Moussem d’Imilchil: aux origines historiques d’une tradition séculaire

Des jeunes couples lors de la cérémonie de mariage collectif tenue le 24 septembre 2022, et qui marque la clôture du Moussem des fiançailles

Des jeunes couples lors de la cérémonie de mariage collectif tenue le 24 septembre 2022, et qui marque la clôture du Moussem des fiançailles . Ahmed Echakoury / Le360

Le 27/09/2022 à 08h28

VidéoCommerce, musique, danse et bien d’autres festivités se déclinent pendant le Moussem d’Imilchil. Pourtant, s'il est célèbre, c’est surtout pour sa cérémonie de mariage collectif, d'où il tire sa dénomination: Moussem des fiançailles. Une tradition séculaire toujours vivante même si certains la considère comme dégradante pour les femmes.

Comme à l’accoutumée, l’édition 2022 du Moussem d’Imilchil qui s’est tenue du 22 au 24 septembre s’est clôturée par la traditionnelle cérémonie de mariage collectif de couples issus de différentes tribus de la région. Une tradition séculaire qui trouve ses origines dans les anciennes croyances des tribus issues des régions d’Imilchil et de Bouzmou dans la province de Midelt.

Comme l’explique Youssef Ait Lemkadem, enseignant-chercheur spécialisé dans le patrimoine amazigh, dans une déclaration pour Le360: «le Moussem d’Imilchil est également connu sous le nom du Moussem de Sidi Hmad Lmeghni. Certains historiens estiment que cette tradition est apparue avec l’arrivée des Almoravides dans la région, où ils ont trouvé des tribus nomades. Ils ont donc nommé Sidi Hmad Lmeghni en tant que fqih pour rester dans la région et apprendre aux habitants les règles de la religion».

D’autres, en revanche, estiment que l’émergence de cette tradition date de l’époque des Almohades. Selon cette version, poursuit Youssef Ait Lemkadem, «Sidi Hmad Lmeghni était un homme pieux qui habitait dans la région d’Imilchil. Les habitants croyaient que Sidi Hmad Lmeghni disposait de dons spéciaux et se rendaient chez lui pour lui demander d’exaucer leurs vœux. Après son décès, les habitants ont remarqué qu’une lumière particulière jaillissait de son mausolée, et ils ont donc commencé à organiser ce moussem, connu aussi sous le nom d’Agdoud en langue amazighe. Un évènement qui est à la fois destiné au commerce, mais qui permettrait aussi aux jeunes hommes et femmes issus de différentes tribus de se rencontrer pour choisir leur conjoint. A la fin de chaque moussem, des mariages collectifs sont organisés, conformément à la tradition des tribus locales».

Quant au lien entre le Moussem d’Imilchil et le conte légendaire de Isli et Tislit, notre interlocuteur explique que c’est une légende qui raconte l’histoire de deux jeunes issus de tribus ennemies qui sont tombés amoureux. Leurs familles leur ayant interdit de se marier, le désespoir des deux amoureux était si grand qu’ils se sont suicidés en se noyant dans deux lacs: «Isli», signifiant marié et «Tislit», signifiant mariée. Selon cette version, le Moussem d'Imilchil a donc été créé pour rendre hommage à ces deux jeunes amoureux. La légende raconte aussi que la montagne sépare les deux lacs, leurs âmes sont restées séparées même après leur mort.

S’agissant des rumeurs autour de ce festival, considéré par certains comme étant dégradant pour la dignité des femmes et une occasion pour vendre les jeunes filles, Youssef Ait Lemkadem assure qu’il s’agit tout simplement d’une cérémonie de mariage collectif. Il rappelle ainsi que les tribus de la région n’organisent pas des fêtes de mariage individuelles pendant l'année, mais attendent jusqu’au moussem suivant pour célébrer l’union de l’ensemble des jeunes qui se sont rencontrés grâce à cet évènement et qui ont tous consenti et choisi de fonder des familles, et de passer leurs vies ensemble.

Enfin, en plus d'être le lieu de choix pour trouver un conjoint potentiel, le moussem d'Imilchil constitue une célébration des valeurs et de la culture de la région et permet d’immortaliser ce patrimoine immatériel. 

Par Ahmed Echakoury
Le 27/09/2022 à 08h28