Dans les coulisses du marché noir des changes

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Kiosque360. Changer des dirhams contre des devises, les faire sortir clandestinement du royaume est une opération bien rodée pour des cambistes clandestins. Même quand il s'agit de gros montants.

Le 30/10/2014 à 11h36

C’est une enquête de terrain intéressante à laquelle s'est livré notre confrère d’Al Akhbar. Un journaliste du quotidien s’est fait passer pour un client qui cherche à changer et faire sortir du territoire une somme astronomique en devises. Sa conclusion: le service est proposé avec une facilité déconcertante selon cet article publié dans l'édition du 30 octobre.

L’investigation démarre dans les bazars jouxtant l’ancienne médina de Casablanca, haut lieu du marché noir des devises pour les voyageurs bidaouis qui ne veulent pas rester limités au montant de la dotation touristique autorisée par l’Office des changes (40.000 dirhams par an à raison de 20.000 dirhams par voyage). Al Akhbar avance des estimations inédites sur l’activité de changes illégale dans ces échoppes qui font officiellement dans la vente des souvenirs d'article d’artisanat made in Morocco: pas moins de 70 bazars sont implantés dans ce quartier et brassent quotidiennement des montants de 300.000 à 900.000 dirhams dans le marché de changes au noir. Mais il y a visiblement 7 grands cambistes sur cette place qui, eux, ne font que dans les transactions dépassant le million de dirhams.

8 millions de dirhams à sortir du pays

Le reportage-enquête d’Al Akhbar monte en puissance quand le journaliste arrive à pénétrer dans l’antichambre de l’un des grands courtiers de la médina. Le journaliste se fait passer pour un client qui veut changer pour 8,3 millions de dirhams en euros et, surtout, les encaisser en Chine. Une transaction que le cambiste va accepter de réaliser, sans aucun problème, tout en dévoilant ses tarifs: alors que le taux de change du jour sur le marché parallèle est de 11,07 dirhams pour un euro, le «bazariste» propose d’effectuer ce virement Casa-Shangaï pour 11,9. Un tarif nettement plus élevé qu’un transfert vers la France (11,4) ou encore vers l’Italie (11,5). Quant au dénouement de l’opération, il est assuré par des chèques que signe le cambiste au profit du client. Ce dernier les remet ensuite au "correspondant international du vendeur de tapis" qui se charge de lui livrer les devises à la destination convenue. Pas très sûr comme garantie de bonne fin, mais c’est ça le marché noir…

Un marché qui, selon Al Akhbar, ne se limite pas aux bazars, mais concerne même à certains bureaux de change qui ont pignon sur rue. Le journaliste a pu entrer en contact avec un d’entre eux qui était prêt à assurer une sortie de devises de 650.000 dirhams vers la France et l’Espagne.

Avec cette investigation de nos confrères, on comprend mieux comment des dizaines de milliards de dirhams ont pu fuir le pays. Une manne que le gouvernement cherche à rapatrier en jouant la carte de l’amnistie. Une contribution libératoire a été instaurée cette année pour le rapatriement des avoirs détenus illégalement par des Marocains. Mohamed Boussaid, l’argentier du royaume, tablait sur des déclarations de l’ordre de 5 milliards de dirhams. A fin septembre, deux milliards seulement ont été déclarés, mais l’opération semble s’accélérer avec l’approche de la fin de l’année, date butoir de cette mesure fiscale.

Par Fahd Iraqi
Le 30/10/2014 à 11h36