a anticipé en prenant les mesures les plus urgentes et nécessaires. La fermeture des frontières, d’abord avec l’Espagne, puis avec la France, et ensuite avec toute l’Europe, a été une excellente décision. Le virus aime voyager. Alors on ferme le pays.

Par ailleurs, la mobilisation des secteurs privés fortunés, a été remarquable. Il fallait acheter très vite des masques, des gants, des tests, mettre de l’argent de côté pour réparer l’hôpital et décider le confinement. Grâce à cette politique de prévoyance et de conscientisation, le Maroc apparaît aujourd’hui comme un pays qui mène avec vigilance et sérieux une guerre dure à ce virus. Si on maintient cette détermination, si on résiste de manière scientifique et résolue, il est des chances que nous serons peut-être le pays le moins contaminé. Et pourtant, nous sommes confrontés aux quartiers populaires où le confinement est particulièrement difficile: espace étroit pour une famille nombreuse. La promiscuité favorise l’épidémie. Heureusement que le port du masque est obligatoire et généralisé.

De cette épreuve qui secoue toute la planète, on peut espérer que le Maroc s’en sortira avec une nouvelle conscience et de nouvelles résolutions.

Deux secteurs seront réparés en priorité : l’Education publique et l’hôpital public. L’un ne va pas sans l’autre.

Un peuple éduqué réagit avec intelligence et efficacité quand le pays est attaqué et surtout s’il sait qu’il peut compter sur une politique de la santé sérieuse et de qualité.

Le Covid-19 aura eu pour conséquence positive celle de doter le Maroc d’un système de santé publique de grande qualité. Fini l’abandon de l’hôpital, fini son état lamentable où le malade, qui ne peut pas s’adresser à une clinique payante, se retrouve jeté et sans soins. Le Maroc a réuni les moyens pour construire de nouveaux hôpitaux de haute tenue. Le personnel soignant est là, courageux, engagé, prêt à travailler dans les structures de l’Etat pourvu qu’on lui en donne les moyens et qu’on le valorise en le payant bien.

L’Education ne doit plus être un problème lancinant. Mohamed Hassad, l’ancien ministre de ce département, avait entamé des réformes essentielles. Les accidents de la vie politique ne l’ont malheureusement pas laissé mener jusqu’au bout ce travail. Qu’importe, les idées de transformation sont là, on n’a qu’à les reprendre et mettre dessus des techniciens expérimentés et désireux de soigner ce secteur de notre société.

Ainsi, après l’épreuve du Covid-19, le Maroc pourra continuer à réclamer des citoyens de la discipline, et de l’engagement à réparer ce qui ne va pas dans la grande maison Maroc. On aura besoin de refaire les fondations de l’Education nationale ainsi que celles de la santé. C’est comme une maison qui menace de s’écrouler. Il faut intervenir avant la catastrophe. Il ne s’agirait pas de mette l’enduit sur les brèches, il faut reprendre le tout du début, et le début, ce sont les fondations, la base sur laquelle on bâtit un système pour éduquer nos enfants et les soigner s’ils tombent malades, nos enfants et leurs géniteurs, évidemment.

Grâce soit rendue au personnel soignant, aux Forces Armées Royales, à la police et à la gendarmerie. Tout le monde est mobilisé, et cela a été remarqué et loué par la presse étrangère. Il y a de quoi être fier et optimiste.

L’avenir proche reste flou et incertain. Ne nous projetons pas dans le futur. Vivons le présent dans la discipline absolue du confinement, seul barrage, pour le moment, contre la propagation du virus.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 13/04/2020 à 11h00