Voici pourquoi Bank Al-Maghrib a décidé de maintenir son taux directeur

Le siège de de Bank Al-Maghrib.

Le siège de de Bank Al-Maghrib. . DR

Le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) a tenu, ce mardi 24 septembre, sa troisième réunion trimestrielle de l’année et a finalement décidé de maintenir son taux directeur. Explications.

Le 24/09/2019 à 13h26

Lors de cette réunion, le Conseil de Bank Al-Maghrib a analysé l’évolution récente de la conjoncture économique et les projections macro-économiques de la Banque pour les huit prochains trimestres.

Sur la base de ces évaluations, notamment celles des prévisions à moyen terme de l’inflation, de la croissance, des comptes extérieurs, des conditions monétaires et des finances publiques, le Conseil a jugé que le niveau actuel du taux directeur de 2,25% reste approprié et a décidé de le maintenir inchangé.

Par ailleurs, et au regard de la persistance de besoins importants de liquidité bancaire sur l’horizon de prévision, le Conseil a décidé de réduire le taux de la réserve monétaire de 4% à 2%, permettant ainsi une injection permanente d’un peu plus de 11 milliards de dirhams.

Le Conseil a noté qu’après s’être établie à 1,9% en 2018, l’inflation a nettement ralenti, se situant à 0,2% en moyenne sur les huit premiers mois de l’année, en relation notamment avec la baisse des prix des produits alimentaires à prix volatils. Selon les prévisions de Bank Al-Maghrib, elle devrait continuer à évoluer à des niveaux faibles au cours des prochains mois pour ressortir à 0,4% sur l’ensemble de l’année. En 2020, elle s’accélérerait à 1,2%, tirée par sa composante sousjacente qui, sous l’effet notamment de la reprise attendue de la demande intérieure, atteindrait 1,6% après 0,7% prévu en 2019.

Au niveau international, après des performances relativement bonnes au début de l’année, l’activité économique dans les pays avancés s’est inscrite en ralentissement au deuxième trimestre et ses perspectives se sont dégradées dans un contexte marqué par les conflits commerciaux, les tensions géopolitiques et les incertitudes entourant les modalités du Brexit. Aux Etats-Unis, avec la dissipation des effets des mesures de relance budgétaire, la croissance baisserait de 2,9% en 2018 à 2,2% en 2019 et à 1,8% en 2020, tandis que dans la zone euro, après 1,9%, elle se limiterait à 1,2% avant de s’améliorer légèrement à 1,4%.

Sur les marchés du travail, les conditions resteraient favorables, avec des taux de chômage autour de 4% aux Etats-Unis et de 7,5% dans la zone euro. Dans les principales économies émergentes, la croissance poursuivrait sa décélération en Chine et s’établirait légèrement au-dessus de 6%. En Inde, elle baisserait à 6,1% en 2019 avant de marquer un rebond à 7,8% en 2020 à la faveur des mesures de relance budgétaire et monétaire.

Sur les marchés des matières premières, impactés par la montée des inquiétudes entourant la demande mondiale, les prix du pétrole se sont inscrits globalement au cours des derniers mois dans un mouvement baissier, ponctué par des épisodes de forte volatilité. Le cours du Brent en particulier est revenu à 64,8 USD/bl en moyenne sur les huit premiers mois de l’année, en baisse de 9,4% en glissement annuel. Il devrait ressortir à 63,7 USD/bl en moyenne en 2019 et se situer légèrement au-dessus de 60 USD/bl en 2020.

Pour ce qui est des phosphates, le prix du brut s’est établi au cours des huit premiers mois de l’année à un niveau plus élevé globalement par rapport à la même période en 2018. Il devrait, selon les dernières prévisions de la Banque mondiale datant du mois d’avril dernier, terminer l’année 2019 sur une moyenne de 105 USD/t et évoluer proche de ce niveau en 2020. Quant aux engrais phosphatés, les cours ont poursuivi leur tendance baissière, sous l’effet de l’affaiblissement de la demande mondiale. Sur l’ensemble de l’année, ils ressortiraient en moyenne à 370 USD/t pour le DAP et à 340 USD/t pour le TSP et augmenteraient légèrement à 377 USD/t et 343 USD/t respectivement en 2020. 

