Standard & Poor’s: pourquoi la baisse de la note du Maroc n’aura qu’un effet marginal, selon un expert

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La décision de l’agence de notation américaine Standard & Poor’s de baisser la note de la dette à long terme du Maroc de BBB- à BB+ n’aura pas d’effet significatif sur la capacité du Maroc à lever des fonds à l’international, à des conditions avantageuses. Explications.

Le 05/04/2021 à 14h03

La nouvelle est tombée comme un couperet ce week-end: l’agence de notation S&P a dégradé la note de la dette souveraine du Maroc, à cause de la contraction de l’économie marocaine et la détérioration de la situation budgétaire du Royaume, toutes deux impactées par les effets de la pandémie de Covid-19.

Quelle est la portée d’une telle décision pour le Maroc et ses finances? A en croire Yasser Tamsamani, économiste et co-éditeur de la revue Réflexions Economiques, joint par Le360, cette décision ne doit pas inquiéter outre mesure et ce, pour au moins deux raisons.

La première, sur un plan théorique, porte sur le bien-fondé et la pertinence des analyses des agences de notation. "Les analyses de ces agences se basent sur un postulat très discutable, qui consiste à dire que les Etats doivent mener des politiques d’austérité budgétaire et de réduction des dépenses publiques pour contenir la dynamique de leur dette. Ce qui revient à considérer que le multiplicateur keynésien est négatif", souligne Tamsamani.

Or, en plein contexte pandémique, "ce postulat est faux, particulièrement quand une économie est en bas de cycle", estime-t-il. Il rappelle, au passage, que le Fonds monétaire international (FMI), lui-même, a rompu avec cette doxa, incitant au contraire les Etats à engager une riposte budgétaire massive, afin de renforcer les capacités sanitaires, compenser la perte de revenu des ménages et éviter des faillites de grande ampleur.

C’est précisément cette politique expansionniste qui a été menée par le Maroc, à l’instar de nombreux pays dans le monde, pour atténuer, au maximum, les effets de crise sur l’économie nationale et préparer au mieux la relance. Une politique qui a eu pour effet de propulser la dette du Trésor à 77% du PIB à fin 2020 (contre 65% en 2019) et le déficit budgétaire à 7,7% du PIB (au lieu de 4% en 2019).

En dépit de ces chiffres en hausse, la Banque mondiale et le FMI se sont montrées rassurantes sur la soutenabilité de la dette marocaine. "Le déficit budgétaire du Maroc enregistré en 2020 reste maîtrisé par rapport à la plupart des pays de son voisinage", a notamment déclaré, en février dernier, le directeur du département Maghreb et Malte à la Banque mondiale, Jesko S. Hentschel.

Une deuxième raison incite à relativiser la portée de la décision de S&P, selon Yasser Tamsamani. "Sur un plan empirique, les agences de notation ont eu tort sur toute la ligne durant la crise financière de 2008", rappelle-t-il. En surévaluant la note de certains actifs, les agences de notation ont largement contribué au déclenchement de la crise des subprimes. Un épisode qui a considérablement entamé leur crédibilité et leur prestige, jusqu’à aujourd’hui.

Quel impact sur les investisseurs et la prime de risque?La notation de la dette souveraine d’un pays apprécie le risque de solvabilité financière d’un Etat. Plus la notation est élevée, plus la prime de risque à payer par l’emprunteur est basse. Et inversement. Dans le cas du Maroc, la baisse de sa notation par S&P devrait, en théorie, engendré un surcoût pour le Maroc lors du prochain emprunt du Trésor à l’international. En théorie seulement.

Pour Tamsamani, l’effet de la dégradation de la note de la dette souveraine du Maroc ne devrait avoir qu’un "effet marginal" sur la prime de risque. Il rappelle ainsi que l’abaissement de la note du Maroc, en octobre dernier, par Fitch, l’une des trois agences de notation les plus puissantes au monde, n’a pas empêché le Trésor de lever, quelques semaines plus tard, sur les marchés internationaux, 3 milliards de dollars, aux conditions les plus avantageuses de son histoire.

"Cela est lié à la nature de la psychologie des marchés financiers. Historiquement, pour prêter de l’argent, ces investisseurs suivaient les positions des institutions de Bretton Woods, que sont le FMI et la Banque mondiale. Or, ces deux institutions sont du côté du Maroc", précise Tamsamani, en témoignent les conclusions du FMI lors de sa dernière mission de consultation au Maroc, en début d’année.

Un autre paramètre, enfin, devrait jouer en faveur du Maroc: la surliquidité qui caractérise les marchés financiers internationaux actuellement. "Les investisseurs doivent placer ce surplus de cash. Ils ont besoin de valeurs sures, comme les bons du Trésor, pour placer les excédents de liquidité»" explique Yasser Tamsamani.

Par Amine El Kadiri
Le 05/04/2021 à 14h03