Entre crise sanitaire et politique, l’été sera chaud

Zineb Ibnouzahir

Zineb Ibnouzahir . Achraf Akkar

ChroniqueEn 2021, le tourisme sera politique ou ne sera pas… Et dire qu’il fut un temps où notre seul souci à la veille des vacances était le contenu de notre valise, la couleur de notre maillot et l’indice de notre crème solaire.

Le 06/06/2021 à 12h57

Ouvrira, ouvrira pas les frontières? C’est la question qui est sur toutes les lèvres à l’approche fatidique du 10 juin, date correspondant à la fin de l’état de crise sanitaire, qui a entre-temps été prolongée au 10 juillet. 

L’exaspération est à son comble car depuis maintenant plus d’un an que nous sommes plongés dans le doute et l’incertitude du lendemain, cette trêve estivale, nous sommes nombreux à l’attendre pour différentes raisons. Economiques, pour ceux qui entrevoient enfin avec l’ouverture des frontières aériennes la possibilité de la reprise d’un business dévasté par la crise. Familiale, pour ceux qui ont été coupés de leurs proches. Mais aussi sanitaire, pour les malades qui se soignent à l’étranger lorsque cela s’avère nécessaire. Puis il y a aussi ceux qui ont besoin de cette bouffée d’oxygène que leur offre un voyage à l’étranger et qui, bien sûr, peuvent se permettre ce luxe.

Si l’omerta dans laquelle nous sommes plongés au Maroc quant à cette ouverture nous pèse, autant dire que c’est une véritable douche froide dont nous gratifie maintenant l’Union européenne en décrétant qu’elle ne reconnaît pas comme étant vaccinées, ni protégées, les personnes ayant reçu des vaccins chinois ou russes, autrement dit, une bonne partie de l’hémisphère sud dont nous faisons partie. Pour voyager à travers ces pays européens qui se voient attribués le label de «pays verts», il faudra donc montrer patte blanche avec un test PCR et peut-être bien d’autres conditions, la chose étant actuellement à l’étude.

Injuste, est un mot loin d’être suffisant pour qualifier cette décision motivée par la non-reconnaissance de ces vaccins par l’agence européenne du médicament. Le Maroc ne s’est-il pas classé dans le top 10 mondial des pays qui ont le mieux géré leur campagne de vaccination? Parmi ceux également qui dès le début de la pandémie ont réussi à contrôler les contaminations? Ou encore parmi ceux qui ont réussi à mettre en œuvre en un temps record les mesures sanitaires appropriées ainsi qu’un traitement adéquat alors même que l’Europe pataugeait dans la semoule?

Alors que la gestion de la crise sanitaire au Maroc a été saluée tant par les scientifiques, que par les politiques et les médias étrangers, nous voilà aujourd’hui «punis», en quelque sorte, pour ne pas avoir opté pour des vaccins agréés par l’Union européenne, lesquels, faut-il le rappeler, ont été distribués au compte-goutte et avec beaucoup de retard et dont la distribution a été assurée dans les pays occidentaux au détriment de pays moins favorisés. Tous égaux face à la gestion de la pandémie? En aucun cas nous ne l’avons été. Mais maintenant que la situation sanitaire tend à s’améliorer à travers le monde, cette décision européenne creuse davantage la fracture entre les continents et souligne des inégalités insupportables.

Alors que fera le Maroc, au même titre que la Chine, la Russie et tous les pays ayant été vaccinés avec des vaccins jugés obsolètes et dont on fait abstraction du taux irréprochable d’efficacité? Va-t-on aussi prendre des mesures pour trier sur le volet nos touristes? Ou va-t-on accueillir tout ce petit monde à bras ouverts pour relancer la machine quitte à nous asseoir sur notre ego, déjà suffisamment meurtri? C’est donc à cela que ressemble le monde demain, ou plutôt déjà d’aujourd’hui, ce monde qu’on espérait meilleur après la pandémie? Un monde où on sélectionne son touriste en fonction de son carnet de santé et de fait, de son origine? Un monde où un vaccin s’apparente en fait à un visa?

Cette annonce a fait passer à certains d’entre nous l’envie de voyager à l’étranger, car au-delà du sacro-saint visa qu’il nous faut décrocher à chaque fois qu’on veut aller voir ailleurs si on y est, les démarches sanitaires auxquelles nous allons visiblement devoir nous soumettre seront aussi compliquées que celles qu’on inflige à notre animal de compagnie quand l’envie nous prend de lui faire changer d’air à lui aussi.

Alors, où ira-t-on cet été pour souffler un coup, quitte à passer un énième test PCR? Au plus proche, en Espagne, en mode tapas et cervezitas? Même pas en rêve, diront beaucoup d’entre nous, car en plus d’être dicté par des contraintes sanitaires, le choix de notre destination estivale sera aussi dicté par la diplomatie. En 2021, le tourisme sera politique ou ne sera pas… Et dire qu’il fut un temps où notre seul souci à la veille des vacances était le contenu de notre valise, la couleur de notre maillot et l’indice de notre crème solaire. Qu’il était doux ce temps de l’insouciance.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 06/06/2021 à 12h57