Le règne du roi Hassan II et les mutations du Maroc (1961-1999)

L’Afrique réelle

ChroniqueCe fut l’une des grandes révolutions du règne de Hassan II, car le cœur du Maroc acheva de se déplacer de Fès et de Marrakech, les anciennes capitales impériales, vers Rabat et Casablanca.

Le 20/07/2021 à 11h16

Le 23 juillet 1999 mourait le roi Hassan II au terme d’un règne brillant durant lequel il avait savamment adapté le Maroc au monde d’aujourd’hui tout en préservant ses traditions et ses racines. Le pays qu’il laissait à son fils Mohammed VI était donc profondément différent de celui qu’il avait lui-même reçu de son père Mohammed V, le «sultan de l’indépendance».

1 - C’était d’abord un Maroc plus vaste, agrandi durant son règne grâce à la récupération de trois anciennes terres marocaines qui lui avaient été enlevées durant la colonisation: Sidi Ifni en 1969, Saquia el Hamra en 1975 et enfin Oued ad Dahab en 1979.

2- C’était ensuite un pays dont le centre de gravité politique et économique avait achevé de basculer vers l’Ouest, mouvement initié en son temps par le maréchal Lyautey. Le Maroc qui, à la fin du règne de Mohammed V, tournait encore le dos à l’océan, vivant dans un repli cloisonné par ses massifs montagneux, s’était en effet peu à peu ouvert sur le «grand large» atlantique. Ce fut l’une des grandes révolutions du règne car le cœur du Maroc acheva de se déplacer de Fès et de Marrakech, les anciennes capitales impériales, vers Rabat et Casablanca. Avec la récupération du Sahara occidental, grâce à ses trois mille kilomètres de côtes atlantiques et de leur plateau continental, le Maroc est ainsi devenu une grande puissance maritime. Et cela, à la différence de l’Algérie enfermée et même enclavée dans ce «grand lac» qu’est la Méditerranée.

3- C’était aussi un pays politiquement stable et uni autour du trône. La nouveauté était de taille car les premières années du règne d’Hassan II avaient été à ce point agitées et troublées que peu pariaient alors sur l’avenir de la monarchie.

4- C’était enfin un pays au processus démocratique en marche, et où l’alternance politique était devenue une réalité. Au mois de mars 1998, le roi Hassan II avait ainsi nommé son vieil opposant socialiste Abderramane Youssoufi au poste de Premier ministre.

Véritable virtuose de la politique, Hassan II avait, force du système monarchique, été formé et minutieusement préparé par son père Mohammed V qui l’avait associé très tôt au pouvoir. Il avait ainsi fait ses premières armes diplomatiques au mois de janvier 1943 –il n’avait pas quatorze ans–, lors de la Conférence d’Anfa dans la banlieue résidentielle de Casablanca. A cette occasion, le président Roosevelt avait longuement reçu Mohammed V accompagné de son fils Moulay Hassan, lequel eut également l’occasion de s’entretenir avec Churchill et de Gaulle.

En 1944, le prince Moulay Hassan qui suivait avec fièvre la montée du nationalisme avait été associé à la rédaction du «Manifeste du 11 janvier 1944» dans lequel l’indépendance était revendiquée.

Après le 14 août 1953, date de sa déposition, le prince Moulay Hassan avait suivi son père dans son exil. Toujours à ses côtés, il avait ensuite étroitement participé aux négociations de La Celle Saint-Cloud avec le président du Conseil français Edgar Faure assisté d’Antoine Pinay. Négociations qui aboutirent à l’indépendance du Maroc, effective le 2 mars 1956.

Une fois celle-ci recouvrée, le roi Mohammed V confia à son fils le commandement de l’armée, puis il le désigna comme prince héritier le 9 juillet 1957, jour de son 28e anniversaire. En 1960 il devint vice-Premier ministre et ministre de la Défense.

Le 26 février 1961, à la mort de Mohammed V, le jeune prince Moulay Hassan était donc prêt à régner. Il avait été formé pour cela.

Par Bernard Lugan
Le 20/07/2021 à 11h16