Vidéo. Tout savoir sur les "Archives du Maroc"

Jamaâ Baida, Directeur Général de l'institution publique "Archives du Maroc"

Jamaâ Baida, Directeur Général de l'institution publique Archives du Maroc . DR

Le 30/11/2017 à 18h34

VidéoLa journée nationale des Archives du Maroc est célébrée ce jeudi 30 novembre. L'occasion de présenter cette institution, son mode de fonctionnement, son budget et les petites mains qui travaillent dans l'ombre. Visite guidée avec son directeur Jamaâ Baïda.

Le Maroc célèbre ce jeudi la journée nationale des archives du Maroc. La loi de la création des Archives du Maroc en tant qu’institution publique a été promulguée le 30 novembre 2007 et l’établissement a vu le jour en 2011.

Pour fêter cet évènement, une exposition intitulée: "Route de l’unité, route de la citoyenneté" est organisée à partir d’aujourd’hui au siège des Archives du Maroc, en lieu et place du bâtiment historique de la Bibliothèque nationale du royaume du Maroc, à côté de la faculté des lettres et des sciences humaines à Rabat.

En attendant la nouvelle bâtisse prévue sur 4 hectares et demi au Technopolis, les Archives du Maroc ont été aménagées dans ce vieux bâtiment. L'institution regroupe près de 3 kilomètres linéaires de documents sans compter les fichiers numérisés.

En son sein, ce sont une quarantaine de personnes, toutes polyvalentes et toutes lauréates de l’Ecole des sciences de l’information à Rabat, qui travaillent. C’est ce qu’explique l’historien Jamaâ Baïda, directeur général de l’établissement, lors d'une visite guidée. Un établissement qui a pour objectif de constituer et de conserver des documents organisés dans l’intérêt public, tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées que pour la recherche scientifique et la sauvegarde du patrimoine national.

Les derniers documents recueillis en date sont ceux du fonds sur le judaïsme marocain. Reçu le 16 novembre par les Archives du Maroc, il provient de deux instances: celle des archives diplomatiques de France et celle du mémorial de la Shoah aux Etats-Unis. "Ces fonds revêtent une importance particulière car nos collections sont lacunaires. Et ce pour la simple raison que les documents ont connu le même sort que nos compatriotes juifs, à savoir qu’ils ont émigré dans divers pays du monde: en France, aux Etats-Unis, au Canada et ailleurs", précise Jamaâ Baïda.

Dans ses prérogatives inscrites dans la loi 69-99, l’établissement se doit d’essayer de faire venir au Maroc des sources archivistiques et de les mettre à la disposition des chercheurs et des usagers depuis juillet 2011. Et la Constitution marocaine considère également que ce pan du judaïsme marocain fait partie intégrante du patrimoine national et doit donc être valorisé.

Ce fonds, comme pour toutes les archives disponibles au sein de l’institution, n’a pas été acheté. Il s’agit d’un don qui est le fruit de longues et persévérantes négociations qui ont duré plusieurs années. "Nous avons une rubrique dédiée à l’achat d'archives privées mais nous ne souhaitons pas l’activer pour que les archives ne deviennent pas un motif de business". L'accès aux archives du Maroc est gratuit pour les chercheurs et le grand public à condition que leur utilisation n'ait pas d'objectif lucratif.

Pour consulter les archives dans la salle de lecture, un abonnement annuel de 100 dirhams est proposé aux adultes et la moitié aux étudiants, à condition de les manipuler soigneusement. La détérioration des archives est passible d’une peine d’emprisonnement, peut-on lire sur l’écriteau affiché sur l’un des murs en verre de la salle de consultation. Si un particulier souhaite organiser un évènement lucratif autour d’un thème particulier et qu’il a besoin d’une photo ou de tout autre type de document, il faudra passer à la caisse et les prix varient en fonction du document.

Le directeur des Archives du Maroc souligne également que les différentes catégories d’archives sont réglementées par la loi. "Toute archive est accessible au public, trente années après sa production, sauf pour le cas d’archives ayant trait à la sécurité interne du pays", a-t-il ajouté.

Pour des documents ayant trait à la vie intime des personnes, à savoir les dossiers personnels et médicaux, il faut attendre 100 ans au Maroc, contre 120 ans en Allemagne. "En Allemagne, les gens vivent plus longtemps. Et il n’est pas éthique de rendre publiques des données personnelles alors que ces personnes sont toujours en vie car cela peut leur porter préjudice".

D’autres restrictions concernent les archives privées qui relèvent de la volonté du donateur. Ce dernier a le droit, au moment de la signature de la convention, de demander à ce que ne soit communiqué certains documents qu’après un certain temps. "Ceci dit, il y a transparence. Si des archives ne sont pas communiquables, nous en expliquerons les raison à l'usager qui souhaite les consulter", précise Jamaâ Baïda. Et d'ajouter que "si le chercheur nous soumet l’autorisation de la personne propriétaire, tout en s’engageant à ne pas communiquer l’archive à autrui, alors l'accès est libre".

Le directeur des Archives du Maroc et son équipe ont d’énormes ambitions, même si le métier d’archiviste n’est pas encore reconnu au Maroc. "Nos ambitions sont grandes. D’abord, assainir le passé et rattraper le temps perdu depuis l'indépendance. Nous ne pouvons pas récupérer toutes les archives qui se trouvent dans les ministères, la logistique d’accueil est encore très modeste, d’où le projet de Technopolis sur quatre hectares et demi pour lequel nous avons déja engagé des études préliminaires qui s'achèveront dans six mois. Il appartiendra alors au chef du gouvernement de réunir le Conseil national des archives et de débloquer le budget nécessaire".

En attendant les nouveaux locaux, les archives de l’Etat émanant des différentes structures et organismes publics doivent être préservées dans leur environnement d'origine. "Nous avons édité un guide référentiel des Archives du Maroc et nous insistons auprès des institutions concernées pour qu’elles ne détruisent pas leurs archives et les préservent dans des lieux dédiés, en attendant que les Archives du Maroc se dotent de moyens humains et matériels pour les gérer", déclare Jamaâ Baïda.

Notre source pousse par ailleurs un coup de gueule: "Les petites mains qui travaillent ici et que vous avez rencontrées, cela fait des années que je réclame pour elles une petite prime de risque dérisoire que je n’arrive toujours pas à arracher. Nous sommes un établissement publique stratégique de par la loi, mais parfois, je ne vous cache pas que j’ai des doutes quant à la volonté de mes partenaires d’aller de l’avant".

Par Qods Chabaa et Said Bouchrit
Le 30/11/2017 à 18h34