L’Après Covid-19

Famille Ben Jelloun

ChroniqueLa richesse du Maroc, ce n’est ni le phosphate, ni le tourisme, ni la pêche, mais son capital humain, ses hommes et ses femmes, mobilisés contre la pandémie. Ce capital, il faut lui donner davantage la possibilité de participer à l’élaboration d’une société prospère, juste et égalitaire.

Le 11/05/2020 à 12h00

Le Maroc est loué par beaucoup d’Etats et de médias pour son excellente mobilisation contre le Covid-19. Même un hebdomadaire comme Le Canard enchaîné, qui n’a jamais été tendre avec notre pays, a fait l’éloge de la gestion marocaine de la pandémie. Cela, nous le devons à la clairvoyance de Sa Majesté Mohammed VI. Il a été le premier à réaliser la gravité de ce virus et a décidé la fermeture des frontières bien avant l’Europe. Par cette décision grave et historique, il a alerté le peuple et l’a incité à se mobiliser comme jamais pour empêcher que le virus ne fasse des ravages.

Mais au-delà de ce constat positif et encourageant, le Maroc pourrait, après la fin de l’épidémie développer et améliorer ses dispositifs de crise. Ainsi, il est tout à fait capable d’être la locomotive d’un nouveau développement moderne et intelligent en Afrique, comme il est capable d’innover dans le domaine du développement. N’oublions pas que c’est grâce à la fermeture des frontières que beaucoup de pays africains ont eu peu de contaminations. D’après Le Monde, (10-11 mai), «l’Afrique qui concentre 17% de la population mondiale n’a enregistré que 54.027 cas de contamination, soit 1,4% du total mondial».

Après le Covid-19, l’Europe va se replier sur elle-même. La crise économique qui l’attend va la pousser à s’occuper davantage d’elle-même que des autres. C’est le moment pour que le Maroc devienne le leader du développement Sud-Sud. On a constaté la rapidité et la qualité avec lesquelles le Maroc s’est doté de masques et de médicaments. Ce sont des usines marocaines qui fabriquent plus de 80% de médicaments. On a vu comment les cliniques privées se sont mobilisées auprès des hôpitaux publics et combien la solidarité a été exemplaire.

Tirer une leçon de ce constat serait nécessaire, une fois que la vie sera redevenue normale. Avec l’anéantissement du Covid-19, nous espérons que disparaîtront avec lui les mauvaises habitudes, les défauts, le manque de sérieux, l’absence de rigueur qui ont causé tant de mal jusqu’à présent dans notre société.

La nouvelle société marocaine sera marquée par l’épreuve de la crise sanitaire. Marquée et en même temps réveillée d’un doux sommeil où le laisser-aller était la règle. On tirera de ces mois de confinement et de lutte ferme et déterminée, une nouvelle vision pour notre pays. La richesse principale du Maroc, ce n’est ni le phosphate, ni le tourisme, ni la pêche, mais c’est son capital humain, ses hommes et ses femmes de toutes générations qui se sont mobilisés avec ferveur et générosité durant la crise. Ce capital, il faut le respecter et lui donner davantage la possibilité de participer à l’élaboration d’une société prospère, juste et égalitaire.

Sur le plan de la santé, plus rien ne sera comme avant. Je sais que l’OCP investit dans des laboratoires qui fabriquent des tests et d’autres moyens techniques utiles pour l’hôpital. Ce changement d’orientation, notamment en visant les pays africains amis, pourrait développer une autonomie économique dans la coopération Sud-Sud.

Le Maroc est étonnant. Sa diaspora dans le monde a l’amour du pays. De la crise, le pays sortira transformé et pour une fois, ce ne seront pas les partis politiques qui seront à l’origine de cette transformation, mais des citoyens et citoyennes, anonymes, responsables et solidaires.

J’espère qu’il y aura un avant et un après le Covid-19. Un après qui saura réparer une société où les inégalités et les injustices régnaient de manière quasi-fataliste.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 11/05/2020 à 12h00