Grosse polémique autour de «Hayna», la dernière chanson de Hatim Ammor et Asmaa Lamnawar

Hatim Ammor et Asmaa Lamnawar dans le clip de "Hanya"

Hatim Ammor et Asmaa Lamnawar dans le clip de Hanya . DR

Depuis trois jours, la dernière née de Hatim Ammor et Asmaa Lamnawar, deux grands noms de la chanson marocaine, cartonne sur YouTube, avec déjà plus de 4 millions de vues. Un succès en demi-teinte toutefois pour la chanson «Hayna», aujourd’hui au centre d’une grosse polémique entre ayant-droits.

Le 21/04/2020 à 16h38

A première vue, c’est un très beau duo que celui formé par Asmaa Lamnawar et Hatim Ammor. Une belle chanson, joliment interprétée par deux stars et, cerise sur le gâteau, dont les recettes YouTube seront reversées à des associations de lutte contre le cancer. On ne peut qu’applaudir l’initiative tant artistique, que sociale. Toutefois, l’histoire n’est pas aussi simple.

Cette chanson, selon Hinda Sikal, directrice de la société de production Image Factory, était censée être la bande originale d’une série TV produite par ses équipes, pour Al Aoula, première chaîne de la SNRT, qui doit être diffusée sous peu, et qui a d’ailleurs pour titre «Hayna».

Depuis plus d’un an, en parallèle de la réalisation de la série, Image Factory a fait appel à plusieurs équipes avant de jeter son dévolu sur un texte écrit par le parolier Mohamed Rachid (qui est également scénariste), sur un air musical créé par Tarik Lahjaily. Et cette chanson devait être interprétée par Khalil Gennich.

«J’ai moi-même participé à l’arrangement musical», s’indigne Khalil Gennich, parolier mais aussi compositeur, à l’origine d’une partie de l’arrangement musical de cette chanson, «Hayna».

«En effet, Khalil Gennich a réalisé plus de 50% de l’arrangement musical de cette chanson», confirme, de son côté, Hinda Sikal.

Une chanson, deux équipesComment, donc, cette chanson destinée à une série, et qui devait être livrée pour le mois de ramadan, enregistrée par cette équipe, s’est-elle finalement retrouvée sur YouTube, chantée par deux autres personnes, Hatim Ammor et Asmaa Lamnawar.

Hinda Sikal a quelques explications sur ce mystère: «j’ai envoyé le chanteur (Khalil Gennich) au studio d’enregistrement pour enregistrer sa voix et participer à l’arrangement musical. Soit dit en passant, Hatim Ammor est l’un des {actionnaires} associés de ce studio. Suite à quoi, je reçois un message sur WhatsApp de Hatim Ammor, qui avait visiblement écouté la chanson. Il s’est enregistré en train de la chanter et m’a envoyé sa version en me demandant de le laisser interpréter “Hayna“».

La productrice relate avoir alors refusé d’accéder à la demande de la star: «j’ai refusé en lui disant qu’il n’y avait pas de raison de remplacer un chanteur qui travaillait sur ce projet depuis un an».

Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là, selon Hinda Sikal: «quand j’ai voulu récupérer la chanson auprès de Tarik Lahjaily (le compositeur), celui-ci m’a informé qu’il ne souhaitait plus me vendre la musique parce que son ami Hatim Ammor venait de la lui acheter».

«Quant aux paroles écrites par Mohammed Rachid, elles seraient remplacées par d’autres», nous explique la directrice d’Image Factory.

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Quant au chanteur initial, Khalil Gennich, il déclare que «Tarik Lahjaily a aussi décidé d’augmenter sa note à la dernière minute. Et face à cette augmentation imprévue, la boite de prod a refusé».

Ce à quoi Hinda Sikal consent à répondre: «c’est ma faute, nous n’avons pas fait de contrat de confidentialité. Je lui ai fait confiance. Il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, nous étions d’accord sur tout».

Privés du studio d’enregistrement dont ils avaient loué les services, et, plus encore, privés de la version instrumentalisée de la chanson, l’équipe dirigée par Hinda Sikal enregistre donc ailleurs une autre version de «Hayna», avec la voix de Khalil Gennich et les paroles originales créées par Mohamed Rachid.

Cette version est ensuite intégrée en post-production avec la série TV tournée pour une diffusion lors du mois de ramadan prochain d’Al Aoula, puis, la série a été livrée à la SNRT.

«Et entre-temps, qui réapparaît?, se souvient Hind Sikal: Hatim Ammor qui, cette fois-ci, interprète “Hayna“ avec Asmaa Lemnawar et m’envoie sur WhatsApp cette nouvelle version en me demandant ce que j’en pense».

