Nous sommes parfaits ou presque

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ChroniqueLes citoyens marocains ont un sens tellement pointu du civisme qu’on vient les filmer en train de faire calmement la queue devant une boulangerie, une station de taxis ou un guichet. Personne ne brûle un feu rouge ou ne dépasse la vitesse autorisée. Nous sommes même devenus un exemple...

Le 16/05/2016 à 11h10

Comme tout le monde sait, il n’y a au Maroc ni prostitution ni corruption, ni perversions et encore moins de fous. Nous sommes même devenus une exception, un exemple qu’on donne à ceux qui cherchent à améliorer leur image dans les médias. Notre communication atteint l’excellence ; le ministre qui en est responsable est d’un niveau tellement haut que des Etats nous envient et nous demandent de le leur prêter quelques jours pour s’inspirer de son tact, de son intelligence et de son efficacité. C’est une personne modeste, tolérante, ouverte sur la modernité et éprise d’audace et de liberté.

Les citoyens marocains ont un sens tellement pointu du civisme qu’on vient les filmer en train de faire calmement la queue devant une boulangerie, une station de taxis ou un guichet administratif. Pour ne pas perdre leur temps, ils sont pour la plupart munis d’un livre de poche qu’ils lisent durant l’attente. Nous sommes le peuple qui lit le plus au monde. Nous avons battu l’Islande qui a toujours été classée numéro un. A présent il est devenu deuxième. Les Islandais n’avaient pas vu venir la concurrence, ils étaient loin de penser qu’un jour les Marocains les détrôneraient dans le domaine de la lecture. Tant pis pour eux. Les Marocains sont les premiers consommateurs de livres dans le monde, livres papiers et numériques confondus et ce, aussi bien en arabe qu’en français et espagnol. Notre modestie légendaire nous empêche de le dire et d’en être fiers.

Autre réussite magnifique: le Code de la route est tellement respecté que les seuls accidents qui surviennent sont dûs aux intempéries de la nature. Nous avons réussi à force de pédagogie et de débats à réduire le nombre de morts sur les routes et à exporter notre méthode en Europe qui continue de voir des milliers de familles frappées par cette tragédie. Pour cela, nous avons instauré un système éducatif parallèle aux leçons de conduite des auto-écoles. Résultat, à peine une centaine de victimes de la route par an alors que la France a plus de 3.000 morts chaque année. Le respect de la priorité est absolu. Personne ne brûle un feu rouge ou ne dépasse la vitesse autorisée.

Il en est de même de notre système de santé. La prise de conscience a été rapide: faire mieux que les Européens. Tous les citoyens ont une carte qui leur permet d’être pris en charge sans débourser le moindre dirham. Nos hôpitaux sont propres, les médecins font très bien leur travail et se contentent du salaire que leur verse l’Etat (de ce fait, le privé est peu fréquenté), le personnel soignant est bien formé et respecté. De temps en temps un patient s’énerve parce que l’hôtellerie n’a pas le confort qu’il espère, mais le principal est qu’il est très bien soigné. Plus besoin d’aller dans les hôpitaux européens fréquentés par les chefs d’Etat algérien et malien.

Reste un bémol, le système de l’éducation nationale est en perpétuelle réforme. Mais on pense qu’on arrivera un jour à faire rougir de jalousie nos voisins, car nous aurons réussi à mettre sur pied l’école de demain, l’école qui aura synthétisé l’occidental et l’oriental tout en restant dans l’authenticité de l’identité marocaine.

Un ami suisse se demandait l’autre jour comment le Maroc a réussi à éradiquer la mendicité et la délinquance. Les rues de Lausanne et de Genève sont encombrées de mendiants venus des anciens pays de l’Est et ne sont plus sûres.

Le Maroc a accompli des progrès que le monde entier nous envie.

Alors de quoi se plaint-on? Pourquoi certaines personnes refusent de se rendre au Maroc prétextant que dans ce pays «les libertés individuelles ne sont pas respectées, on maltraite les journalistes, on les expulse quand ils sont étrangers, on interdit des films et des revues et on persécute des homosexuels». Ils disent n’importe quoi. Il y a longtemps que le Maroc a fermé le bureau de la censure, qu’il a supprimé l’article 489 du Code pénal et qu’il a aboli la peine de mort. Quant à l’avortement, il est autorisé et remboursé. Du coup, les femmes se sentent rassurées et confiantes. Quant aux journalistes malveillants, on les ignore et on les laisse enquêter en toute liberté ; de toute façon, le Maroc n’a rien à craindre, rien à cacher et est fier de son Etat de droit qui fonctionne à la perfection.

Décidément, le Maroc a beau faire, ses ennemis continuent d’avoir des préjugés et font tout pour salir sa réputation et brouiller son image. Il faudra rappeler le ministre de la Communication pour s’adresser à ceux qui sont jaloux de notre qualité de vie, de notre tolérance, de notre civilisation et par-dessus tout jaloux de notre sens du civisme et de la démocratie. Il aurait pu leur faire un beau discours, mais il a été envoyé en urgence à New York pour ramener à la raison Ban Ki moon.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 16/05/2016 à 11h10