Tourisme. L’interdiction des déplacements inter-villes donne le coup de grâce à un secteur sinistré

La place Jamaa el Fna à Marrakech, d'habitude très fréquentée par les touristes, est vide depuis la mise en place de l'état d'urgence sanitaire.

La place Jamaa el Fna à Marrakech, d'habitude très fréquentée par les touristes, est vide depuis la mise en place de l'état d'urgence sanitaire. . DR

L’annonce, dimanche 26 juillet, de l’interdiction des déplacements de et vers plusieurs villes a fait l’effet d’un séisme chez les opérateurs du tourisme, mettant fin aux espoirs d’une reprise que l’on croyait possible grâce au tourisme domestique.

Le 27/07/2020 à 14h03

«J’avais un groupe de touristes qui devait rentrer dimanche tard dans la soirée. J’ai dû leur demander de rentrer vite et d’éviter de prendre des pauses sur la route», nous confie cet agent de voyage basé à Casablanca, qui affirme être lui-même victime des interminables bouchons du trafic sur l’autoroute reliant Casablanca à Rabat, suite à la décision du gouvernement d’interdire les déplacements de et vers huit villes marocaines (Casablanca, Marrakech, Tanger, Tétouan Berrechid, Settat, Fès, Meknès).

«On ne programme pas un voyage à j-1. Il faut compter plusieurs jours entre la réservation de l’hôtel, la proposition des tarifs, la confirmation et l’envoi de l’argent», renchérit ce voyagiste de Rabat, contraint lui aussi d’annuler des dizaines de réservations planifiées à Marrakech et Agadir.

Le gérant d’un palace situé dans la station balnéaire de Saïdia assure que la moitié de ses clients ont dû quitter la ville juste après la sortie du communiqué conjoint des ministères de l’Intérieur et de la Santé. Un peu loin dans le Sud, un hôtelier regrette de ne pas pouvoir rembourser un groupe de Casablancais qui, emportés par la panique, ont décidé d’écourter leur séjour à Agadir et de regagner leur domicile avant l’ultimatum du lundi 27 juillet minuit.

Sans remettre en cause l’impérieuse nécessité de prioriser la santé des citoyens face à la recrudescence des foyers de contamination apparus dans ces villes, les professionnels du tourisme déplorent le timing choisi pour imposer ces nouvelles restrictions. Celles-ci coïncident avec la période de l’Aïd Al-Adha qui draine son lot de touristes locaux, le seul rempart qui leur restait face à la crise du Covid-19 pour sauver leur secteur d'activité.

L’interdiction des déplacements de et vers ces destinations touristiques intervient alors que le secteur commence à montrer quelques signes de vie, quoique de manière localisée, notamment à Taghazout (Agadir), Dakhla, Tanger, Tétouan, etc. En revanche, à Marrakech, le secteur demeure sinistré en raison du climat chaud de la ville, du maintien de la suspension des vols réguliers internationaux et de l’absence des MRE. Plus de 50% des établissements hôteliers de la ville ocre restent fermés, pour la plupart des unités destinées à la clientèle étrangère, dans le segment du luxe notamment.

Déjà critique depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire, la situation devient «catastrophique» pour reprendre les propos d’un professionnel à Marrakech qui affirme ne pas comprendre la véritable motivation du gouvernement qui, d’un côté, incite les Marocains à privilégier le tourisme interne et, de l’autre, leur interdit les déplacements inter-villes, y compris vers les destinations les plus prisées par les Marocains (Marrakech, Tanger, Casablanca).

«Faute de visibilité, le gouvernement est en train de créer un climat de défiance au lieu de rétablir la confiance», estime cet opérateur membre de la Confédération nationale du tourisme (CNT). Selon lui, les nouvelles mesures restrictives ne font qu’envenimer la situation déjà difficile que ce secteur traverse depuis plusieurs mois. Elles portent un sérieux coup d’arrêt aux efforts de la ministre de tutelle, Nadia Fettah, qui sillonne le pays pour soutenir la promotion du tourisme interne.

D’ailleurs, quelques heures avant l’annonce de l’interdiction des déplacements entre les villes, Nadia Fettah venait de rentrer de la ville de Dakhla pour laquelle la compagnie Royal Air Maroc a décidé de porter à 10 la fréquence hebdomadaire des vols la reliant à Casablanca.

Alors que les professionnels sont impatients de voir le plan de relance se concrétiser sur le terrain, l’interdiction de circuler entre les principales villes touristiques sonne comme un coup de grâce pour un secteur qui se dit totalement sinistré.

Par Wadie El Mouden
Le 27/07/2020 à 14h03