Maroc: la croissance économique seulement à 2,6% en 2019

Bank Al-Maghrib, à Casablanca.

Bank Al-Maghrib, à Casablanca. . DR

Suite à une analyse approfondie de la conjoncture économique et des projections macroéconomiques pour les huit prochains trimestres, le Conseil de Bank Al-Maghrib tenu ce mardi 17 décembre à Rabat, a décidé de maintenir inchangé son taux directeur actuel, soit 2,25%.

Le 17/12/2019 à 14h09

Nous reproduisons ci-après l’analyse complète faite par le Conseil de Bank Al-Maghrib:

Sur la base de ces évaluations, notamment celles des prévisions à moyen terme de l’inflation, de la croissance, des comptes extérieurs, des conditions monétaires et des finances publiques, le Conseil a jugé que le niveau actuel du taux directeur de 2,25% reste approprié et a décidé de le maintenir inchangé. Le Conseil a par ailleurs approuvé les mesures spécifiques devant être mises en place par la banque dans le cadre du programme d’appui à l’entreprenariat.

Le Conseil a noté qu’après s’être établie à 1,9% en 2018, l’inflation a connu une forte décélération au cours des dix premiers mois de 2019, en lien principalement avec le recul des prix des produits alimentaires. Elle devrait terminer l’année avec une moyenne de 0,3%, mais s’accélérerait à 1,1% en 2020 et à 1,4% en 2021. Sa composante sous-jacente, qui mesure la tendance fondamentale des prix, ralentirait à 0,6% cette année et augmenterait à 1,3% en 2020 puis à 1,9% en 2021, sous l’effet conjugué de l’amélioration prévue de la demande intérieure et de la dissipation attendue de l’appréciation du taux de change effectif réel.

Sur le plan international, la persistance des différends commerciaux et des tensions politiques et géopolitiques continue de peser sur l’économie mondiale. Celle-ci devrait ainsi enregistrer cette année sa croissance la plus faible depuis 2009, avant de s’inscrire en légère amélioration à partir de 2020.

Dans les principaux pays avancés, la croissance décélèrerait aux Etats-Unis à 2,3% en 2019 puis à 1,7% en 2020, avant de se raffermir à 2,3% en 2021 soutenue par des conditions monétaires accommodantes. Dans la zone euro, elle connaîtrait une modération à 1,2% en 2019 et reprendrait progressivement pour avoisiner 1,4% en 2020 et 1,8% en 2021, bénéficiant de la reprise prévue de la demande extérieure et des conditions de financement favorables.

Sur le marché du travail, le chômage continuerait d’évoluer à des niveaux faibles aux Etats-Unis et de reculer dans la zone euro. Dans les principales économies émergentes, impactées par l’affaiblissement de la demande intérieure et les tensions commerciales, la croissance marquerait un net ralentissement en Chine à 6,1% en 2019 et resterait proche de ce niveau au cours des deux prochaines années. De même, en Inde, pâtissant notamment des difficultés du secteur financier non bancaire et des incertitudes en matière de réglementation régissant les entreprises, le rythme de l’activité économique baisserait à 5,3% cette année avant de s’accélérer pour se situer au-dessus de 7% et ce, à la faveur des mesures budgétaires et monétaires mises en place.

Sur les marchés des matières premières, l’évolution des prix du pétrole reste principalement orientée par les inquiétudes liées à l’affaiblissement de la demande mondiale. Le cours du Brent en particulier devrait terminer l’année avec un repli de 10,4% à 63,7 dollars le baril en moyenne et évoluerait légèrement au-dessus de 60 dollars au cours des deux années à venir.

Pour le phosphate et dérivés, le prix du brut a enregistré une hausse de 2,9% à 89,4 dollars la tonne en moyenne au cours des onze premiers mois de l’année. Les cours des dérivés, en revanche, ont été en baisse, se situant à 312,6 dollars la tonne pour le DAP et à 299,3 dollars la tonne pour le TSP, soit des reculs respectifs de 20,6% et 13,2%. Pour les deux prochaines années, de légères augmentations sont 2 prévues, en lien avec la reprise modérée attendue de la demande et la réduction de l’offre, notamment de la Chine.

Dans ces conditions, les pressions inflationnistes se sont globalement affaiblies. L’inflation ralentirait dans la zone euro de 1,8% en 2018 à 1,2% en 2019 et resterait en moyenne annuelle en dessous de l’objectif de la BCE au cours des deux prochaines années. Aux Etats-Unis, elle décélérerait cette année, revenant à 1,8% après 2,4%, avant de se rapprocher de l’objectif de la FED à moyen terme.

En ce qui concerne les dernières décisions de politique monétaire des banques centrales des principales économies avancées, la FED a décidé lors de sa réunion des 10 et 11 du mois courant de maintenir la fourchette cible du taux des fonds fédéraux inchangée à [1,5%-1,75%].

La BCE, pour sa part, a gardé, lors de sa réunion du 12 de ce mois, ses taux d’intérêt directeurs inchangés. Elle a également indiqué qu'elle prévoit poursuivre son programme d'achats d'actifs repris en début du mois dernier aussi longtemps que nécessaire, et a rappelé qu’elle continuera de réinvestir la totalité des remboursements du principal des titres arrivant à échéance et acquis dans le cadre de ce programme pendant une période prolongée après la date à laquelle elle commencera à relever ses taux.

