Nos amis les arbres

Famille Ben Jelloun

Chronique«La vie secrète des arbres» est un livre formidable d’un forestier allemand, Peter Wohlleben. Cet homme, qui a passé la majeure partie de sa vie dans les forêts, nous communique ce qu’il a appris des arbres et de leur communauté. La vie des arbres nous aide à mieux vivre et surtout à mieux nous comporter avec la nature et aussi entre nous.

Le 03/10/2022 à 11h00

Il est des pays où abattre un arbre est passible de plusieurs années de prison. Il est aussi des pays où chaque année des enfants sont chargés de planter chacun un arbre, une façon de les habituer à considérer la nature comme une amie qu’il faut aimer, protéger et respecter.

Nous avons pris l’habitude de voir les arbres pousser et grandir jusqu’à former une forêt. Ce que nous ne savions pas, c’est qu’un arbre est un être vivant, qui ressent les choses et communique avec d’autres arbres.

Un simple constat: pourquoi un arbre grandit en poussant ses branches à une distance qui ne gêne pas le voisin? Les branches s’arrêtent de pousser dès qu’elles rencontrent d’autres branches.

Il se tient debout et ne penche pas sauf si une force de la nature vient le faire plier. Mais le principe de tout arbre est d’être debout, droit dans ses racines bien implantées dans la terre, là où existe un réseau de communication avec les autres racines, là où il a stocké l’eau dont il a besoin pour vivre.

Oui, les arbres communiquent entre eux. Mieux, ils savent se défendre quand on les empêche de grandir. Ainsi, il est une espèce qui produit des bourgeons dont raffolent les brebis. Dès que les bourgeons sortent, ces animaux se précipitent pour les manger.

Concertation entre plusieurs arbres victimes de cette atrophie: ils ont décidé que dorénavant ils vont produire un liquide très amer, ce qui fera fuir les brebis.

Résultats, les brebis se sont donné le mot: elles ne s’approchent plus de ce genre d’arbre.

«La vie secrète des arbres» est un livre formidable d’un forestier allemand, Peter Wohlleben (traduit en France aux éditions des Arènes). Cet homme, qui a passé la majeure partie de sa vie dans les forêts, nous communique ce qu’il a appris des arbres et de leur communauté.

Les arbres vivent en communauté et respectent un code de bonne conduite pour qu’une harmonie se réalise et forme une forêt où chacun est à sa place. Le tronc doit être parfaitement droit. Les racines s’enfoncent dans le sol et se développent en tenant compte des racines des voisins. Il n’y a pas de confusion. Cette logique est naturelle, mais elle obéit à un plan invisible qui fait que l’arbre, contrairement aux animaux, n’envahit aucun autre individu de son espèce.

Un arbre bien installé, bien planté, peut résister à un ouragan dont la poussée peut atteindre jusqu’à 200 tonnes. Quand il est équilibré, (il en est de même des êtres humains), les pressions extérieures sont amorties et réparties de façon égale sur l’ensemble de son corps.

Les arbres ne poussent pas n’importe où. Leur limite pour s’enraciner et se développer est ce qu’on appelle «l’étage alpin», là où la neige est lourde à porter.

Autre constat: on a l’habitude de remplacer les vieux arbres par de jeunes plants. C’est une erreur. Une étude scientifique sur 700.000 arbres sur tous les continents a prouvé le contraire: plus les arbres sont vieux (plus de 120 ans), plus ils poussent vite. La vieillesse, contrairement à ce que ressentent les hommes avec l’âge, n’est pas synonyme de faiblesse. Ils restent vigoureux et performants. Les arbres-vieillards sont plus productifs et plus vivants.

Quand il pleut à verse, un arbre adulte peut emmagasiner jusqu’à plus de mille litres d’eau supplémentaires qui serviront le jour de la sécheresse.

Ce que ne fait pas l’homme qui compte sur le système des barrages qui reste insuffisant.

Il faut être fou ou inconscient comme le président du Brésil, Bolsonaro, pour s’attaquer à la forêt amazonienne. La déforestation d’une partie de cette forêt, participe à l’aggravation du changement climatique. C’est un crime à grande échelle dont il devra répondre un jour devant le tribunal des hommes.

La densité d’une forêt permet la formation de nuages deux fois plus épais qu’au-dessus de zones non boisées.

Frapper un arbre avec un pic jusqu’à ouvrir une brèche dans l’écorce est une blessure qui lui fait perdre son sang. Le sang de l’arbre ressemble à de l’eau. Il souffre car cela a le même effet qu’une hémorragie chez l’homme. L’arbre pleure. Ce n’est pas une image.

Des insectes et des chenilles colonisent les arbres. Pour s’en débarrasser, le merisier par exemple fait pousser sur ses branches de petites glandes à nectar sucré, ce qui attire les fourmis qui raffolent du sucre. Par la même occasion elles mangent les hôtes indésirables et libèrent l’arbre de ses prédateurs nombreux.

Les noyers luttent contre les insectes à l’aide de composants de leurs feuilles. Pour ne pas être piqué par des moustiques, il est recommandé de faire la sieste sous un noyer.

L’été, quand il fait chaud, les forêts de pins dégagent un parfum balsamique, ce qui est agréable.

Enfin la forêt est synonyme d’air pur et sain. Les arbres filtrent des particules polluantes et des substances nocives pour l’humanité. Une forêt est une usine contre tout ce qui est toxique et qui se promène dans l’air sans que l’homme le voie. La forêt le capte et aide l’homme à protéger ses poumons.

C’est inestimable. Voilà pourquoi la vie des arbres nous aide à mieux vivre et surtout à mieux nous comporter avec la nature en général et aussi entre nous.

On comprend pourquoi le forestier allemand a passé toute sa vie dans le paradis des arbres et a su découvrir leurs secrets et leurs sentiments. L’idéal serait que nous vivions tous dans la forêt, ou du moins de multiplier les forêts, de les protéger car elles nous protègent aussi.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 03/10/2022 à 11h00