Design. La méridienne de Sophia Chraïbi Giorgi fait sa Vénitienne

La designer aux côtés de son objet exposé au Palazzo Michiel.

La designer aux côtés de son objet exposé au Palazzo Michiel. . DR

Une méridienne de la designer marocaine figure dans une exposition collective internationale de design, se tenant actuellement au Palazzo Michiel, en marge de la Biennale d'art de Venise.

Le 15/05/2019 à 14h25

Organisée par l'European Culturel Center, la Venice Design est une importante exposition internationale annuelle qui se tient alternativement en marge des Biennales d'art et d'architecture de Venise.

L'exposition actuelle propose les œuvres de soixante-cinq exposants, provenant de trente pays différents. Sophia Chraïbi Giorgi en est l'unique représentante du Maroc.

C'est à la Downtown Design, une autre exposition collective internationale, inscrite dans le cadre de la Désign Week de Dubaï 2018, que les curateurs de la Venice Design ont repéré et sélectionné la méridienne, dite "Papyrus".

De quoi s'agit-il? L'objet (210 x 55 × 60 cm), au dessin épuré, tout en courbes douces, s'inscrit dans la continuité du fameux mouvement architectural -au sens le plus large- moderniste Bauhaus (années vingt et trente), ayant érigé les principes de l'exactitude ergonomique, de la fonctionnalité et de la sobriété, en doxa universelle absolue.

Aux préoccupations des pères fondateurs de l'esthétique moderne, Sophia Chraïbi Giorgi rajoute les exigences du moment, à savoir un souci d'ordre écologique aigu.

La méridienne Papyrus est réalisée dans une nouvelle matière certifiée label vert, consistant en une compression de poudre de bois, dernière génération, le HDF. Une matière teintée dans la masse et d'un aspect satiné aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur, même après découpe, au laser -ne nécessitant donc l'usage d'aucune peinture, encore moins de vernis, pas même de ponçage. Autant de matières et autres émanations toxiques évitées, donc.

Mais aussi, la méridienne en question -pour ne prendre que cet exemple, le plus abouti esthétiquement, il est vrai, du catalogue de prototypes que propose notre designer- est formée de deux uniques blocs monolithiques s'emboitant parfaitement, sans besoin de la moindre "quincaillerie" (clous, vis, etc.), renouant ainsi avec les pratiques anciennes de l'ébénisterie d'avant l'ère de l'industrialisation.

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Avec de telles exigences dues au choix du matériau de base et du procédé de fabrication, Sophia Chraïbi Giorgi s'oblige à ne produire qu'à la commande et sur mesure -ce qui impacte, bien évidemment, le coût de vente. Un choix délibérément assumé par la designer: "indépendamment de leurs qualités esthétiques, mes objets ont une finition parfaite, mais aussi une durée de vie importante. J'ai commencé à produire pour des particuliers des exemplaires de cette méridienne depuis 2011. Beaucoup l'ont placée à l'extérieur toute l'année. Le produit n'a pas bougé depuis. Je tiens également à souligner, qu'à l'export, le coût du transport est nul, puisque je me déplace uniquement munie d'une clé USB. Il suffit qu'il y ait sur place du HDF disponible, ainsi qu'une machine à découpe laser. C'est moi-même qui m'occupe de la réalisation et procède à l'assemblage".

Présentée au sein de ce somptueux écrin vénitien qu'est le Palazzo Michiel, la méridienne de Sophia Chraïbi Giorgi a "vraiment de la gueule", elle "en jette", comme on dit non moins familièrement. Étalant sa grâce austère aux relents antiques, la structure-ossature, teintée dans un bleu dit "turquin", souligne, d'un bref geste calligraphique, le matelas et le coussin recouverts d'un tissage marocain hand-made en laine écrue (7ebba d'Ouazzen), discrètement relevé de sfifa en sabra doré.

L'exposition dure jusqu'au 24 décembre.

Par Jamal Boushaba
Le 15/05/2019 à 14h25