Russie, Chine... Le Maroc mise sur un partenariat renforcé

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La Russie et la Chine ont eu droit de cité dans un discours royal. Une première! Mais où en sont les relations économiques entre le Maroc et ces deux pays? Et quelle stratégies adopte le royaume pour développer son partenariat avec eux? Focus.

Le 22/08/2014 à 11h39

Très porté sur l’économie, le discours du roi Mohammed VI prononcé le 20 août a traité entre autres de la politique d’ouverture économique du Maroc qui "l’a conforté dans sa position comme axe d’échanges internationaux". Mais le souverain ne s’est pas contenté d’énumérer les nombreux acquis mais a également évoqué "le partenariat stratégique que nous nous employons à approfondir avec la Russie, et le partenariat que nous sommes en train de mettre au point avec la Chine". Ces propos du roi sont donc une orientation aux opérateurs économiques de mettre tout en œuvre pour développer davantage les relations avec ces deux puissances mondiales. "Cela prouve encore une fois le côté visionnaire de Sa Majesté", commente Hassan Sentissi, président du Conseil d’affaires maroco-russe. Mais d'abord où en sont déjà les relations avec ces deux pays?

Russie, des opportunités à saisir

En tout et pour tout, les échanges commerciaux à fin 2013 entre le Maroc et la Russie avoisinent les 20 milliards de dirhams, dopés essentiellement par nos importations en ressources énergétiques. La balance commerciale penche donc largement en faveur du pays de Poutine avec un déficit de plus de 14 milliards de dirhams. Bien qu’ils aient enregistré une croissance exponentielle sur la dernière décennie (les échanges dépassaient à peine les 300 MDH en 2006), le volume actuel reste en deçà du potentiel des échanges. Surtout que de nouvelles opportunités se présentent.

Dès l’entrée en vigueur de l’embargo russe sur les produits alimentaires en provenance de l’Union européenne et les Etats-Unis, les exportateurs marocains ont commencé à se frotter les mains. Cette décision pourrait représenter une aubaine pour les produits agricoles made in Morocco. "Nous avons reçu, lundi dernier, un grand opérateur russe qui a montré énormément d’intérêt à nos produits de la mer, à nos viandes blanches mais aussi au foie-gras", nous confie Hassan Sentissi. "Cet embargo représente une opportunité pour le Maroc pour augmenter son volume d’exportations vers un pays avec lequel nous avons toujours eu des relations privilégiés". Le pays des Tsars est déjà devenu notre premier client pour les agrumes avec près de 60% du volume exporté. Et l’Association des exportateurs d’agrumes (ASPAM) avait déjà pour objectif de multiplier par trois les exportations de ces produits vers la Russie d’ici 2018. Désormais donc, ce sont de nouvelles opportunités qui se présentent pour les exportations du royaume. Et l’encouragement des échanges commerciaux des produits agricoles sera d’ailleurs au cœur des discussions lors de la réunion de la 5e commission mixte maroco-russe, prévue à Rabat en septembre prochain. Surtout que la délégation russe sera conduite par le ministre de l’Agriculture Nikolaï Fiodorov. Cette future réunion de la commission sera la troisième rencontre d’envergure entre les opérateurs économiques des deux pays en moins d’un an. La dernière en date est le forum d’affaires tenu en juin dernier à Moscou, marqué par la participation de plus de 120 hommes d'affaires marocains et autant d'investisseurs russes. A cette occasion, l’Office national marocain du Tourisme (ONMT) a signé une convention avec l’association russe des opérateurs touristiques. Et pour cause, le Maroc nourrit de grandes ambitions sur ce marché. Lahcen Haddad, ministre du Tourisme ne cesse de le marteler : la Russie, est une priorité de la Vision 2020. A cette échéance, le royaume vise de drainer quelque 800.000 touristes russes, contre 47.000 actuellement. Un gros challenge!

La couleur du Yuan chinois

Moulay Hafid Elalmy, ministre de l’Industrie, était aux anges, le 22 juillet dernier, lors de la signature du mémorandum d'entente avec le groupe Shandong Shangang pour son implantation dans la zone franche de Tanger. Pourtant la mise n’a rien de vraiment impressionnant : une enveloppe de 1,3 milliard de dirhams et 200 emplois à la clé. Mais il s’agit du premier gros investissement direct industriel en provenance de l’Empire du milieu. Et surtout cela réconforte la stratégie d’Elalamy qui veut capter ne serait-ce que 1% des 85 millions d’emplois que la Chine compte délocaliser sur les dix prochaines années. La recette du royaume pour séduire les investisseurs du pays du dragon céleste est de se positionner en tant que porte d’entrée vers les marchés africains et européens. D’ailleurs, les 250.000 tonnes de tuyaux en acier que produira annuellement l’usine de Shandong sont exclusivement destinés vers ces deux marchés. Pour renforcer cette image du Maroc hub africain, la BMCE Bank a organisé à Rabat, fin juin dernier, un colloque d'affaires China Africa, une plate-forme visant à faciliter les affaires entre la puissance asiatique et les différents pays du continent. "La Chine cherche désormais à produire en Afrique et ils sont conscients que le Maroc est une porte d'entrée pour le continent. C'est pour cela que nous nous inscrivons avec eux dans une démarche multipartite qui correspond mieux à leurs exigences", nous explique Mohamed Agoumi, directeur général délégué des activités internationales du groupe BMCE.

Cette nouvelle approche continentale prônée par le royaume pourrait s’avérer plus attractive pour les industriels de Chine. Car pour l’heure, seule une trentaine de multinationales chinoises ont élu domicile au Maroc dont les plus connues sont Huwaei Technologies et Zhong Xing Telecommunications. Et la contribution de l’empire du milieu dans les IDE captés par le Maroc demeurait jusque-là insignifiante. En revanche, en terme de commerce, le made in China est présent dans le quotidien des Marocains : On importe de tout, pour une valeur dépassant les 26 milliards de dirhams, alors que nos exportations vers ce pays restent en dessous des 3 milliards.

Par Fahd Iraqi
Le 22/08/2014 à 11h39