Dans ce contexte, l’inflation devrait diminuer dans la zone euro à 1,3% en 2019 et à 1,2% en 2020, niveaux bien en deçà de l’objectif de la BCE. Aux Etats-Unis, elle baisserait de 0,5 point à 1,9% en 2019 et s’approcherait de l’objectif de la FED en 2020.

Pour ce qui est des décisions de politique monétaire, les banques centrales des principales économies avancées ont interrompu le processus de normalisation pour initier un nouveau cycle d’assouplissement. Ainsi, après la baisse opérée en juillet dernier, la première depuis 2008, la FED a décidé lors de sa réunion des 17 et 18 septembre de réduire une nouvelle fois la fourchette cible du taux des fonds fédéraux de 25 points de base, la ramenant à [1,75%-2%]. Cette décision a été marquée toutefois par une accentuation de la divergence entre les membres du Comité par rapport aux deux dernières rencontres.

Pour sa part, la BCE a annoncé lors de sa réunion du 12 septembre une série de mesures pour renforcer l’orientation accommodante de sa politique monétaire. Elle a ainsi réduit le taux de la facilité de dépôt de 10 points de base à -0,50% et a indiqué qu’elle prévoit que ses taux directeurs resteront à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas jusqu’à ce qu’elle ait constaté une convergence durable de l’inflation vers son objectif. Elle a également décidé de relancer, à partir du 1er novembre, ses achats nets d’actifs pour un montant mensuel de 20 milliards d’euros et de modifier les modalités de ses nouvelles opérations de refinancement à plus long terme ciblées et ce, pour préserver des conditions de crédit favorables.

Au niveau national, les dernières données du HCP relatives au premier trimestre indiquent un ralentissement d’une année à l’autre de la croissance de 3,5% à 2,8%, résultat d’une diminution de 3,2% de la valeur ajoutée agricole après une hausse de 4% et d’une accélération du rythme des activités non agricoles de 3,3% à 3,8%. Ces dernières devraient, selon les prévisions de Bank AlMaghrib, connaître une progression de leur valeur ajoutée de 3,6% en 2019 contre 2,6% en 2018.

Tenant compte également de la révision à la baisse, par le Département de l’Agriculture, de l’estimation de la récolte céréalière de la campagne 2018/2019 à 52 millions de quintaux, la valeur ajoutée agricole reculerait de 4,7%, ramenant ainsi la croissance de l’économie nationale à 2,7% en 2019 après 3% un an auparavant. Pour 2020, la Banque table sur une amélioration de la croissance à 3,8%, avec une stabilité du rythme des activités non agricoles à 3,6% et un accroissement de la valeur ajoutée agricole de 6,3%, sous l’hypothèse d’une production céréalière de 80 millions de quintaux.

Sur le marché du travail, les créations nettes d’emplois entre les deuxièmes trimestres de 2018 et de 2019 se sont limitées, selon les données du HCP, à 7 mille postes, résultat d’une perte de 176 mille dans l’agriculture et d’une hausse de 183 mille dans les activités non agricoles, principalement les services. Tenant compte d’une diminution de 0,6% de la population active, le taux d’activité est revenu de 47% à 46% et le taux de chômage a reculé de 0,6 point à 8,5%. 

Sur le plan des comptes extérieurs, les exportations de biens ont progressé de 3,3% à fin juillet, tirées notamment par des hausses des ventes de 6,5% pour les produits agricoles et agroalimentaires, de 2% pour le secteur automobile et de 3% pour les phosphates et dérivés. En regard, les importations se sont alourdies de 3,7%, reflétant un accroissement de 8,8% des acquisitions de biens d’équipement, la facture énergétique s’étant, en revanche, allégée de 2,1%.

