Dans les coulisses du marché du change informel

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Revue de presseKiosque 360. Loin des marges jugées faramineuses par les petites bourses, tout comme les grandes fortunes, pratiquées par les bureaux de change, le secteur informel peut en l’espace de quelques minutes, grâce à un simple coup de fil, transférer jusqu’à des millions.

Le 23/01/2015 à 21h00

Le dossier hebdomadaire du quotidien Al Akhbar a été réservé ce weekend du 24 et 25 janvier aux réseaux illégaux de transfert d’argent à l’étranger. «Au moment où on nous informe du rapatriement des fonds en fuite à l’étranger, d’autres fonds sortent du pays de manière illégale», écrit Al Akhbar dans le prélude du dossier.

Modus operandi

N’importe quel Marocain ou ressortissant étranger peut moyennant du cash transférer n’importe quelle somme vers l’étranger. Pour le faire, l’endroit le plus indiqué à Casablanca est le centre-ville, à côté du globe terrestre, qui n’est plus fréquenté par personne. Al Akhbar raconte dans son dossier le modus operandi de ces «agents de change» informels. Organisés en réseaux avec une hiérarchie impliquant boss, lieutenants et exécutants, ils entretiennent une sorte de «bourse» secrète. La plupart des jeunes qui y travaillent étaient avant des faux-guides touristiques. Quand l’Etat a commencé à réglementer la profession, ils se sont rabattus sur le change, qui malgré les risques de prison s’avère rentable à condition de changer beaucoup d’argent.

Transfert en temps réel

Le stratagème est en fait simple et date de plusieurs décennies : un individu qui veut envoyer des devises à un proche à l’étranger n’a qu’à donner l’équivalent en dirhams à l’intermédiaire moyennant commission. L’intermédiaire grâce à un réseau de relations peut «transférer» l’argent en quelques minutes en demandant à son interlocuteur de donner l’équivalent en euros, explique Al Akhbar. La densité de certains réseaux est telle qu’ils peuvent desservir n’importe quelle ville en Europe.

La méfiance est de mise

Al Akhbar raconte comment un jeune homme a réussi à transférer en moins de deux ans près de 3 MDH. La moyenne, indique Al Akhbar, oscille entre 20.000 et 50.000 DH. Lors de son enquête sur le terrain, Al Akhbar a rencontré un agent en se faisant passer pour un client. Réjoui à l’idée de gagner de l’argent facile, l’intermédiaire n’a pas tardé à devenir méfiant devant la batterie de questions posées par le journaliste. Dans ce métier, on n’est jamais trop prudent. La plupart des «agents» change souvent de numéro de téléphone. Le transfert d’argent illégal ne concerne pas l’Europe, mais aussi d’autres régions comme la Chine. Les commerçants qui achètent des produits chinois ont pour habitude, révèle Al Akhbar, de donner un chèque à un Chinois ici au Maroc, de fixer à l’avance le montant de la transaction, et de recevoir l’équivalent en yuans ou en devises en Chine. «Dans ce monde, aucune voix n’est au-dessus de celle de l’argent», écrit Al Akhbar. La partie chinoise n’a pas même pas besoin du chèque tant que le montant est présenté en cash avant le fameux coup de fil. Un procédé simple comme bonjour et qui marche. Le quotidien indique que lors de la période du pèlerinage, une activité de change illégale s’installe de manière saisonnière pour aider les pèlerins qui ont des soucis financiers. Si l’Etat a réussi à rapatrier près de 27 MMDH, d’autres fonds sortent. Une hémorragie qui fait perdre à notre économie du «sang» vital en cette période de crise.

Par Amine Haddadi
Le 23/01/2015 à 21h00