La vérité sur la dangerosité des cigarettes suisses sur la santé des Marocains

Unité de fabrication de cigarettes. (Photo d'illustration)

Unité de fabrication de cigarettes. (Photo d'illustration) . Dr

Une enquête primée par l’ONG suisse Public Eye pointe du doigt le caractère nocif des cigarettes suisses importées par le Maroc, plus toxiques que celles destinées à l’Europe. Une situation due au vide juridique concernant les teneurs en nicotine et en goudron.

Le 26/01/2019 à 09h24

Intitulée «Les cigarettes suisses font un tabac en Afrique», l’enquête ayant reçu le prix d’investigation de l’ONG suisse Public Eye, a montrée que les cigarettes fabriquées en Suisse et exportées vers l’Afrique, en général, et vers le Maroc en particulier, contiennent plus de nicotine, de goudron et de monoxyde de carbone que celles destinées à l’Europe, notamment la Suisse.

L’enquête s’appuie sur les résultats des tests menées en laboratoire et couvre trois marques: Camel, Marlboro et Winston. Le Maroc est le deuxième pays à importer le plus de tabacs depuis la Suisse, derrière le Japon et devant l’Afrique du sud. «Les cigarettes fabriquées sur sol helvétique et vendues au Maroc sont bien plus fortes, plus addictives et plus toxiques que celles que l’on trouve en Suisse ou en France», peut-on lire dans l’enquête diffusée cette semaine sur le site de l’ONG suisse.

On apprend ainsi que pour chacun des trois paramètres testés (goudron, monoxyde de carbone et nicotine, ndlr), la quasi-totalité des cigarettes produites en Suisse et consommées au Maroc enregistre une teneur supérieure à celle observée dans les cigarettes suisses et françaises. A titre d’exemple, un échantillon de la marque Winston, par exemple, comporte plus de 16,31 milligrammes de particules totales par cigarette, contre 10,5 pour des Winston Classic achetées à Lausanne. Pour le monoxyde de carbone, qui a pour effet de réduire la quantité d’oxygène circulant dans le sang, les valeurs sont aussi très différentes selon qu’on fume une Winston Blue au Maroc (9.62 milligramme par cigarette) ou en Suisse (5.45 milligramme). Malgré l’appellation rassurante, fumer des Camel light à Casablanca revient à consommer des cigarettes plus nocives que des Camel Filters à Lausanne.

«Si la Suisse ne contrôle pas les cigarettes fumées par ses habitants, elle ne s’intéresse pas plus à celles produites sur son sol et exportées, confirme l’Administration fédérale des douanes (AFD). Car ce ne sont pas les normes suisses qui s’appliquent, mais bien celles du pays qui importent ces cigarettes. La Confédération promeut ainsi et profite de l’existence d’un double standard, quitte à aggraver les problèmes de santé publique dans les pays importateurs», peut-on également lire dans le rapport de Public Eye.

Côté marocain, souligne l’étude, les autorités ne contrôlent pas les composants des Winston et des Camel importés de Suisse. «Les douanes se contentent de s’assurer de la conformité fiscale des conteneurs. Le cas marocain n’est pas unique: rares sont les pays équipés d’un laboratoire qui analysent systématiquement les cigarettes importées. Selon l’OMS, le Burkina Faso est le seul pays d’Afrique à le faire», est-il précisé.

Contacté par Le360, un importateur marocain de cigarettes suisses se défend en rappelant que d’un point de vue légal, au Maroc, il n’existe pas de loi réglementant les teneurs maximales des produits de tabac. Un projet de loi relatif à la fixation des teneurs maximales des produits de tabac, (pour l’adapter à la norme européenne «10-1-10») devait voir le jour en 2012, mais il n’a pas été voté jusqu’à présent. «Aucun des opérateurs ne va prendre l’initiative de réduire les teneurs. En revanche, si le législateur adopte cette loi, tous les opérateurs (importateurs et producteurs locaux) devront s’y adapter», nous dit-on.

Les produits commercialisés par les opérateurs marocains, poursuit la même source, répondent aux préférences des fumeurs et aux goûts du marché, ainsi qu'à toutes les exigences réglementaires applicables. «Au Maroc, les fumeurs adultes préfèrent les goûts élevés», laisse observer cet opérateur local.

Le choix des cigarettes fabriquées en Suisse, ajoute notre interlocuteur, n’a aucunement pour objectif de jouer sur l’aspect qualité vis-à-vis des consommateurs, car tous les tabatiers dans le monde respectent les mêmes standards de qualité et suivent les mêmes processus de production. Selon notre source, c’est juste un choix de sourcing qui n’enfreint pas les exigences réglementaires en vigueur.

Enfin, il est important de noter que les cigarettes, qu’elles soient importées ou produites localement, sont nocives et ce, quelle que soit leur contenance en nicotine ou en goudron. Il n'y a pas une cigarette moins dangereuse qu’une autre. Fumer tue, un point c’est tout.

Par Wadie El Mouden
Le 26/01/2019 à 09h24