Un «honneur» étrangement placé

Michel Teuler

ChroniqueY’a des fois où tout commentaire est inutile. Les Anglais l’ont bien compris.

Le 27/06/2019 à 10h56

Comme tous les peuples du monde, les Anglais, et ceux de leur immigration qu’ils ont formés à leur culture, sont bardés de défauts. Ils ne savent pas cuisiner, sauf un atroce pudding qu’il ne me viendrait même pas à l’esprit de tenter de goûter; quand ils ne sont pas d’accord, la discussion peut dégénérer en bagarre, physique, à coups de poings et de pieds, et que je te jette au sol, te ratatine et te refais le portrait, you shithead.

Immense nation, immense culture. Et cette particularité, qui fait des Anglais ce qu'ils sont (et leurs affiliés, y compris leurs lointains cousins Yankees): un flegme à toute épreuve devant certaines situations qu’il est légèrement compliqué de qualifier.

A cet égard, je souhaiterais saluer l’immense flegme dont ont su faire preuve des hommes et des femmes qui ont conduit des entretiens en face à face pour une enquête commanditée par l’américaine université de Princeton, vieille d’un bon siècle et de grosses poussières, et l’honorable service arabophone de la BBC.

Des entretiens menés en face à face, sur 10 pays, dont le Maroc.

Pendant 45 minutes, ces hommes et ces femmes ont posé une série de questions, dont il ressort notamment la statistique suivante: 25% des Marocains jugent que le «crime d’honneur» est acceptable.

Pour ces Marocains, leur «honneur» se niche dans le cul de leur sœur, de leur mère, de leur fille.

C’est là, à cet endroit précis de l’anatomie de leur mère, ou de leur sœur, ou de leur fille, qu’ils placent toute leur fierté.

Et pour le quart des Marocains de l’échantillon sondé pour cette enquête, il est «acceptable» d’assassiner, de sang froid, sa fille, sa sœur, voire sa mère, si celle-ci s’est mal comportée avec leur «honneur», c’est-à-dire avec son cul.

Femme, mon honneur se trouve dans ton cul.

Juste j’explique. Je ne fais pas de commentaire.

Ces enquêteurs ont également entendu 79% d’entre les Marocains sondés juger l’homosexualité inacceptable.

Traduction de 79% de ces sondés: mec (ou nana), ton cul n’est pas ton cul. Ben oui, c’est mon cul. Tu ne fais pas de ton cul ce que tu veux, puisque ton cul est également le mien. 

Alors ouais: des enquêteurs ont entendu ça, les yeux dans les yeux, sortir de la bouche d’humains.

Et ils ont eu ce flegme de cocher une case.

De ne pas réagir.

De ne pas les ratatiner.

Discuter ne peut se faire que d’égal à égal.

Par Mouna Lahrech
Le 27/06/2019 à 10h56