Face à l'Eurovision à Tel-Aviv, une alternative palestinienne: Globalvision

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A l'heure où Tel-Aviv s'adonne à l'insouciance de l'Eurovision, les Palestiniens et leurs soutiens prévoient samedi une alternative musicale et artistique pour attirer l'attention sur la réalité moins scintillante de l'occupation israélienne.

Le 16/05/2019 à 12h26

Le programme, intitulé "Globalvision", aura lieu à Londres, Dublin, dans la ville palestinienne de Ramallah en Cisjordanie occupée, et à Haïfa, ville du nord d'Israël à l'importante communauté arabe, au moment même où les candidats de l'Eurovision rivaliseront dans le léger, le sirupeux ou le tapageur.

Globalvision promet "d'incroyables talents palestiniens soutenus par des artistes israéliens et internationaux". Le nom de Brian Eno, célèbre musicien et producteur britannique, est associé à l'initiative.

La soirée à Haïfa mettra ainsi en vedette une drag-queen et d'autres artistes censés soutenir la comparaison avec le tape-à-l'oeil étalé quelques dizaines de kilomètres plus au sud à Tel-Aviv.

Avec un logo qui arbore un "i" dont le point est aux couleurs du drapeau palestinien, Globalvision détourne aussi le slogan de l'Eurovision sur fond de ciel étoilé.

"Cette année, l'Eurovision sert à occulter de terribles réalités, comme la répression militaire et culturelle exercée contre les communautés palestiniennes, et l'oblitération continue de la terre palestinienne", explique son site.

Aucune chaîne européenne ne devrait retransmettre Globalvision, quand des dizaines de millions de téléspectateurs vibreront --ou peut-être s'endormiront-- devant les écrans diffusant l'Eurovision.

Globalvision encourage donc le public à les suivre en direct sur internet, et à délaisser l'Eurovision.

L'initiative n'est pas dirigée contre l'Eurovision, mais vise au contraire à mettre en lumière "les valeurs originales de l'Eurovision, à savoir l'inclusion et la diversité", affirme à l'AFP Najwan Berekdar, l'une des organisatrices.

Depuis que l'Israélienne Netta Barzilai a gagné l'Eurovision en 2018 et assuré à son pays l'accueil de l'édition 2019, Israël est en butte aux appels au boycott, dans la ligne des campagnes menées dans les secteurs économiques ou scientifiques pour obtenir la fin de l'occupation des Territoires palestiniens.

Israël dénonce ces campagnes comme antisémites, ce que contestent les promoteurs des appels au boycott.

Cette hostilité n'a pas empêché les demi-finales de l'Eurovision de se dérouler mardi sans anicroche, dans la liesse et le débordement sonore et lumineux attendus.

Pour Israël, l'éventuel succès de l'évènement pourrait faire office de formidable spot publicitaire international et promouvoir ses sites touristiques, ses plages, son hospitalité ou encore sa gastronomie.

Les militants pro-palestiniens s'inquiètent que d'autres réalités, à quelques dizaines de kilomètres de Tel-Aviv seulement, soient occultées.

La Cisjordanie et Jérusalem-Est sont des territoires occupés, selon l'ONU. Près de 630.000 colons israéliens y vivent de manière souvent conflictuelle avec les Palestiniens.

Et la bande de Gaza est soumise au blocus israélien.

Israël justifie l'occupation et le blocus par la nécessité d'assurer sa sécurité et par l'absence de partenaires pour la paix. Quant à Jérusalem-Est, annexé, elle fait partie de sa capitale "éternelle" et "indivisible".

"Israël instrumentalise l'art et la culture pour blanchir l'occupation", accuse Mme Berekdar.

Sur la voie routière traversant Tel-Aviv, une ONG israélienne opposée à l'occupation a fait placarder une affiche détournant le "rêve" promis par l'Eurovision pour proposer aux visiteurs étrangers de "rêver de liberté" et participer à une visite en Cisjordanie occupée.

Un groupe pro-israélien a répliqué en déployant sur le même axe une immense bannière offrant un rêve de "coexistence" et une visite guidée d'une tout autre tonalité.

Le gouvernement s'emploie également à contrer les adversaires de l'Eurovision en terre israélienne. Il a fait en sorte que des publicités sur internet évoquant le boycott dirigent les internautes vers un site exaltant la beauté et la diversité d'Israël.

Les artistes eux-mêmes tâchent de rester à l'écart. Madonna a été appelée à annuler la prestation qu'elle doit donner samedi, y compris par la mère d'un journaliste tué par des tirs israéliens lors de manifestations et de heurts à Gaza.

L'invitée phare de l'Eurovision a répondu qu'elle ne se "plierait" pas à des demandes politiques, mais qu'elle ne cesserait pas non plus de parler pour les droits humains partout dans le monde.

Les défenseurs d'Israël comme les pourfendeurs de l'occupation retiendront cependant leur souffle quand les Islandais d'Hatari monteront sur scène, précédés par leur opposition déclarée à l'occupation israélienne.

En tenue de cuir cloutée, réputés imprévisibles, remettront-ils en cause la frivolité ambiante devant des millions de téléspectateurs?

Le 16/05/2019 à 12h26