Exclusif: les termes de l’arrangement entre les médecins du privé et le fisc

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Alors que le bras de fer entre les médecins du privé et l’administration fiscale bat encore son plein, des négociations ont (déjà) lieu. Voici ce que chaque partie propose.

Le 30/10/2018 à 14h38

Ils ont déclaré, tambour battant, une véritable guerre contre le fisc. Mobilisation des troupes et annonces de dates de grèves (le 18 octobre, le 22 novembre et le 20 décembre) en prime. Les médecins du secteur privé, qui se disent victimes d’un «acharnement fiscal», semblent toutefois proches d’un accord avec la Direction des impôts.

Une source syndicale au sein de la profession nous informe ainsi que malgré leur bras de fer, des négociations sont en cours avec l’administration fiscale. Chaque partie y va de son plaidoyer, et ses propositions. Et c’est ainsi que suite à une réunion entre les représentants des associations et syndicats de médecins et la Direction des impôts, des pistes de rapprochement ont été présentées par les uns et les autres.

Dans les détails, l’administration fiscale propose des montants forfaitaires dont les médecins auront à s’acquitter en échange d’un quitus fiscal valable pour les quatre dernières années (soit 2014, 2015, 2016 et 2017). Ces forfaits globaux sont d’une valeur de 120.000 dirhams pour les médecins généralistes et vont de 200.000 à 400.000 dirhams pour les spécialistes.

Les syndicats et les associations professionnelles proposent quant à eux que chaque médecin s’acquitte, en une seule fois, d’une somme équivalente à celle des impôts payés au titre de l’exercice 2017 en échange d’un quitus sur les quatre années mentionnées.

Mais pour l’heure, aucun accord définitif n’a encore été trouvé et les négociations sont toujours en cours. Les médecins du privé peuvent cependant souffler: les Finances se sont engagées à suspendre les contrôles fiscaux, actuellement de mise. Ceux-ci concernent pour l’instant quelque 300 cabinets médicaux. De plus, aucun nouveau contrôle ne sera désormais engagé, promet-on. Si accord il y a, il fera l’objet d’une convention contractuelle entre les deux parties. «La convention contractuelle relative au quitus fiscal est essentielle et constitue d’emblée un consensus entre la Direction des impôts et les représentants de la corporation des médecins», se félicite une source médicale.

Chaque médecin est libre de ne pas y adhérer, mais les récalcitrants s’exposent néanmoins à des contrôles, prévient notre source. Une telle appréhension s’explique par le fait que tous les médecins sont mis sur un même pied d’égalité, alors que certains paient plus d’impôts que d’autres. «Il est clair que certains confrères risquent d’être pénalisés par le caractère global d’un futur accord, d’autant que les spécificités liées à chaque corps et spécialité ne sont nullement prises en compte. Mais il est important que toute la profession puisse s’exprimer d’une seule voix. Le principal est que tout un chacun puisse trouver son compte et que l’on sorte de cette crise», nous explique une autre source médicale.

Rappelons que les médecins ont fait bloc contre les contrôles, pourtant légitimes, du fisc. Ils ont d’abord essayé de traiter le sujet au sein de la corporation, avant de monter d’un cran et de décréter des grèves. Tout a commencé au mois de septembre dernier, quand le Syndicat national des médecins du secteur libéral a appelé à une première grève le 18 octobre. Il a dénoncé certes nombre d’ «écarts» (vote universel des membres du conseil de l’ordre, pénalisation des accidents médicaux) et a appelé à des réformes (couverture sociale, révision de la tarification nationale de référence, etc.). Mais c’est surtout ce que les membres de ce syndicat ont qualifié d’acharnement du fisc qui a cristallisé leur colère.

L’union faisant la force, réunis le 20 septembre dernier en Assemblée générale, tous les syndicats des médecins du privé, ainsi que la puissante Association nationale des cliniques privées, n’y sont pas allés de main morte. «Nous sommes des contribuables comme tous les citoyens marocains, mais nous assurons une mission de service public sans contrepartie et en l’absence, à ce jour, d’une couverture sociale», ont-ils dénoncé dans un communiqué.

En dehors des grèves programmées, il a même été question d’un sit-in devant le ministère de la Santé. C’est désormais oublié. Du moins, pour un temps.

Par Tarik Qattab
Le 30/10/2018 à 14h38