Théâtre. Ahmed Saâri, un parcours d’exception "récompensé" par l'indifférence !

Ahmed Saâri, un monument du théâtre marocain.

Ahmed Saâri, un monument du théâtre marocain. . DR

Il fait partie des précurseurs du théâtre national. On l’appelait le «Google du théâtre marocain» pour sa vaste culture dans le domaine. Il est aussi le précepteur de grands comédiens ayant marqué la scène. Aujourd’hui, ce monument qu’est Ahmed Saâri se meurt à petit feu. Dans l’indifférence, hélas!

Le 13/01/2018 à 20h35

Qui, dans le monde du théâtre au Maroc, ne connaît pas Ahmed Saâri? Véritable mémoire ambulante, il fait partie des pionniers du domaine.

Né en 1940 à Casablanca, Ahmed Saâri a entamé sa carrière en 1956 à l’âge de 16 ans avec la troupe de théâtre marocain qui comptait en son sein Tayeb Saddiki, Ahmed Tayeb Laâlej, Mohamed Afifi et Abdessamad Kenfaoui.

En 1965, il est nommé professeur au Conservatoire municipal de musique, de danse et d’art dramatique de Casablanca, où il comptait parmi ses étudiants de nombreux futurs grands comédiens tels Houcine Beniaz (Baz), Aziz Saâd Allah et Khadija Assad, Miloud El Habachi et bien d’autres.

Ce natif du mythique quartier Derb Soltane, qui est passé aussi bien par les écoles coraniques que par les établissements scolaires, a aussi côtoyé, à ses débuts, les frères El Badaoui, Mustapha Dassoukine et Abdelaadim Chennaoui.

Il était la cheville ouvrière du Théâtre municipal de Casablanca sous la direction de Tayeb Saddiki (1964-77). Il maîtrisait si bien les rouages de l’organisation qu'il était difficile de se passer de ses services pour les manifestations théâtrales organisées dans le royaume.

Hassan Nafali, qui fut président du Syndicat marocain des professionnels du théâtre, le qualifie de "père spirituel", aussi bien pour sa génération que pour celles le précédant et lui succédant.

En tant qu’acteur, Ahmed Saâri a tourné dans plusieurs films et feuilletons marocains. Il compte aussi à son actif des participations dans des longs métrages étrangers. En somme, une carrière aussi riche que remarquable qui n’a, pourtant, jamais fait tourner la tête de l’homme resté fidèle à ses principes. Il était l’incarnation parfaite de la simplicité.

Le «Google du théâtre marocain»

Pour la petite histoire, Ahmed Saâri a inventé le métier d’impresario au Maroc: à chaque fois qu’un réalisateur marocain ou étranger avait besoin des coordonnées d’un acteur ou d’une actrice, c’est à lui qu’on s’adressait. Sauf que cet homme au grand cœur exerçait ce «métier» sans toucher le moindre sou, avec autant d'élégance que de bonhomie.

Quand l’un de ses pairs était malade ou dans le besoin, c’est vers lui qu’on se tournait pour indiquer aux visiteurs le chemin de sa maison.

Il est fort dommage que nombre de ses collègues ignorent aujourd’hui sa propre souffrance.

Car, depuis août 2015, Ahmed Saâri est gravement malade. Affaibli par la maladie, il a du mal à parler. Il ne quitte d'ailleurs plus la maison qui l’a vu naître et a vu naître ses enfants. «Mon père souffre de paraplégie. Il n’arrive plus à parler ni à marcher. Nous devons le soutenir pour tous ses besoins y compris pour se nourrir», confie à le360 la fille du comédien.

Ahmed Saâri bénéficie de la Mutuelle nationale des artistes (MNA). Mais, regrette sa fille, le remboursement tarde beaucoup. D'autant que son père doit subir, chaque trois mois, un contrôle pour le renouvellement d'un traitement de six mois. «Nous sommes en 2018 et nous venons à peine d’être remboursés pour les frais médicaux de 2016», affirme-t-elle.

Fidèle à l’image de ce père modèle, la famille Saâri garde l'espoir de voir son état de santé s’améliorer. Vendredi 12 janvier, sa fille l’a sorti sur son fauteuil roulant dans un café à Derb Soltane, pour lui permettre de respirer l’air de ce quartier mythique qui l’a vu naître et grandir.

Un monument comme Ahmed Saâri ne mérite-t-il pas attention et prise en charge? Pour ce qu’il a donné au théâtre marocain et ce qu’il a apporté à plusieurs générations, il le mérite amplement. Que, par la grâce de Dieu, il puisse longtemps vivre parmi nous.

Par Abdelkader El-Aine
Le 13/01/2018 à 20h35