Face à la menace déflationniste, la CGEM plaide pour un soutien fort de la demande

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Avec la crise économique qui s’allonge, le risque déflationniste se fait de plus en plus précis et menaçant. Pour éviter ce piège, le patronat préconise un véritable «choc sur la demande nationale». Explications.

Le 10/09/2020 à 14h17

Le spectre de la déflation, c’est-à-dire d’une baisse durable du niveau général des prix, plane plus que jamais sur l’économie marocaine. «La baisse conjuguée du pouvoir d’achat des ménages et de la production va probablement générer de la déflation», admet Mehdi Tazi, vice-président général de la Confédération des entreprises du Maroc (CGEM), qui s'est exprimé hier, mercredi 9 septembre 2020, lors d'une conférence de presse au siège du patronat, à Casablanca. Il en veut pour preuve la baisse des prix des produits alimentaires ou encore de certains segments dans l’immobilier.

Cette tendance est corroborée par les dernières données du Haut-Commissariat au Plan (HCP), selon lequel l’Indice des prix à la consommation (IPC) du mois de juillet a baissé de 0,3% par rapport au mois précédent. Cette variation est le résultat de la baisse de 1,6% de l’indice des produits alimentaires et de la hausse de 0,5% de l’indice des produits non alimentaires. Le recul récent des cours mondiaux du Brent, causé par les inquiétudes grandissantes sur la reprise de la demande mondiale, devrait peser davantage sur la baisse sur l’IPC.

La CGEM a raison de s’inquiéter d’une baisse durable du niveau général des prix et de ses effets sur l’économie. Comme expliqué dans un précédent article, l’une des caractéristiques de la pression déflationniste est qu’elle provoque des réactions attentistes de la part des agents économiques. La déflation est donc un véritable poison pour la croissance.

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Ainsi, pour les ménages, la déflation est une incitation à différer leurs achats dans l’espoir de la poursuite d’une baisse des prix. Cette baisse de la demande engendre alors une baisse de la production des entreprises, couplée à une contraction de leur marge et des investissements. Les entreprises cessent alors de se développer et de recruter. Face à la perspective d’une hausse du chômage ou d'une perte de leurs revenus, les ménages dépensent toujours moins et les entreprises sont contraintes de maintenir leurs prix toujours plus bas. C’est ce qu’on appelle la spirale déflationniste, ou cercle vicieux de la déflation, dont il est très difficile de se sortir.

C’est précisément ce que veut éviter la CGEM: que la récession ne tourne à la déflation. «Pour y remédier, il est nécessaire de soutenir la demande», préconise Mehdi Tazi. Selon le vice-président du patronat, outre l’accélération de la mise en place des plans de relance pour les secteurs qui souffrent des effets de la crise -car si le tourisme a déjà le sien, d’autres secteurs comme la restauration, le commerce, l’événementiel, le textile, ont besoin de mesures d’accompagnement urgentes-, il est primordial de provoquer, dixit Mehdi Tazi, un «choc sur la demande nationale face à la déflation qui semble se confirmer».

Trois mesures pour stimuler la demandeRelancer la demande, notamment celle des ménages, ne sera pas une sinécure, la crise ayant déjà provoqué une hausse importante du chômage et une baisse sensible des revenus. Toujours est-il que la CGEM veut s’attaquer à cette problématique en proposant trois mesures-clés susceptibles de redonner un coup de pouce à la demande nationale et au pouvoir d’achat des ménages.

La première de ces mesures porte sur la mise en place d’une Indemnité pour perte d’emploi (IPE) d’une durée de 6 mois pour les chômeurs issus de la crise, d’autant que, comme le souligne Mehdi Tazi, «nous sommes actuellement dans une période où il est très difficile de trouver de nouveaux emplois».

La deuxième préconise une baisse de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour augmenter le pouvoir d’achat des ménages. Le patronat appelle le gouvernement, qui est actuellement en train de plancher sur le projet de loi de finances 2021, à considérer cette mesure «de façon sérieuse».

La troisième enfin, plaide pour un maintien à un niveau «important» de la commande publique, qui permettrait d’injecter de l’argent frais dans l’économie et de soutenir le pouvoir d’achat.

Sur ce point, Abdelilah Hifdi, président du groupe parlementaire de la CGEM à la Chambre des conseillers, s’est montré rassurant quant aux intentions des pouvoirs publics. «Le gouvernement nous a rassurés sur l’effort qui sera fait en la matière. Le dispositif encadrant la commande publique sera révisé pour encourager les secteurs à forte valeur ajoutée locale», a-t-il affirmé.

La CGEM espère que l’Etat saura se montrer ouvert à ces propositions, et rompre, pour ce faire, avec l’orthodoxie budgétaire classique. 

Et son vice-président d'admettre que les ressources de l’Etat sont limitées, mais d'insister, pour conclure, sur le fait que «ces mesures sont indispensables».

Par Amine El Kadiri
Le 10/09/2020 à 14h17