Le prix Botticelli décerné à Ilham Laraki Omari

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L’artiste peintre marocaine Ilham Laraki Omari s’est vu décerner, le 1er mars courant, le Prix Botticelli pour sa "Recherche stylistique originale" lors d’une grandiose cérémonie à la maison de Dante, à Florence, en Italie. Une consécration digne de son talent.

Le 19/03/2015 à 16h19

Les premières toiles, qu’Ilham Laraki Omari qualifie de travaux académiques, annoncent déjà l’oeuvre d’une artiste habitée par le monde, la terre, sa terre, ses roches et ses étendues océanes, ses mémoires berbères, ses passions andalouses, l’ocre de sa peau et ses pigments printaniers, chatoyants, exhibés dans les marchés splendeurs pyramidales dont chacun de nous a gardé la mémoire des poudres carmines, safranes et de henné.

Très tôt, Ilham Laraki, qui a d'ailleurs commencé par entreprendre des études de musique, fait ses gammes, se prépare à écrire ses propres partitions. Et si, parfois, le mouvement s’exerce aux fluides efflorescences de Van Gogh; si les bleus et les flous semblent parfois puiser à l’âme de Matisse; si certains des premiers tableaux renvoient clairement à de grands maîtres impressionnistes comme Monet, il ne fait nul doute que l’artiste affirme déjà là, sa palette et, surtout, son indicible talent des jeux de lumières qu’elle poussera jusqu’à l’extrême, jusqu’à l’éruption qui foudroie éclats de lave ses toiles actuelles.

L’artiste prépare sa palette. Sa palette de couleurs chaudes, de rouges vibrants, de bleus aquatiques ou azuréens qui, lors même que le feu figure tumultueux jaillissement vers le dehors, semblent renvoyer chez elle à un univers intime tout en féminité, celui de l’enfant, de la femme, de la mère; «S’agit-il de l’eau dans ces bleus? On peut y voir l’eau comme on peut y voir autre chose», confie d’ailleurs l’artiste. L’artiste prépare sa palette et esquisse déjà les thèmes qui parcourront son œuvre. La terre natale, bien sûr, ses visages, ses silhouettes, ses bijoux amazighs, ses collines et ses villes, mais, surtout, ses lumières, frémissantes, qui jouent avec les ombres des ruelles, se répandent sur la toile ondées crépusculaires ou la traversent brèches ouvertes sur un souffle cuivré ou l’envoûtante éclosion d’un feu de bois embrasé dans la nuit, dans l’ombre de secrètes palabres.

Les couleurs et flambées de la terre natale mais, aussi, un univers d’arpèges et de rythmes originels; un univers de symphonies portées par un violon ou les touches d’un piano, par une clé de Sol étreinte, sublime métaphore d’une bouleversante symbiose, par une lettre initiale, «I», celle du prénom de l’artiste. Se dessine déjà, frappante, évidente, une maîtrise saisissante des jeux de clair-obscur. De lumières. Feu, d’un espace intérieur du corps, espace de la mémoire et du désir, d’obscures nostalgies et insaisissables marées indomptables, effrénées, violentes comme retour de lame et fougueuses, pourtant, comme regain de vie.

Et c’est cet espace d’ombres et de criblées de flammes, d’ombres submergées, en réalité, par explosions et déferlantes de lave comme défi lancé aux traîtrises du temps, qu’explore aujourd’hui Ilham Laraki Omari qui semble abandonner les objets de mémoire, les paysages, visages et silhouettes où se cherchait la mémoire à refaire, à rejouer, à simuler. Un abandon qui n’a rien ni d’un désaveu ni d’une reddition. Bien au contraire. Car ce qui se met en scène, à présent, dans une cinglante impression d’immédiateté, c’est le cri. Celui du corps et de la terre, de la terre/corps et du corps/terre, amalgamés dans la même éruptive fusion. Cri, lancé à la nuit, incendiée. Nuit d’effusions intraduisibles. Fuyantes et si prenantes, pourtant, que prières, souvent, viennent combler l’impossible à nommer, déroulent calligraphies d’encre noire énonçant inextricable énigme, à jamais inapprivoisée, déroulée cependant sur fond braise où s’inscrit l’unique vérité qui fait triompher la vie des ténèbres: la passion. De questions imprononçables, de doutes insurmontables, de deuils infaisables, Mais d’intransigeante lumineuse présence au monde.

Par Bouthaina Azami
Le 19/03/2015 à 16h19