Les dessous de l’accord de paix sociale entre la RAM et les pilotes de ligne

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Après une longue crise qui s’est avérée tellement nuisible à leur image, la RAM et l’AMPL sont parvenues à signer un accord pour une période renouvelable de trois ans. Salaires, frais de formation, réouverture de l’ENPL, etc. Tour d’horizon des principales clauses du nouvel accord.

Le 16/03/2019 à 19h00

Après plus de quatre mois de négociations secrètes entre la direction de la RAM et le nouveau bureau, élu fin octobre dernier à la tête de l’Association marocaine des pilotes de ligne (AMPL), un accord a pu finalement être scellé, mardi dernier.

Le seul détail jusqu’ici communiqué par les deux signataires concerne la revalorisation salariale, désormais fixée à l’équivalent de 5% du revenu de base de chaque pilote, tous grades confondus (copilotes et commandants de bord), y compris les nouvelles recrues. «Ce n’est pas une augmentation, c’est une mise à niveau. C’est un accord de paix sociale et non salariale», laisse-t--on entendre du côté de l’AMPL.

La piste d’une augmentation forfaitaire différenciée (15.000 dirhams pour les commandants de bord et 10.000 dirhams pour les copilotes), répartie sur trois échéances (2019-2021-2023) a finalement été écartée. Idem pour ce qui concerne le critère de l’ancienneté sur lequel insistait la RAM lors des négociations au cours du troisième trimestre 2018, obligeant les nouvelles recrues à justifier d’une ancienneté de cinq ans pour pouvoir bénéficier du montant total de l’augmentation forfaitaire.

«La fixation d’un taux de revalorisation pour l’ensemble des pilotes est une solution raisonnablement équitable», se réjouit ce responsable au sein de la compagnie nationale. Selon lui, cette formule permet d’éviter le souci de «discrimination salariale» soulevé par la proposition d’une augmentation forfaitaire.

A la question de savoir quel serait le coût global à supporter suite à cet effort budgétaire consenti par la RAM, les deux signataires s’abstiennent d’avancer des chiffres, arguant que l’exercice serait difficile, étant donné que le salaire de chaque pilote dépend de plusieurs variables (type de machine, grade, etc).

Quid du dossier des pilotes étrangers recrutés occasionnellement par la RAM pour remédier au problème de sous-effectif? Rien de nouveau, nous dit-on. L’ancien bureau de l’AMPL n’hésitait pas à pointer du doigt le traitement «privilégié» accordé à cette catégorie de pilotes, notamment en termes de salaires et de conditions de travail (moins d’heures de vol, etc). «Il n'y a pas lieu de comparer l’incomparable. Les pilotes étrangers sont sollicités temporairement pour faire l’appoint, le temps de former de nouveaux pilotes marocains. Les pilotes étrangers bénéficient de Contrats à durée déterminée (CDD) qui répondent aux lois du marché. Les autres compagnies aériennes offrent des conditions encore plus alléchantes», explique un membre du nouveau bureau élu de l’AMPL.

En totale rupture avec les positions défendues par l’ancien bureau de l’association, on remarquera également un changement de ton vis-à-vis de la fameuse réserve (dite astreinte) dont la suspension l’été dernier, suite à l’échec des négociations avec la RAM (sous prétexte d’avoir à supporter une charge de travail excessive), avait entraîné l’annulation de plusieurs dizaines de vols au départ et à destination de Casablanca, en pleine période de vacances estivales, laquelle avait coïncidé avec l’Aïd-El-Kébir. «L’astreinte ou la réserve est là pour pallier à des irrégularités du trafic. Nous avons certes un rythme de travail assez tendu, mais il n y a pas de quoi fouetter un chat. Cela fait partie du métier. Nous ne sommes pas là pour bloquer la compagnie», répond l’AMPL. Selon nos informations, la RAM a conclu en décembre un contrat avec l’avionneur Boeing pour s’équiper d’un logiciel qui optimise la gestion des équipages, la répartition des vols, la fatigue, les incidents en cours d’exploitation, etc.

Autre point nodal des négociations entre la RAM et l’AMPL, celui relatif aux frais de formation des élèves pilotes. Finalement, l’AMPL a réussi à obtenir l’engagement de ne faire supporter à l’élève pilote que le tiers des frais de formation. Un autre tiers sera financé par la RAM qui, en vertu du même accord, s’engage à trouver une solution pour mobiliser le reliquat (en faisant appel à un partenaire ou bien dans le cadre du contrat programme, etc).

A aucun moment, le nouvel accord ne précise le lieu de formation des futurs pilotes. C’est à se demander si l’Ecole nationale des pilotes de ligne (ENPL) sera réouverte comme cela fut annoncé fin mai 2018. «Ouvrir une école demande des ressources, notamment en phase de lancement qui nécessite beaucoup d’investissements. La décision d’ouvrir l’école doit être motivée par un impératif économique.

Tout dépendra des besoins de la compagnie. Si le besoin dépasse une cinquantaine de pilotes par an, l’entreprise aurait intérêt à ouvrir une école», estime notre interlocuteur au sein du bureau de l’AMPL. Et d’ajouter: «les aspects liés à la formation sont encadrés par les clauses d’un accord précédent. Nous sommes restés dans ce cadre déjà établi. Nous n’allons pas tout refaire». On n'en saura pas plus sur le besoin réel de la RAM ne serait-ce qu’à court terme. «Dans le cadre du nouvel accord, nous avons mis en place un mécanisme de calcul du nombre de recrutements, mais tout dépendra du plan de développement et de l’évolution de la flotte», ajoute notre source.

A la lecture des principales clauses du nouvel accord, il paraît que c’est une nouvelle page qui s’ouvre dans la relation entre la RAM et ses pilotes. «Nous avons décidé de faire table rase du passé», s’accordent à dire les dirigeants des deux entités signataires, faisant valoir les opportunités qui se présentent et l’importance d’avoir un climat social serein pour entamer une nouvelle phase de développement. L’adhésion à l’Alliance Oneworld va ouvrir la compagnie à un marché de 200 millions de passagers. Si la RAM arrive à capter juste 1% de ce marché, cela équivaut à 2 millions de nouveaux passagers.

L’enjeu est énorme, d’où l’idée de mettre en place des mécanismes pour pérenniser ce nouveau climat de paix sociale entériné par l’accord du 12 mars. Sachant que ce dernier couvre une période limitée à trois ans, les deux parties se sont engagées à le renouveler et à entamer les discussions six mois avant la fin de l’échéance. «Nous avons pris un engagement fort de n’entreprendre aucune action collective de nature à dégrader le service offert aus clients», s’est promis l’AMPL. Un signe d’apaisement qui n’a que trop tardé.

Par Wadie El Mouden
Le 16/03/2019 à 19h00