Photo de classe et gueule de bois

Zineb Ibnouzahir

Zineb Ibnouzahir . Achraf Akkar

ChroniqueLa photo de famille du gouvernement El Othmani II en dit long et donne lieu à de nombreuses interprétations. De notre côté, étudier cette photo de près relevait presque du jeu des 7 erreurs tant les femmes (et non les erreurs) y sont bien dissimulées.

Le 13/10/2019 à 11h30

La photographie officielle d’un gouvernement est toujours l’occasion de décrypter une certaine vision de la politique du moment.

Dans la position qu’occupe chacun, dans sa posture, dans son attitude, on cherche des éléments de réponse annonciateurs d’un changement, d’une amélioration ou révélateurs au contraire d’une régression.

Le Maroc, comme tous les pays au monde, n’échappe pas à la règle. La photo de famille du gouvernement El Othmani II en dit long et donne lieu à de nombreuses interprétations car in fine, chacun voit midi à sa porte.

De notre côté, étudier cette photo de près relevait presque du jeu des 7 erreurs tant les femmes (et non les erreurs) y sont bien dissimulées.

En première ligne, disposés autour du Roi Mohammed VI, les douze hommes forts du gouvernement, à en croire toutefois la position qu’ils occupent sur la photo.

Comme ils sont nombreux, bien que le gouvernement ait été sérieusement dégraissé, ils jouent des coudes pour tenir les uns contre les autres.

Derrière eux, une deuxième ligne, plus en hauteur, qui laisse apparaître le reste des ministres. C’est ici qu’apparaissent 3 des 4 femmes de ce gouvernement. Le verbe «apparaître» est de circonstance car elles auraient aussi bien pu «disparaître», être retirées de cette photo, sans que pour autant l’ensemble en soit déséquilibré.

Car si leurs collègues masculins de 2ème ligne sont placés en hauteur, de telle sorte qu’on distingue bien leur joli costume, des femmes, elles, on ne distingue que des têtes, penchées, pour mieux tenter de se glisser entre les épaules du camarade de devant, et de fait, apparaître sur la photo de classe.

Pire encore, sur la photo, une 3ème ligne se profile et sur cette ligne, il n’y a qu’une personne, une femme, dont on distingue une partie seulement du visage.

Puis, après les avoir repérées, on compte, on recompte histoire d’être sûre de ne pas en avoir oubliée une, planquée derrière une épaule… et puis on relativise. What else?

Sur 24 ministres, 4 femmes. C’est bien… Enfin, c’est mieux. Enfin, en tout cas, c’est mieux que rien, ça s’est sûr. Allez positivons, on avance, on avance. On y croit. On y est presque… se motive-t-on, en se disant qu’en plus, Bassima Hakkaoui n’est plus de la partie.

Mais au fait, qui la remplace cette ministre que nous autres féministes ne regretterons pas? Une autre femme, bien sûr, car la solidarité, la famille et le développement social restent des histoires de bonnes femmes.

Une autre femme qui affiche les mêmes couleurs politiques, et donc idéologiques, que celle qui la précédait… On sent déjà voir s’envoler nos rêves d’émancipation de la femme, de libertés individuelles, particulièrement celle à disposer de notre corps, et déjà, on se demande à quoi bon avoir signé ce fichu manifeste des 490 hors la loi…

Une autre femme, qu’on dit impliquée dans la cause féministe et dont l’arrivée est marquée par un changement d’intitulé du ministère dont elle a la charge.

Abracadabra! Le Ministère de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social est devenu… Le ministère de la Solidarité, du Développement social, de l'Egalité et de la Famille.

Un sacré tour de magie qui fait disparaître tout bonnement la femme au profit de l’égalité.

Doit-on comprendre que l’égalité est la principale revendication des femmes, qu’elle est le remède suprême à nos maux?

Doit-on comprendre, à travers ce mot qui fait son apparition une volonté de nous gratifier des mêmes droits que ces messieurs, tant dans le texte de loi que dans la pratique au quotidien?

L’égalité dans l’héritage aussi? Vraiment?

Par Zineb Ibnouzahir
Le 13/10/2019 à 11h30