Quant aux recettes de voyage, elles se sont renforcées de 5,8% alors que les transferts des MRE ont connu un recul de 1%. Pour l’ensemble de l’année, les exportations s’accroîtraient de 3,9%, avant de connaître une amélioration notable en 2020, sous l’hypothèse de la concrétisation du programme de production annoncé de l’usine PSA.

De leur côté, les importations ralentiraient sur l’horizon de prévision, avec une baisse attendue de la facture énergétique et une décélération du rythme des acquisitions de biens d’équipement. En parallèle, les recettes de voyage connaîtraient une nette accélération de leur progression en 2019 pour s’établir à 76,3 milliards de dirhams, puis une relative modération en 2020 (à 78,8 milliards), tandis que les transferts des MRE enregistreraient une légère augmentation cette année à 65,9 milliards de dirhams et gagneraient en vigueur l’année prochaine (à 68,3 milliards).

Dans ces conditions, et tenant compte de rentrées de dons des pays du CCG attendues pour des montants de 2 milliards en 2019 et de 1,8 milliard en 2020, le déficit du compte courant s’atténuerait graduellement, passant de 5,5% du PIB en 2018 à 5,1% en 2019 puis à 3,6% en 2020. Pour les flux d’IDE, après une hausse exceptionnelle en 2018, les recettes avoisineraient un niveau équivalent à 3,5% du PIB sur l’horizon de prévision.

Prenant en considération deux émissions prévues du Trésor sur le marché international, l’encours des réserves internationales nettes s’établirait à 239 milliards de dirhams à fin 2019 et à 234,3 milliards au terme de 2020, continuant ainsi d’assurer la couverture d’un peu plus de 5 mois d’importations de biens et services.

Concernant les conditions monétaires, le taux de change effectif réel a enregistré une augmentation trimestrielle de 0,3% au cours du deuxième trimestre, reflétant une hausse en termes nominaux, et ressortirait en légère appréciation sur l’horizon de prévision. Pour ce qui est des taux débiteurs, les données de l’enquête de la Banque, dans sa nouvelle version améliorée et élargie, indiquent une poursuite de la tendance baissière, avec un nouveau recul de 4 points de base globalement à 4,98% au deuxième trimestre, au bénéfice notamment des particuliers et des TPME. Reflétant essentiellement l’expansion de la circulation fiduciaire, le besoin de liquidité bancaire s’est creusé à 95,5 milliards de dirhams en moyenne hebdomadaire en août et devrait s’établir à 77,6 milliards au terme de 2019 avant d’atteindre 96 milliards à fin 2020.

Dans ce contexte, le crédit bancaire au secteur non financier s’est accru à fin juillet de 3,7% globalement et de 3,1% pour les entreprises privées. Il devrait terminer l’année en hausse de 3,7% puis se renforcer de 4,7% au terme de 2020.

S’agissant des finances publiques, le déficit budgétaire hors privatisations s’est accentué sur les huit premiers mois de l’année de 5,8 milliards de dirhams à 34,9 milliards. Les dépenses globales ont augmenté de 5,4%, résultat notamment d’un alourdissement de celles au titre des « autres biens et services ». En parallèle, les recettes se sont renforcées de 3,4%, avec des hausses de 2,2% pour les rentrées fiscales et de 21,3% pour celles non fiscales.

Dans ces conditions, et tenant compte de l’impact de l’accord conclu dans le cadre du dialogue social, le déficit budgétaire hors privatisations devrait se situer, selon les prévisions de Bank Al-Maghrib, aux alentours de 4% du PIB cette année, avant de s’alléger autour de 3,8% en 2020, sous l’hypothèse de la poursuite des efforts de mobilisation des recettes et de maitrîse des dépenses.

Par Ayoub Khattabi
Le 24/09/2019 à 13h26