Riposte du Maroc au Covid-19: les recommandations des Nations unies, de la Banque mondiale et du HCP

Les services d'urgences en pleine action pour détecter de possibles cas de coronavirus au Maroc, ici à l'Institut Pasteur de Casablanca.

Les services d'urgences en pleine action pour détecter de possibles cas de coronavirus au Maroc, ici à l'Institut Pasteur de Casablanca. . Saad Zouhri-Le360

Le Maroc devra agir rapidement pour répondre à l’ampleur des changements dans la vie des individus et dans plusieurs secteurs de son économie, notamment celui de de l’informel, recommande une note réalisée conjointement par le HCP, la Banque mondiale et le Système des Nations unies au Maroc.

Le 17/08/2020 à 14h30

Le Covid-19 présente un risque systémique créant des vulnérabilités, renforçant les inégalités et entravant la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), soulignent le Haut Commissariat au Plan (HCP), le Système des Nations unies au Maroc (SNUD) et la Banque mondiale (BM) dans une note stratégique sur l’impact social et économique de la crise du coronavirus.

La pandémie de Covid-19 engendre non seulement une nouvelle crise économique et sociale, mais souligne aussi les lacunes existantes dans la manière dont les pays se préparent, réagissent et se rétablissent, ajoute la même source.

En s’inspirant du «Cadre de réponse socio-économique immédiate au Covid-19» arrêté par le secrétaire général des Nations unies dans son dernier rapport global, ladite note stratégique comprend une série de recommandations spécifiques au Maroc.

Recommandation 1: élaboration d’un nouveau modèle d'équilibre économique et de développement durable, aligné avec la réalisation des ODD et appuyé par un suivi des indicateurs déjà disponibles

Alors que le Maroc élabore un nouveau modèle de développement, le Système des Nations unies et ses partenaires proposent d’apporter un soutien et un accompagnement à cette réflexion autour d’un nouveau modèle d'équilibre économique et de développement durable, aligné avec la réalisation des ODD, en tirant les leçons de la crise actuelle et en ne laissant personne pour compte.

Dans le contexte marocain, cette recommandation implique, dans un premier temps, de soutenir l’analyse d’impact de la crise sur les différents secteurs, l’appui à la planification de la réponse économique et sociale, ainsi que la gestion des ressources. L’appui du SNUD intégrera spécifiquement la prise en compte de l’atteinte des ODD à l’horizon 2030, sur la base des indicateurs existants, lesquels prennent en compte les populations les plus vulnérables.

Recommandation 2: innover dans la collecte et l’analyse des données contextualisées afin de ne laisser personne pour compte

Le Système des Nations unies propose d’accélérer la mise en place de méthodes innovantes pour collecter, analyser et tirer des informations utiles des données socio-économiques marocaines, afin d’accompagner au mieux la prise de décision de manière éthique, scientifique et contextualisée. La digitalisation, l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies en général sont déjà au centre de la compréhension de la crise à travers le monde et généreront aussi des enseignements selon l’expérience qui en est faite par les services gouvernementaux, les entreprises et la société civile marocaines. 

Cette recommandation est transversale et s’applique à la totalité des axes promus par le secrétaire général des Nations unies dans son Cadre de réponse socio-économique à la crise du Covid-19. Sa mise en œuvre permettrait de renforcer le capital social, c’est-à-dire la confiance. La note estime qu’il est important de considérer la confiance et les comportements, en soulignant que les Marocains déploient un effort de solidarité et de respect des règles considérable, et que les startup et PME rivalisent d’inventivité malgré les difficultés financières.

Recommandation 3: voir la crise comme une opportunité de renforcer la régionalisation avancée et valoriser le rôle de la société civile

Parmi les douze recommandations des travaux des premières Assises nationales de la régionalisation avancée (décembre 2019), le renforcement des mécanismes de planification territoriale en cohésion avec la politique générale de l'État, ainsi que la convergence et l’adéquation des programmes de développement régional avec les plans sectoriels ont été fortement soulignés.

Les collectivités territoriales ont d’ores et déjà mené des actions louables pour réduire l’impact de la pandémie. Les exemples d’efforts et de solidarité locale ne manquent pas, et la société civile est souvent en première ligne, notamment pour collecter les informations sur le terrain auprès des populations vulnérables et participer ainsi à une réponse nationale coordonnée, notamment entre les autorités locales (conseils élus localement), les représentants de l’autorité centrale au niveau territorial et la société civile, dans le cadre de la réponse d’urgence au Covid-19. Les agences onusiennes soulignent ainsi l’importance de l’inclusion des collectivités territoriales et de la société civile dans la réponse du pays et la mise en œuvre des politiques nationales au niveau local.

Recommandation 4: accorder une attention particulière à l’évolution de la pauvreté multidimensionnelle et à la planification d’une réponse inclusive

Il est par ailleurs recommandé d’accorder une attention particulière à la pauvreté multidimensionnelle, même s’il faudra attendre une collecte de données plus précises afin de formuler une analyse approfondie à ce sujet. L’estimation de la Banque mondiale concernant le recul du PIB (-4%) implique une hausse de la pauvreté dont la proportion exacte reste à estimer, mais qui sera de toute évidence sensible.

Il s’agit de planifier une réponse adaptée aux segments de la population les plus durement touchés par la crise, et donc les plus vulnérables et les plus susceptibles de basculer dans la pauvreté. Il s’agit des salariés des PME, des travailleurs indépendants, des travailleurs agricoles et des journaliers. L’impact selon le genre étant particulièrement différencié, cette approche devra l’intégrer, de même que les populations migrantes, réfugiées, et demandeurs d’asile, souvent premières victimes du ralentissement économique. Il est important de ne pas considérer uniquement le volet monétaire de la pauvreté. L’accent est mis sur la pauvreté multidimensionnelle, car les conséquences sur la santé et l’éducation ne sont pas toujours captées par les indicateurs monétaires.

Recommandation 5: investir dans la continuité des services publics de santé, d’éducation et d’administration durant et après la crise

Les services publics essentiels constituent l’unique filet social pour certaines populations, les plus vulnérables. Certains indicateurs montrent déjà un impact de la crise sur l’accès aux services de base. Sur le plan sanitaire, 30% des ménages éligibles aux services de consultations prénatales et postnatales (33% en milieu rural) ont dû renoncer à ces services, selon l’enquête réalisée par le HCP en avril 2020 sur les effets de la crise sur les ménages. 36% des ménages ayant des enfants à vacciner ont dû également renoncer aux services de vaccination (43% en milieu rural contre 31% en milieu urbain).

Cette interruption des services publics essentiels, souvent liée à la peur du virus, à l'incertitude quant à la durée de la situation, à la réduction de la mobilité ou au manque de connectivité, peut créer des vulnérabilités latentes ou amplifier les vulnérabilités déjà existantes, qui risquent alors de se manifester de manière plus profonde dans les mois et les années à venir. Cela est valable pour la santé (dépistage des pathologies et soins réguliers), mais également pour l’éducation, où les interruptions de scolarité augmentent le risque d’abandon scolaire. 

Or, il convient aussi de noter que les communes, les provinces et les régions ont développé, avec une grande rapidité, des mesures facilitant l’accès à leurs services pour les citoyens, tout en essayant de garantir leur protection. Cela a été le cas pour des services administratifs qui, lorsque les conditions étaient réunies, ont été digitalisés, mais également pour des services de santé de base ou d’urgence, qui ont été maintenus malgré la pression sur le système de santé.

Par Ayoub Khattabi
Le 17/08/2020 à 14h30