Vidéo. Tribune. Leïla Slimani répond à Macron: "Chez nous, c’est ici"

Leila Slimani.

Leila Slimani. . AFP

Le prix Goncourt 2016 répond aux propos d'un vétéran qui rêve de mettre les immigrés dehors, et "reproche" au président de la République le "manque de vigueur" dans sa réponse à cet homme.

Le 10/11/2018 à 14h28

La scène s'est produite le 6 novembre dernier, à Verdun. En visite dans cette petite ville du nord-est de la France, le président Emmanuel Macron est interpellé par un vétéran qui lui demande : "quand mettrez-vous les sans-papiers hors de chez nous ?". Ces propos ont interpellé l'écrivaine franco-marocaine qui en a fait l'objet d'une tribune publiée ce samedi 10 novembre dans le quotidien Le Monde sous le titre : "Emmanuel Macron aurait pu défendre les immigrés avec plus de vigueur".

Pour Leïla Slimani, la formulation de l'homme ne lui est pas étrangère. "Ce vétéran, je le connais. Ou plutôt, je le reconnais. Cette voix amère, ce ton aigre, cette façon hautaine de cracher les syllabes lorsqu’il dit "sans-papiers". Tous les métèques de France vous le diront, tous les Arabes, les Noirs, les sans ou avec papiers vous le confirmeront: ces propos sont de plus en plus courants", écrit-elle. 

L'auteure de "Chanson douce" rappelle l'animosité ayant de plus en plus prise dans l'Hexagone à l'encontre des gens de couleurs, insultés sur leur passage, bousculés et humiliés. Leurs détracteurs estiment qu'ils sont "trop nombreux" dans le pays de Sartre et Jean Jaurès et "nous invitent à «rentrer chez nous» quand chez nous, c’est ici".

Au vétéran en question, Macron a répondu: "ceux qui peuvent vivre librement dans leur pays doivent être reconduits". Une réponse qui vraisemblablement n'a pas été du goût de Leïla Slimani. "Pourtant, il me semble qu’Emmanuel Macron aurait pu défendre avec plus de vigueur et de froideur ceux que cet homme rêve de mettre dehors. Il aurait pu lui répondre sèchement qu’on ne parle pas ainsi des gens en les résumant au vocable «sans-papiers». Il aurait pu lui dire, puisqu’il faut défendre la «pensée complexe», que l’immigration est une question ô combien complexe parce qu’elle est humaine, douloureuse, existentielle", regrette-t-elle. 

Et d'ajouter que le président aurait pu faire un piqûre de rappel et attirer l'attention du vétéran que ceux qu'il vilipende, ces «sans-papiers» ne sont pas sans visage. "Ils ne sont pas des figures abstraites sur lesquels on peut allègrement se défouler. Ils sont étudiants, nounous, chefs cuisiniers, chercheurs en sciences sociales, écrivains, gardes-malades...", conclut l'écrivaine.

Par Khalid Mesfioui
Le 10/11/2018 à 14h28