Les désastres de l'agriculture industrielle dénoncés à la Berlinale

Lukas Marxt à l'origine du film "Imperial Valley - Cultivated Run-Off" dénonçant l'agriculture industrielle

Lukas Marxt à l'origine du film Imperial Valley - Cultivated Run-Off dénonçant l'agriculture industrielle . DR

Des bulldozers détruisant la forêt vierge aux avions déversant des pesticides sur des écoles: à la Berlinale, les documentaires ont montré le lourd tribut de l'agriculture industrielle moderne, emmenant le spectateur en Indonésie, où l'on rase les forêts tropicales ou dans les champs de céréales.

Le 24/02/2018 à 12h41

L'uniformité à grande échelle des monocultures est au coeur d'"Imperial Valley - Cultivated Run-Off", un court-métrage de 14 minutes qui filme de manière hypnotique les plantations à perte de vue à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, à l'aide d'un drone.

Accentuées par une musique électronique, les images apparaissent presque abstraites, mettant en évidence la dimension géométrique des cultures.

Pour l'artiste autrichien Lukas Marxt à l'origine de ce film, "l'idée est de montrer que nous vivons déjà dans une sorte de post-apocalypse. Il s'agit de montrer les dimensions, les retombées, les causes et aussi ironiquement, la beauté" de ces fermes industrielles qui nous nourrissent.

Les cultures à haut rendement sont la dernière forme de "commercialisation de la nature", estime Kathrin Hartmann, venue présenter à Berlin le documentaire "The Green Lie". Pour l'activiste, "ce ne sont que de vastes zones industrielles, on ne peut pas parler de nature".

Pour ses partisans, l'agriculture intensive et mécanisée permet de faire les économies nécessaires pour nourrir une planète affamée. Elle a considérablement augmenté les rendements et rendu la nourriture moins chère et accessible à un plus grand nombre de personnes dans le monde.

Mais pour ses détracteurs, elle ne fait qu'appauvrir les sols, détruire les fermes familiales ainsi que les communautés locales.

"Les monocultures nécessitent d'importantes quantités de pesticides, elles dégradent les sols et consomment énormément d'eau", souligne encore Kathrin Hartmann.

Pour réaliser ce documentaire, elle a voyagé à travers le monde avec le réalisateur autrichien Werner Boote ("Plastic Planet", 2008 sur les dangers du plastique). Le tandem s'est rendu à Sumatra (Indonésie) où de gigantesques feux sont allumés chaque année pour défricher la forêt tropicale au profit de plantations d'huile de palme, ou au Brésil, où les autochtones sont chassés de leurs terres.

"C'est un phénomène mondial, que ce soit pour du soja, de la canne à sucre ou de l'huile de palme", explique-t-elle à l'AFP: "quelques entreprises gagnent beaucoup d'argent et font déplacer la population locale qui pratiquait une agriculture locale très différente et écologiquement durable".

Un constat également fait dans "A Journey to the Fumigated Towns" de l'Argentin Fernando Solanas, qui fait exploser le mythe du "gaucho" cavalant sur son cheval et menant les vaches aux pâturages.

Le documentaire, qui s'inscrit dans une série de 8 films décrivant les crises traversées par l'Argentine, montre l'évolution de l'agriculture argentine vers le soja et d'autres cultures transgéniques, ainsi que l'impact des produits chimiques sur la population et l'environnement.

Dans une école rurale, un enseignant évoque des élèves exposés à des avions fumigateurs, tandis que des médecins et chercheurs mettent en cause les produits chimiques dans le développement de malformations congénitales et des taux de cancer élevés.

Dans une scène marquante, l'expert agricole Adolfo Boy, partisan de l'agriculture biologique, traverse un champ de soja, sans mauvaises herbes, ni insectes, papillons ou oiseaux.

"Nous sommes dans le désert de soja", lance-t-il. "C'est pour ces maudites graines que l'Argentine a vendu son âme".

Le 24/02/2018 à 12h41