Bouffées de chaleur

Zineb Ibnouzahir

Zineb Ibnouzahir . Achraf Akkar

ChroniqueReléguées du rang de femme à celui de femelle, soumise aux fluctuations incontrôlables de nos hormones, on voit s’approcher de manière inéluctable la date de péremption qu’on nous a étiquetée sur la tronche dès notre plus jeune âge.

Le 11/07/2021 à 12h03

Un soleil de plomb, pas un pet de vent, une chaleur à se damner… Les températures ont grimpé en flèche aux quatre coins du Maroc. Prostrés dans cette atmosphère étouffante, confinés à l’ombre, les nerfs sont à vifs. «Chérie, passe-moi l’eau steup», quémande notre moitié, à demi-évanoui de chaleur devant sa PS4… Le pauvre. «Va la chercher toi-même», lui aboie-t-on, exaspérée de dégouliner comme une bougie qui se consume de l’intérieur.

«Qu’est-ce qui t’arrive? T’as tes regneugneus ou c’est la préménopause qui te titille?». Et toc, nous assène-t-il dans les dents. Passée la trentaine, un pied trop tôt posé à notre goût dans la quarantaine, on commence à s’y habituer à ce type de remarques, blessantes, mais toujours accompagnées d’un «meeuuu j’rigooole, qu’est ce que t’es susceptiiiible, on peut vraiment plus rien te dire».

Reléguées du rang de femme à celui de femelle, soumise aux fluctuations incontrôlables de nos hormones, on voit s’approcher de manière inéluctable la date de péremption qu’on nous a étiquetée sur la tronche dès notre plus jeune âge. Comme si le fait de ne plus pouvoir enfanter constituait la mort de notre identité féminine… «A quoi je sers?», se demandent beaucoup de femmes qui ont atteint ce stade. Et comme si ça ne suffisait pas, notre corps qui nous met à l’épreuve une semaine par mois depuis l’adolescence, ne va pas pour autant prendre de vacances. 

Dans un magnifique plaidoyer féministe, l’actrice libano-mexicaine Selma Hayek a récemment levé le voile sur les conséquences de cette ménopause tant redoutée en partageant notamment les questions posées par les médecins consultés. «Vos oreilles ont-elles poussé et est-ce que des poils en sortent? Avez-vous remarqué l’apparition d’une moustache ou d’une barbe? Êtes-vous facilement irritable? Pleurez-vous sans raison? Avez-vous pris beaucoup de poids que vous n’arrivez plus à perdre? Avez-vous des sécheresses vaginales?»… 

Notre moitié qui lit par-dessus notre épaule l’air de rien, s’étouffe dans sa barbe grisonnante, ou disons plutôt poivre et sel comme Georges Clooney, parce que c’est bien connu, un homme ça ne vieillit pas, ça mûrit, ça se bonifie avec le temps comme le bon vin. «Sérieux, en plus d’être chiante, tu vas te transformer en femme à barbe obèse et frigide?», angoisse-t-il d’avance, un tantinet rassuré toutefois par le fait que la prise de poids entraîne aussi une augmentation mammaire.

«Et ton andropause, on en parle?», lui aboie-t-on à nouveau, en digne femelle loup-garou que nous sommes en passe de devenir un jour. «Mon andro quoi? C’est quoi encore ce truc que t’as été inventé pour me faire du mal?», répond-il, ébranlé dans ses convictions. Le pire, c’est que son étonnement n’est pas feint et très peu d’hommes savent qu’ils seront soumis, tout autant qu’ils sont (oui tous!), à l’andropause, la ménopause masculine. Ses symptômes? Les mêmes que nous autres, les femmes pré ou déjà ménopausées… Bienvenue au club les gars! Bon à une différence de près, et de taille, ils pourront toujours faire des bébés à des femmes plus jeunes que nous.

La nature est cruelle certes, mais pas autant que la communication sexiste faite autour de la figure féminine et qui consiste à mettre en lumière des particularités que l’on qualifie de tares chez les femmes, tout en omettant sciemment de dire que les hommes, eux aussi, sont faillibles. La femme jetable parce que périssable face à la puissance de l’éternel masculin… Ça s’arrête quand cette histoire?

Par Zineb Ibnouzahir
Le 11/07/2021 à 12h03