Le discours d’un Roi

Tahar Ben Jelloun.

Tahar Ben Jelloun. . DR

ChroniqueLe discours prononcé par SM Le Roi, samedi soir, était clair et fort. Rien à voir avec les difficultés du duc de York. Au contraire, tout le monde a dû remarquer que le souverain était contrarié. Il l’a dit et l’a fait savoir avec ses mots, car c’est lui qui écrit ses discours.

Le 31/07/2017 à 10h03

C’est le titre d’un film remarquable réalisé en 2010 par Tom Hooper avec Colin Firth. Il raconte l’histoire vraie du duc de York, Albert, (1925) qui vivait un calvaire chaque fois qu’il devait prononcer un discours devant le peuple. Atteint de bégaiement, il souffrait. Mais grâce à une grande volonté et l’aide d’un orthophoniste australien, il parviendra à vaincre ce handicap.

Depuis ce film, on pense aux discours que prononcent les chefs d’Etat. Non seulement il faut parler sans hésitation, mais il faut marteler les mots pour convaincre.

Le discours prononcé par SM Le Roi, samedi soir, était clair et fort. Rien à voir avec les difficultés du duc de York. Au contraire, tout le monde a dû remarquer que le souverain était contrarié. Il l’a dit et l’a fait savoir avec ses mots, car c’est lui qui écrit ses discours.

Il avait raison de dire les choses en les nommant, sans langue de bois et sans exagération. Il s’est révélé un chef d’Etat qui connaît parfaitement son peuple et ses problèmes. Il est au courant de la manière dont les administrations publiques traitent le citoyen. Il sait l’exaspération des gens qui assistent impuissants à l’incompétence de certains responsables ou hommes politiques. Il a pénétré avec subtilité le caractère de certains qui font semblant d’occuper leur poste et ne font qu’attendre la fin du mois pour recevoir leur salaire.

Il a aussi rétabli quelques vérités, notamment concernant la classe politique qui «se cache derrière le palais». Une classe politique souvent médiocre, avec des élus dont la culture est défaillante, faible ou inexistante. Cela vient du fait que dans notre pays, les hommes intelligents et cultivés désertent le champ politique et le laissent aux opportunistes qui font de la politique afin d’améliorer le rendement de leurs affaires. Ils se battent pour se faire élire et certains achètent des voix. Ils sont élus non pour servir l’intérêt de la nation mais pour servir leurs propres intérêts. Sans généraliser, on constate qu’à chaque élection, le peuple répond par une grande abstention. Il s’exprime ainsi, et sait que les personnes qui seront élues ne défendront pas ses intérêts. Ce phénomène, un pays comme la France l’a connu ces dernières années. Il y a eu tant d’affaires de corruption, de magouilles que le peuple français a réagi en n’allant pas voter (plus de 50 % d’abstention aux dernières élections).

Quand la chose politique est atteinte de ce mal, il est difficile de remonter la pente. Or le peuple marocain a le droit d’avoir des représentants de qualité qui le respectent et défendent ses intérêts. Le roi montre les grandes lignes et attend que les politiques fassent leur travail avec sérieux et responsabilité.

Sur Al Hoceima, le souverain a dit l’essentiel, car les problèmes de cette région, on les retrouve dans d’autres lieux du pays. Reste le problème de la sécurité. Il a rendu hommage aux forces de l’ordre. Il est vrai que nous n’avons pas l’habitude de reconnaître l’utilité de la police. Nous faisons appel à ses services quand nous sommes agressés. La police se déplace et essaie de résoudre les problèmes. Mais nous ne sommes pas reconnaissants. Nous ne lui disons jamais merci. Elle peut dans le feu de l’action commettre des bavures, certains agents peuvent recevoir des coups et se retrouver à l’hôpital. C’est cette même police qui, jour après jour, nous protège et parvient par son travail, sa vigilance et son efficacité à démanteler des réseaux de terroristes. Ce qui est considérable, vu les dégâts qu’un attentat peut causer au pays, à son image et à son développement.

Un dernier point : les citoyens devraient participer à l’assainissement de la vie politique, autrement dit, s’ils décident de manière unanime et ferme de ne jamais avoir recours à la corruption, ce mal qui ronge notre société disparaîtra. La corruption a besoin de deux acteurs, si l’un des deux refuse le jeu, il n’y aura plus de corruption. 

Par Tahar Ben Jelloun
Le 31/07/2017 à 10h03