Diapo-Vidéos. Cinéma: Roman Polanski primé aux César malgré les protestations

DiaporamaLe cinéaste Roman Polanski, visé par des accusations de viol, a reçu le prix de la meilleure réalisation vendredi soir lors de la 45e cérémonie des César pour son film "J'accuse", suscitant notamment l'indignation de l'actrice Adèle Haenel, qui a quitté la salle.

Le 29/02/2020 à 09h23

Manifestation de féministes devant la salle Pleyel avant la cérémonie des César à Paris, le 28 février 2020. . AFP

C'était la cinquième fois que le cinéaste franco-polonais remportait ce prix, qu'il avait déjà reçu pour "Tess" en 1980, "Le pianiste" en 2003, "The Ghost Writer" en 2011 et "La Vénus à la fourrure" en 2014. Il était déjà le réalisateur le plus césarisé dans cette catégorie.

L'actrice Adèle Haenel, symbole d'un nouvel élan de #MeToo en France depuis qu'elle a accusé en novembre le réalisateur Christophe Ruggia d'"attouchements répétés" quand elle était adolescente, a quitté la salle après l'annonce de ce prix. "La honte", a-t-elle lancé en partant, suivie par la réalisatrice Céline Sciamma et quelques autres personnes, juste avant l'annonce du César du meilleur film.

Cette récompense suprême des César a été remise au film de Ladj Ly "Les Misérables", qui raconte l'histoire d'une bavure policière dans une cité sensible de Seine Saint-Denis. "Le seul ennemi ce n'est pas l'autre c'est la misère", a affirmé le réalisateur en le recevant.

Roman Polanski et l'équipe de son film, y compris l'acteur Jean Dujardin qui joue le rôle principal, étaient, eux, absents de la cérémonie, où ils avaient décidé de ne pas se rendre alors que des féministes avaient organisé un rassemblement pour protester contre les douze nominations reçues par son long métrage, thriller historique sur l'Affaire Dreyfus.

"Ecoeurée" 

"Écoeurée", a commenté sur Instagram après l'annonce du César de la meilleure réalisation Florence Foresti, la maîtresse de cérémonie, qui avait appelé plusieurs fois pendant le soirée le cinéaste "Atchoum" en allusion au nain de Blanche-Neige, refusant de le nommer. "Meilleure réalisation à Polanski: la salle est stupéfaite. Silence, gêne. Les César de la honte!", a tweeté l'association Osez le féminisme.

"J'aime beaucoup Roman Polanski, donc je suis très heureuse pour lui. Après, tout le monde n'est pas d'accord mais vive la liberté", a réagi à l'inverse l'actrice Fanny Ardant, qui a reçu le César du meilleur second rôle féminin.

Avant le début de la cérémonie, quelques centaines de manifestants - surtout des femmes - avaient protesté aux abords de la salle Pleyel, où se tenaient les César. Certains, munis de fumigènes, avaient tenté d'approcher de la salle Pleyel en criant "Enfermez Polanski", avant d'être repoussés par la police. Ils avaient lancé des slogans hostiles au cinéaste comme "Polanski violeur, cinéma coupable, public complice". Sur des pancartes, on pouvait lire: "Victimes de Polanski, on vous croit" ou "A bas le patriarcat".

Le film de Roman Polanski a remporté trois prix au total - avec ceux de la meilleure adaptation et des meilleurs costumes -, contre quatre pour "Les Misérables" - qui a gagné aussi le meilleur espoir masculin, le montage, et le César du public - et un seul pour le "Portrait de la jeune fille en feu" de Céline Sciamma, pour lequel Adèle Haenel était nommée, celui de la photo.

Céline Sciamma, très impliquée dans le collectif 50/50 pour la parité dans le cinéma, aurait pu créer un moment historique en raflant le César de la meilleure réalisation, remporté seulement une fois par une femme, Tonie Marshall pour "Vénus Beauté (Institut)", il y a vingt ans.

Anaïs Demoustier et Roschdy Zem sacrés 

La place donnée à Roman Polanski est jugée inacceptable par les féministes et une partie de l'opinion publique, alors qu'il est visé depuis novembre par une nouvelle accusation de viol de la part de la Française Valentine Monnier.

Le réalisateur de 86 ans est également toujours poursuivi par la justice américaine pour relations sexuelles illégales avec une mineure en 1977. "J'accuse" avait connu une sortie mouvementée en France, et la polémique avait ressurgi fin janvier après l'annonce des 12 nominations du film aux César.

Le ministre de la Culture Franck Riester avait estimé vendredi matin qu'un César de meilleur réalisateur pour Polanski serait "un symbole mauvais par rapport à la nécessaire prise de conscience que nous devons tous avoir dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes". Adèle Haenel avait estimé que "distinguer Polanski, c'est cracher au visage de toutes les victimes".

Les prix d'interprétation sont quant à eux revenus à l'actrice Anaïs Demoustier pour "Alice et le maire" de Nicolas Pariser, et l'acteur Roschdy Zem pour "Roubaix, une lumière" d'Arnaud Desplechin.

Le 29/02/2020 à 09h23