Exclu Le360. Affaire immobilière «Casablanca Parc»: le promoteur Benhima livre sa version des faits (1/2)

Sadreddine Benhima, co-fondateur du groupe Maprinvest et de sa filiale Treize Huit

Sadreddine Benhima, co-fondateur du groupe Maprinvest et de sa filiale Treize Huit . DR

Dans une longue interview accordée à Le360, le promoteur du projet immobilier «Casablanca Parc» se défend en arguant que les retards de livraison seraient liés à des problèmes administratifs.

Le 02/03/2019 à 17h09

Initié par la société Treize Huit, filiale du groupe Maprinvest, le projet immobilier «Casablanca Parc Sidi Maârouf» est au centre d’une immense polémique. Prévue initialement courant 2016, la livraison de ce complexe résidentiel de moyen standing a pris du retard.

Organisés en collectif, les réservataires lésés, aussi bien ceux qui, entre-temps, se sont désistés et qui réclament aujourd’hui la restitution des sommes avancées, que ceux qui attendent toujours d’être livrés, organisent régulièrement des sit-in sur le site du projet (non loin du Parc Casanershore), ou encore devant le siège du groupe Maprinvest au centre du quartier CIL à Casablanca.

Suite à une plainte déposée au pénal auprès du parquet général, pour abus de confiance, faux et usage de faux, une enquête judiciaire a été diligentée pour tirer au clair les tenants et aboutissants de cette affaire.

Dans cette interview qui marque sa première sortie médiatique, Sadreddine Benhima, co-fondateur du groupe Maprinvest et de sa filiale Treize Huit, répond point par point aux accusations dont il fait l’objet.

Les auditions de la police judiciaire; le détournement de 200 millions de dirhams; le bras de fer avec le Conseil de la ville; les saisies conservatoires; le terrain des Domaines offert par le wali; les négociations avec la banque qui a financé le projet et surtout l’avenir du projet Casablanca Parc. La version des faits livrée par celui qui est décrit par les médias comme «une personnalité influente».

Annoncé en fanfare il y a plus de cinq ans, beaucoup pensent que le projet «Casablanca Parc» s’est finalement transformé en un chantier fantôme. Qu’en pensez-vous?

Le projet «Casablanca Parc» compte à ce jour 500 appartements finis, répartis sur 42 immeubles de quatre étages. Les titres fonciers sont accordés à 320 appartements et pas moins de 275 familles sont déjà installées sur place. 160 autres appartements (14 immeubles) se trouvent en phase finale des gros œuvres, ce qui devrait, en l’espace de dix mois, porter l’effectif global à 660 appartements, soit un total de 56 immeubles.

Les gens ont l’impression que c’est un projet fantôme. C’est un projet ambitieux. Au regard de la voirie et des aménagements (eau potable, électricité, dalots de stockage des eaux pluviales), Casablanca Parc correspond au plus grand ouvrage privé de Casablanca. Rien que la voirie et les ouvrages nécessitent un minimum de 60 à 70 millions de dirhams.

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Le projet est aujourd’hui à l’arrêt. Pourquoi ?

Les arrêts de chantier sont dus à plusieurs problèmes d’ordre administratif. Je vous citerais au moins deux cas majeurs. Le premier est lié au plan modificatif soumis à l’autorisation de la Protection civile.

L’administration a sorti une série de remarques dont l’étude aura nécessité 14 mois et une mobilisation de 11 commissions. Finalement, le plan nous a été remis tel que nous l’avions proposé au départ. Aucune remarque n’a entre-temps été retenue. Une flagrante discontinuité dans la prise de décision au niveau de l’administration nous a fait perdre 14 mois.

