L'éclairage de Adnan Debbarh. Pour un meilleur usage de la vision royale

Adnan Debbarh.

Adnan Debbarh. . khalil Essalak / Le360

ChroniqueLa session parlementaire d’octobre est inaugurée chaque année par un discours royal, moment fort de la rentrée politique. S’adressant aux deux chambres du Parlement et à l’exécutif, le roi Mohammed VI a livré sa vision sur les grands dossiers de développement qui préoccupent le pays.

Le 15/10/2022 à 10h30

Le discours prononcé par le roi Mohammed VI, le 14 octobre devant les deux chambres du Parlement réunies, n’a pas dérogé à la tradition. D’une grande densité, consacré à des problématiques de développement, cette année c’était au tour de la gestion de l’eau et la promotion de l’investissement privé, il offre aux élus et à l’exécutif l’occasion d’élargir leurs horizons en s’imprégnant de la vision royale. Le discours royal, deuxième de la 11ème législature, doit être lu, à mon humble avis, dans la continuité de celui, fondateur, de l’année dernière qui a jeté les bases d’une nouvelle vision de développement. Vision caractérisée, entre autres, par: «la consolidation de la place qu’occupe le Maroc au niveau international»; l’acquisition de nouvelles souverainetés: alimentaire, sanitaire, énergétique et industrielle; la constitution de réserves stratégiques dans les domaines alimentaire, énergétique et sanitaire; l’opérationnalisation du nouveau modèle de développement et le lancement d’une nouvelle génération de projets et réformes intégrés. Tout en veillant à mobiliser les financements nécessaires à la réalisation des différents projets.

Les deux discours de la 11ème législature, pour ne pas remonter plus loin, ainsi que ceux prononcés au cours de l’année écoulée et consacrés aux chantiers économiques, sociaux et culturels, ne laissent aucune place au doute sur la disponibilité d’une vision royale riche et adaptée aux évolutions du monde futur, accompagnée d’une veille stratégique. C’est un atout majeur pour notre pays et pour le gouvernement. Car la première condition de la bonne gouvernance d’un pays est l’existence d’une vision claire qui, traduite par l’exécutif en stratégies et plans d’action adaptés, permettra de réaliser un haut niveau de développement.

La question qui vient à l’esprit est: le Maroc disposant d’une bonne vision, pourquoi son exécutif ne la met-elle pas suffisamment à profit pour obtenir de meilleurs résultats en termes de taux de croissance et de rapidité de réalisation des réformes? Y a-t-il des freins objectifs à la réalisation de la vision royale? Est-ce un problème de gouvernance ou de moyens?

Commençons par l’aspect lié à la gouvernance. Plusieurs voix se sont manifestées cette année, appartenant aux partis de la majorité gouvernementale, pour rappeler la «charge excessive de travail» du gouvernement. Trop de chantiers ouverts, trop de réformes lourdes dont il faut respecter les échéances, alors que la conjoncture nationale et internationale n’est pas au mieux. Autre argument avancé: «le manque de dynamisme du Parlement», qui ne fait pratiquement aucune proposition de loi, est absent du débat politique, joue son rôle à minima.

L’ensemble de ces arguments est révélateur de la faiblesse des capacités «managériales» de nos élites politiques. Faut-il le rappeler: d’autres pays aux économies plus développées et aux services étatiques plus variés et étendus que les nôtres tournent très convenablement avec un nombre de ministres plus réduit. Rappelons aussi que la bonne gouvernance ou bonne gestion suppose: la répartition du pouvoir (capacité à déléguer), le recours aux profils et compétences appropriés, la responsabilisation des acteurs et le suivi des projets. Car s’il y a des voix qui se lamentent d’une charge excessive de travail, il y en a d’autres qui s’étonnent d’une concentration de dossiers au sein de certains ministères aux dépens d’autres, sans justifications objectives. Bizarrement, ce gouvernement, à la majorité cohérente idéologiquement, connait de sérieux problèmes de délimitation de compétences une année après sa constitution. Ce qui affecte son rendement. Plusieurs dossiers constitutifs du «projet Etat social» connaissent un retard, les politiques sectorielles ne sont pas prêtes, aucune nouvelle des stocks stratégiques et la production législative est faible. Ce ne sont là que quelques éléments d’une situation qui commence à susciter des inquiétudes. Inquiétudes renforcées par un manque patent de communication que plusieurs plumes respectables ont ouvertement critiqué.

N’est-il pas temps pour le gouvernement de revoir aussi le fonctionnement de l’administration? L’interpeller sur sa production en quantité et en qualité? En faire l’outil moderne qui va gérer convenablement le surcroît de travail imposé par une société qui se développe et un Etat appelé à accroître ses services?

Reste l’argument classique des «moyens financiers réduits» pour justifier les retards. Lui aussi semble s’affaiblir. Transparence aidant, on se rend compte qu’il y a des niches, voire des pans, d’impôts à exploiter et des superprofits à taxer, Mieux on communiquera sur ce dossier, plus l’action du gouvernement gagnera en crédibilité.

Le plus incontestable apporté par la vision royale est de nature à faciliter le travail du gouvernement. A lui d’en profiter pleinement en améliorant ses capacités gestionnaires.

Par Adnan Debbarh
Le 15/10/2022 à 10h30