Grand Format-Le360. «L’économie marocaine n’est pas en récession», selon Nadia Fettah Alaoui, ministre des Finances

khalil Essalak / Le360

Le 29/07/2022 à 19h04

VidéoDans cet entretien filmé, le premier depuis sa nomination en octobre 2021, l’argentière du Royaume, Nadia Fettah Alaoui, nous parle de la situation actuelle et des perspectives de l’économie marocaine. L’occasion de faire le point sur l’évolution de certains chantiers décisifs pour la relance, notamment le Fonds Mohammed VI pour l'investissement.

«L’économie marocaine n’est pas en récession», a assuré Nadia Fettah Alaoui, malgré une croissance limitée à 1,5% en 2022, contre une prévision initiale de 3,2% et une année 2021 exceptionnelle (+7%). «Nous sommes dans une croissance qui nous permet de maintenir les fondamentaux et qui montre la résilience de l’économie», a ajouté la ministre qui met en avant un déficit budgétaire actualisé de l’ordre de 73 milliards de dirhams (5,3% du PIB), meilleur que celui projeté dans la Loi de finances 2022 (5,5%), sans avoir besoin de recourir à des coupes dans le budget de l’investissement. «Les conditions d’une Loi de finances rectificative ne sont pas réunies. Nous n’avons pas encore épuisé l’ensemble des mécanismes qui nous sont permis dans le cadre de la Loi de finances 2022», souligne-t-elle.

Nadia Fettah, qui vient de présenter devant le Parlement la programmation budgétaire triennale 2023-2025, reconnaît le fait que l’exercice de prévision devient périlleux dans un monde de plus en plus incertain. «Nous avons l’obligation de faire l’exercice de prévision pour préparer la Loi de finances. Pour cela, nous nous appuyons sur les indicateurs des institutions nationales et internationales dont la prévision constitue le cœur de métier (FMI, Banque mondiale, HCP, etc)», explique la ministre. Ce qui est important, poursuit-elle, c’est d’avoir suffisamment de leviers qui permettent de réagir vite et efficacement à des prévisions qui ne se précisent pas ou qui sont contredites dans la vraie vie.

Pour l’heure, le levier fiscal a visiblement bien fonctionné au vu du bon comportement des recettes ordinaires enregistrées à fin juin dernier (+23,5% à 147,4 milliards de dirhams), toutes catégories d’impôts confondues (57,3% pour l’IS, +17,7% pour la TVA, etc). Cela dit, beaucoup reste à faire pour élargir l’assiette fiscale et profiter du potentiel non encore exploité de recettes, estimé à environ 12% du PIB selon une récente étude du FMI.

«La mise en œuvre de la loi-cadre fiscale va permettre d’élargir l’assiette fiscale. Le délai de cinq ans doit être respecté. Nous savons ce qui nous reste à faire et en combien de temps», affirme Nadia Fettah.

Abordant la réforme de l’Impôt sur le revenu (IR), destinée à soulager la pression sur la classe moyenne et les retraités, la ministre estime que le réajustement du barème pourrait se traduire, à court terme, par une réduction des recettes, mais l’objectif à terme, insiste-t-elle, c’est d’élargir progressivement l’assiette fiscale.

S’agissant de la Contribution sociale de solidarité, appelée taxe de solidarité, la ministre affirme qu’elle sera maintenue en 2023, ajoutant que l’exclusion dès 2022 des personnes physiques pourrait être considérée comme un acquis. «Cet esprit de solidarité et de cohésion sociale est extrêmement important dans les moments que nous traversons, d’autant plus que cela contribue principalement au financement de l’élargissement de la protection sociale», soutient Nadia Fettah.

Interrogée sur l’inflation attendue à un niveau record en 2022 (+5,3%), Nadia Fettah Alaoui admet qu’il s’agit d’une situation compliquée qui pèse lourdement sur les finances des ménages et des entreprises: «Les mesures que nous avons prises étaient là pour atténuer l’impact de l’inflation. Nous ne pouvons pas la juguler», en rappelant que «le niveau d’inflation observé au Maroc reste en deçà de celui enregistré en Europe ou bien aux Etats-Unis.

Face aux prix records des carburants, le gouvernement n’était-il pas en mesure d’imaginer une formule d'un soutien (une ristourne sur les prix à la pompe) qui aurait pu être ressenti par la classe moyenne, sans avoir besoin de revenir à la compensation à l’instar d’autres pays? «On ne peut pas se permettre d’être imaginatif. On se permet d’être technique. Le choix de ne plus compenser les carburants est salutaire. Aujourd’hui, si on devait les compenser selon l’ancien schéma, cela nécessiterait 60 à 65 milliards de dirhams, un montant qui dépasse les moyens à la disposition du gouvernement», a expliqué la ministre.

Par Wadie El Mouden avec Khalil Essalak et Abderrahim Et-Tahiry
Le 29/07/2022 à 19h04