Sur le plan national, les données relatives au deuxième trimestre 2019 indiquent un léger ralentissement, en glissement annuel, de la croissance économique à 2,5%, traduisant une baisse de la valeur ajoutée agricole et une croissance modérée, quoiqu’en amélioration, des secteurs non agricoles. Pour l’ensemble de l’année 2019, la croissance devrait s’établir, selon les prévisions de Bank Al-Maghrib, à 2,6% après 3% en 2018, avec un recul de 4%, contre une hausse de la même ampleur un an auparavant, de la valeur ajoutée agricole et une augmentation de 3,3% après 2,6% de celle des activités non agricoles. Ces dernières continueraient leur raffermissement à moyen terme, avec une croissance de 3,5% en 2020 et de 3,7% en 2021.

Pour le secteur agricole, et sous les hypothèses de récoltes céréalières annuelles de 80 millions de quintaux et de la poursuite de la performance tendancielle des autres productions, la valeur ajoutée augmenterait de 6,2% en 2020 et de 3% en 2021. Au total, Bank Al-Maghrib table sur une accélération de la croissance à 3,8% en 2020 et sur sa consolidation à 3,7% en 2021.

Sur le marché du travail, l’économie nationale a enregistré une création nette de 143 mille emplois entre les troisièmes trimestres de 2018 et de 2019 contre 201 mille un an auparavant. Cette performance est le résultat d’une hausse de 347 mille de l’emploi non agricole, concentrée dans le tertiaire, qui a plus que compensé la perte de 204 mille observée dans l’agriculture. Tenant compte d’une entrée nette sur le marché de 168 mille actifs, le taux d’activité s’est quasiment stabilisé à 44,9% et le taux de chômage est passé de 9,3% à 9,4%.

Au niveau des comptes extérieurs, les données à fin octobre montrent un ralentissement du rythme des exportations de biens à 3,1%, reflétant en grande partie celui des ventes du secteur automobile et des phosphates et dérivés. En parallèle, la progression des importations est revenue à 3,1%, avec en particulier une diminution de 6,6% de la facture énergétique.

Pour les principales autres opérations courantes, les recettes de voyage se sont accrues de 6,1%, tandis que les transferts des MRE ont accusé un léger recul de 0,6%. Tenant compte de ces évolutions et sous l’hypothèse d’une rentrée de dons des pays du CCG de 2 milliards de dirhams en 2019, le déficit du compte courant s’allégerait à 4,6% du PIB, après avoir atteint 5,5% en 2018. A moyen terme, il poursuivrait son atténuation, revenant à 3,7% du PIB en 2020 et à 2,9% en 2021.

Les exportations gagneraient en dynamisme, portées notamment par les ventes du secteur automobile, eu égard au plan de production annoncé de l’usine PSA, et les importations connaitraient une accélération, avec l’atténuation prévue de la baisse de la facture énergétique en 2020 puis sa hausse en 2021. La hausse des recettes de voyage devrait se consolider et les transferts des MRE s’inscriraient en reprise graduelle. Pour ce qui est des opérations financières, les entrées annuelles d’IDE continueraient d’avoisiner l’équivalent de 3,4% du PIB.

Dans ces conditions, et sous l’hypothèse d’une nouvelle émission du Trésor sur le marché international après celle de novembre dernier et de rentrées de dons du CCG d’un montant de 1,8 milliard de dirhams en 2020, les réserves internationales nettes se situeraient à 240,7 milliards de dirhams à fin 2019 et se renforceraient progressivement pour atteindre 242,7 milliards en 2020 puis 248,2 milliards au terme de 2021. Elles continueraient ainsi à assurer l’équivalent de 5 mois d’importations de biens et services.

Concernant les conditions monétaires, le taux de change effectif réel devrait ressortir en appréciation de 1,2% cette année et resterait quasi-stable à moyen terme, en lien avec la modération prévue de l’appréciation nominale du dirham. S’agissant des taux débiteurs, après plusieurs baisses consécutives, ils ont connu une hausse de 11 points de base au troisième trimestre 2019, reflétant principalement celle des taux assortissant les prêts immobiliers. Dans ce contexte, le crédit bancaire au secteur non financier a continué de s’améliorer, tiré par celui destiné aux entreprises privées. Il devrait finir l’année en hausse de 4% et continuerait de se renforcer avec des progressions de 4,7% en 2020 et de 5% en 2021.

Au niveau des finances publiques, l’exécution budgétaire à fin novembre s’est soldée par un déficit hors privatisation de 44 milliards de dirhams, en creusement de 2,9 milliards par rapport à la même période de 2018. Les dépenses globales ont augmenté de 4,7%, reflétant essentiellement un alourdissement de celles au titre des biens et services et de l’investissement. En regard, les recettes ordinaires hors privatisation ont progressé de 4,3%, résultat notamment d’une hausse de 2,5% des rentrées fiscales et de 28,2% de celles non fiscales, avec en particulier un encaissement d’un montant de 1,2 milliard de dirhams de dons du CCG.

Dans ces conditions, et compte tenu de financements spécifiques, le déficit budgétaire hors privatisation se situerait à 4,1% du PIB en 2019 après 3,7% en 2018. A moyen terme, tenant compte des données de la loi de finances 2020 et sous l’hypothèse de la poursuite des efforts de mobilisation des recettes et de la maîtrise des dépenses, le processus de consolidation budgétaire reprendrait et le déficit hors privatisation avoisinerait 3,8% du PIB en 2020 et 3,5% en 2021.

Enfin, le Conseil a arrêté les dates de ses réunions pour l’année 2020 au 17 mars, 16 juin, 22 septembre et 15 décembre.

Par Ayoub Khattabi
Le 17/12/2019 à 14h09