Parallèlement à cela, le Conseil de la ville de Casablanca nous a imposé de payer la taxe sur les Terrains non bâtis (TNB), pour laquelle les promoteurs immobiliers bénéficient d’une exonération pour une période de trois ans. Avec le retard subi de 14 mois et dont je viens de citer la cause, nous n’avons pu bénéficier que de deux ans d’exonération au lieu de trois. Nous avons dû faire appel à la Direction générale des collectivités locales (DGCL) qui, après avoir mené son enquête, nous a livré un document qui ordonne à la ville de Casablanca de nous restituer notre droit au bénéfice de trois années d’exonération au titre de la taxe sur les TNB.

Ainsi, nous nous sommes retrouvés dans un bras de fer avec la ville qui nous a bloqué les permis d’habiter. Ce n’est qu’au bout d’une période de six mois que nous avons pu obtenir l’avantage fiscal prévu par la loi. Au total, le projet a dû accuser un retard de 20 mois rien qu’à cause de ces deux problèmes administratifs.

Quel est le montant total des avances réclamées par vos clients?

Je ne peux pas avancer des montants, car la situation est un peu plus complexe. Je peux en revanche vous donner un ordre de grandeur. Les avances reçues des clients représentent 15% du montant de l’acquisition, et non pas 20% ou 30% comme l’ont rapporté certains médias. Ce pourcentage représente à peine la moitié du coût des gros œuvres.

Certains réservataires ont décidé de ne pas finaliser la transaction. Ceux-ci ont soit un désistement soit un jugement. Nous avons déjà indemnisé pour près de 30 millions de dirhams. Nous sommes en train de continuer à le faire. D’autres se sont rétractés après le désistement et certains ont pu déjà accéder à leurs appartements. C’est une opération dynamique. Au-delà des trente millions de dirhams restitués, nous allons continuer à restituer l’argent pendant la vie du projet. Dans trois mois, il y aura 160 familles additionnelles qui rentreront dans leurs appartements.

Mais le chantier est inachevé et les appartements ne disposent toujours pas de titres fonciers...

Les appartements sont prêts. Les bâtiments sont finis. Il manque juste le ponçage des sols, quelques couches de peinture. Puis, nous sommes en train de demander l’éclatement des titres fonciers. Nous sommes vraiment en phase finale.

Vous vous êtes pourtant engagés à livrer les appartements courant 2016…

Dans le contrat de réservation, il est précisé que le délai de livraison engagé peut être repoussé en cas de retard d’exécution ou administratif non maîtrisable et non imputable au promoteur. (ndlr: article 3 du contrat de réservation, intitulé «délai de livraison»).

Est-ce vrai que plus de mille réservataires ont été laissés sur le carreau dans cette affaire?

Laissez-moi vous répondre avec des statistiques logiques. On parle de 1.000 réservataires et de 250 millions de dirhams d’avances.

Le prix moyen pondéré d’un appartement est de 900 mille dirhams. Si on y applique les 15% d’avances, nous sommes à près de 140 millions de dirhams d’avances-clients, et non pas à 250 millions comme avancé par certaines personnes. Il faut retrancher de cela le montant restitué de 30 millions de dirhams.

Nous avons commercialisé près de 700 appartements, mais il faut ajouter à cela les désistements et les appartements invendus, dont 480 construits et finis, puis 160 en fin de gros œuvre et 150 autres en début de gros œuvre. Ajoutez à cela près de 300 familles qui ont pris possession de leurs appartements. Je vous laisse faire le calcul.

Il y a un groupe de 30 personnes actives menées par deux personnes, dont une habite son appartement titré depuis 8 mois.

Vous avez fermé le point de vente. Le siège du groupe Maprinvest a été déserté. Ne pensez-vous pas que les réservataires n’avaient pas d’autre choix que de manifester?

J’étais obligé de fermer le bureau de vente car il y va de la sécurité du personnel. Un groupe de personnes a pris en otage les bureaux de vente et ont menacé physiquement les gens qui y travaillent. Je ne vais pas exposer mes employés à un danger physique.

