Vidéo. Moulay Abdelaziz, le Sultan photographe qui immortalisait ses favorites

Une favorite, photographiée par le sultan Moulay Abdelaziz, au palais impérial de Fès.

Une favorite, photographiée par le sultan Moulay Abdelaziz, au palais impérial de Fès. . DR

Dans le quatrième épisode de «La Chambre noire de l’Histoire», une série de mini-documentaires produits par Sorbonne Université, la passion pour la photographie du sultan marocain se dévoile.

Le 21/09/2021 à 08h18

Une jeune femme pose dans le palais impérial de Fès, dans les appartements du sultan Moulay Abdelaziz. Voilée de blanc, un bijou autour du cou, celle que l’on suppose être l’une des favorites du Sultan contemple, l’air grave, des cadres posés sur un meuble avec pour toile de fond de grandes tentures imprimées de fleurs.

Bien plus que le modèle féminin qui pose sur cette photographie datant des années 1900, soit les dernières années d’indépendance du Maroc, la particularité de ce cliché est d’avoir été pris par le sultan Moulay Abdelaziz lui-même.

Initié à cet art par Gabriel Veyre, photographe français placé auprès du Souverain pour l’initier à cette technologie toute nouvelle de l’empire, le Sultan se serait adonné à l’apprentissage de la photographie avec sérieux, s’exerçant tout d’abord en faisant poser ses femmes dans une composition sans doute étudiée.

Ce cliché, qui fait partie de la collection de Gabriel Veyre, témoigne d’un temps où «les femmes rarement mentionnées dans les récits historiques du XIXe siècle marocain n’ont pas encore de nom», explique le narrateur, Antoine Perrier, de l’école des hautes études hispaniques et ibériques, la Casa de Velazquez.

Les femmes étaient tenues loin du regard des hommes et plus encore des yeux des étrangers. Pourtant, à cette même époque, au palais de Fès, elles peuvent désormais être aperçues par les Européens, en dehors des appartements du Sultan, dans les autres pièces du palais.

Certaines favorites d’origine de Constantinople introduisent de nouvelles habitudes de luxe à la cour et ce sont précisément elles que le Sultan a photographié. Ces photographies témoignent ainsi d’un harem de moins en moins verrouillé sur lui-même, bien qu’en dépit de l’allure plus moderne que prend son sérail, le Sultan se soit réservé le privilège de photographier ses épouses et ses favorites.

Mais si l’utilisation d’une technologie européenne par le Sultan a fait l’objet de vifs reproches de certains de ses contemporains marocains qui y voient un signe de soumission aux étrangers, il n’en demeure pas moins que ces clichés pris par le Souverain témoignent également d’une affection ou d’un intérêt personnel dont la vie intime échappe souvent aux chroniques officielles.

Cette photographie incarne donc également un signe de la réforme volontaire du Royaume sous son règne, réforme destinée à s’approprier des technologies européennes sans pour autant s’y soumettre.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 21/09/2021 à 08h18