Mise dans la boucle de cette affaire par la maison de production, la SNRT aurait accepté de considérer cette nouvelle version de la chanson, mais en précisant que les droits de la chanson appartiendraient à la chaîne.

«Chose que Hatim Ammor a catégoriquement refusé», poursuit Hinda Sikal.

Les choses auraient pu en rester là: une négociation de plus, qui n’aurait pas abouti… Mais il y a trois jours, la chanson de Hatim Ammor et Asmaa Lamnawar fait son apparition sur YouTube, à la stupéfaction de l’équipe de production en charge de cette chanson.

«Quand j’ai vu la chanson sur YouTube, j’ai été choqué», nous confie Mohamed Rachid, le parolier de «Hayna», qui a vu sa chanson reprise sans son autorisation.

Pis encore, quelques mots seulement de son texte original ont été remplacés, sans son autorisation là non plus, et le voilà remplacé lui aussi, dans la version chantée par Hatim Ammor, par un autre parolier: Mohammed El Maghribi.

«Je ne vais pas en rester là. J’ai porté l’affaire en justice», nous informe Mohamed Rachid, déterminé à faire valoir ses droits. Il ne sera pas le seul à livrer bataille sur le terrain de la justice, car Image Factory a également décidé d’ester en justice et possède, selon sa directrice, «toutes les preuves et la traçabilité» nécessaires à alimenter ce dossier.

Quant à la SNRT, selon Hinda Sikal, la chaîne qui doit diffuser cette série (et donc cette chanson) devrait incessamment saisir le Bureau marocain du droit d'auteur (BMDA).

Quelle est la position du camp adverse?Hinda Sikal nous apprend avoir contacté Hatim Ammor après la diffusion de cette chanson sur YouTube, mais celui-ci l’aurait rabrouée en lui faisant cette déclaration: «et alors c’est ma chanson! Cela relève du patrimoine marocain. Ça appartient à tout le monde».

Mais la productrice tempête: «cette chanson ne fait pas partie du patrimoine marocain! Pour preuve, j’ai reçu les paroles le 14 janvier 2019».

«Cette série parle (…) des «petites bonnes» et les paroles ont été écrites en fonction de l’histoire que raconte la série. Et même cela, Hatim Ammor l’a repris!», fustige le chanteur Khalil Gennich, qui ne comprend pas que Hatim Ammor brandisse le prétexte «du patrimoine marocain» pour justifier le choix de cette chanson.

«Cette idée est la nôtre. Nous avons toutes les traces de nos échanges au sujet de cette chanson. Si Hatim Ammor arrive à prouver le contraire, j’arrête de chanter!», s’écrie-t-il, dégoûté.

«J’ai la chanson enregistrée avec ma voix en plus!», nous informe Khalil Gennich, avant de nous envoyer l’audio de sa version de «Hayna», et qui serait donc la version originale et très ressemblante à celle du duo Ammor-Lemnawar.

«Hatim Ammor pensait que la série allait passer pendant Ramadan, alors que sa diffusion a été décalée. Il pensait donc qu’on serait mis devant le fait accompli et qu’on serait obligé d’opter pour sa version à lui et à ses conditions. Il a voulu nous forcer la main», explique, de son côté, la directrice d’Image Factory.

«C’est du vol à 100% et sans scrupule», conclut-elle.

Contactée par Le360, Hind Tazi, agent et épouse de Hatim Ammor, n’a pas souhaité commenter cette affaire.

«Personnellement je n’ai pas de réponse à vous apporter. Ce que je peux vous dire, c’est que normalement, quand il y a un conflit de ce genre, la personne lésée doit se tourner vers la justice. Qu’ils partent au tribunal, s’ils prétendent que cette chanson est la leur. L’ayant droit aura son droit. Nous avons des lois et la justice fera son travail», nous a ainsi répondu Hind Tazi.

«Je n’ai pas d’autre déclaration à faire. Ce n’est pas à la presse de jouer le rôle d’un tribunal. Quand on se tourne vers la presse plutôt que vers la justice, c’est pour faire de la propagande, et faire du bruit pour se faire un nom sur le dos d’un artiste. S’ils sont vraiment lésés, on se retrouvera devant la justice», a-t-elle conclu.

Egalement contactée par Le360, la chanteuse Asmaa Lamnawar n’a quant à elle pas désiré répondre à nos multiples appels. Pas plus que Tarik Lahjaily.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 21/04/2020 à 16h38