On vous reproche d’avoir vendu plusieurs fois le même appartement à plusieurs personnes…

C’est faux ! Un seul client est venu porter plainte contre une double vente, arguant qu’il ne s’était pas désisté. Sauf qu’il a juste omis de dire qu’il a un jugement en sa faveur. J’ai vendu l’appartement parce que le jugement a été en sa faveur (annulation de la vente et restitution des sommes avancées). Il s’agit donc d’une plainte mensongère puisqu’il a entre ses mains un jugement du tribunal de commerce. Nous ne libérons les appartements pour les passer à la vente que lorsque nous avons un désistement ou bien un jugement.

Certains réservataires viennent de se rendre compte que les avances ont été versées sur le compte d’une nouvelle société, du nom de Benbros, au lieu de Treize Huit. Comment expliquer cela?

Dans le but de rembourser des clients, nous avons utilisé un véhicule qui nous appartient à 100% pour pallier aux problèmes de saisies conservatoires sur les comptes de Treize Huit. Cela nous a permis de rembourser plus de 3,5 millions de dirhams aux clients. Les flux financiers on été répertoriés et comptabilisés avec transparence. Je tiens aussi à préciser que contrairement à certaines rumeurs infondées, aucun gérant n’a fait l’objet d’une quelconque interpellation.

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Les appartements ont-ils fait l’objet d’une saisie par la banque?

Non, il n’y a aucune saisie de la banque. Celle-ci dispose d’une hypothèque de 350 millions de dirhams en premier et deuxième rang sur tout le projet, et ce depuis l’acquisition du terrain nu, ce qui est une procédure normale dans tous les financements bancaires. Les réservataires qui ont colporté cette information l’ont fait soit par ignorance des procédures bancaires, soit par médisance. Je leur donne le bénéfice du doute en pensant que, pour la plupart, ce serait par ignorance.

Quand on achète un appartement, il y a ce qui s’appelle une quotité de remboursement à la banque. C’est-à-dire une somme prédéterminée et contractuelle que nous avons négociée avec la banque pour le remboursement de notre créance. Dans notre cas, le montant est de 7.500 dirhams par mètre carré vendu. Ce qui veut dire que sur chaque vente que nous faisons, par exemple un appartement de 100 mètres carrés, le notaire retient 750.000 dirhams qu’il reverse directement à la banque. Après avoir reçu la mainlevée de la banque, le notaire peut inscrire le titre foncier au nom de l’acquéreur. Toutes les transactions se font chez le notaire, aucun argent ne transite par nos comptes.

Voulez-vous dire que le projet n’est frappé par aucune saisie?

Ce n’est pas ce que j’ai dit, je dis bien qu’il n’y a pas de saisie de la part de la banque. Cependant, je confirme qu’il y a des saisies conservatoires de la part de certains réservataires, qu’un juge du tribunal de commerce a autorisé à certains d’entre eux. Mis à part une qui relève d’un problème que nous sommes en train de résoudre avec l’entreprise de construction, lequel est dû à l’arrêt de chantier. Bien entendu, nous allons payer les saisies qui ne sont pas énormes. Nous les avons toutes répertoriées. Les titres fonciers vont ensuite passer au nom des acquéreurs.

Se sentant lésés, les clients manifestent régulièrement sur le site du projet, voire devant votre résidence personnelle ou encore devant le lieu de travail de membres de la famille. Qu’en pensez-vous?

Ce n’est pas ma résidence qui leur a vendu les appartements. C’est une calomnie qui va devoir cesser. J’ai pris les dispositions légales pour que cela cesse. Ces gens-là ont porté plainte contre moi. Ils n’ont qu’à attendre les conclusions du parquet. Ces gens doivent comprendre que l’argent investi dans le projet est mille fois plus important que les avances-clients et que je suis mille fois plus intéressé qu’eux pour que le projet se termine.

Combien avez-vous investi dans ce projet?

Les montants investis ont été décrits dans un PV de police. Tant que le parquet ne s’est pas encore prononcé là-dessus, je suis dans l’obligation de respecter le secret de l’instruction.

Par Wadie El Mouden
Le 02/03/2019 à 17h09