Interview. La reporter Olivia Köhler raconte sa rencontre avec Mohamed, le berger marocain devenu une star

Olivia Köhler, la reporter française, à la rencontre de Mohamed el Mekki, le berger de l'Atlas marocain.

Olivia Köhler, la reporter française, à la rencontre de Mohamed el Mekki, le berger de l'Atlas marocain. . DR

En voyage à travers le Maroc, point de départ de leur tour d’Afrique en 4x4, la reporter et photographe Olivia Köhler et son amie Charlie, ont fait la rencontre d’un berger nomade dont la gentillesse et la générosité les ont touchées au plus haut point.

Le 04/12/2021 à 08h08

Suite à sa rencontre imprévue sur les hauteurs de l'Atlas avec Olivia et Charlie, deux voyageuses françaises, Mohamed El Mekki est devenu une star sur les réseaux sociaux. Son sourire, sa générosité, son sens du partage et de l’hospitalité ont profondément touché les Marocains, fiers de retrouver en cet homme des valeurs si chères au Maroc. Le buzz rencontré par ces vidéos postées sur YouTube, Olivia la jeune reporter de 25 ans ne s’y attendait pas, et encore moins ce berger marocain vivant dans la plus grande simplicité.

Contactée par Le360, Olivia Köhler est revenue sur cette rencontre improbable au milieu de nulle part, au lever du jour.

Qu’avez-vous appris de cette expérience et qu’est-ce que cette rencontre avec Mohamed le berger avait de particulier à vos yeux?Cela fait plusieurs années que je voyage à travers le monde et mon envie de voyage se nourrit justement du besoin de sortir des sentiers battus et de pouvoir aller à la rencontre des gens pour découvrir leur histoire et leur culture. Quand nous sommes arrivées au Maroc, on espérait vivre ce genre d’expériences. Mais c’était une rencontre magnifique parce que complètement imprévue. On ne savait pas qu’on allait dormir à cet endroit-là précisément, et puis finalement on a trouvé le spot très sympa. Nous nous sommes réveillées au lever du soleil et c’est à ce moment-là qu’on a rencontré Mohamed.

La suite est géniale parce qu’on a pris le temps de le connaître, on était vraiment intéressé par son histoire au point qu’on a voulu le suivre dans le canyon pour aller à la rencontre de son père. C’était une journée pleine d’émotions, de partage. On a appris beaucoup de choses et c’était vraiment génial. C’est l’essence même du voyage qu’on aime.

Vous attendiez-vous à de telles différences de vie entre le monde urbain et rural au Maroc?Oui, franchement je m’y attendais parce que je savais que le Maroc est un pays très contrasté, qu’il y a la vie dans les grandes villes d’un côté et la vie dans l’Atlas et les régions plus reculées de l’autre. Je me doutais qu’il y avait de très grandes différences dans la société et c’est ce que j’espérais découvrir. Mais on n’est jamais sûr en voyage, on ne peut pas bousculer le destin, il y a des rencontres qui se font par hasard. Cette rencontre m’a montré ça, le côté profond du Maroc, les traditions qui sont gardées de génération en génération. C’est très fort de découvrir cette partie-là du Maroc.

Est-ce que cette vidéo a eu un impact sur la suite de ce voyage?Oui. Je suis sur les réseaux sociaux depuis quelques années et mon métier c’est de faire des vidéos et de partager ça avec ma communauté. Avoir une visibilité, ce n’est pas tout nouveau, par contre la vidéo de notre rencontre avec Mohamed a tellement buzzé au Maroc qu’aujourd’hui on nous reconnaît dans la rue. Ca fait un peu bizarre, mais ça me motive encore plus pour la suite de mes reportages, même si le voyage reste le même. On est parti pour faire tout le tour du continent africain et mon but est de continuer à aller à la rencontre des gens en toute humilité et de faire des vidéos.

Ce qui va changer désormais c’est que j’aurais plus de gens qui vont s’intéresser à mes vidéos. Je trouve ça intéressant car moi mon but c’est de montrer au maximum de personnes les côtés cachés et méconnus de certains pays. C’est vraiment une belle reconnaissance.

Mohamed le berger a été très médiatisé depuis la publication de votre vidéo sur YouTube et à son tour, il a ouvert sa propre chaîne sur cette plateforme et a créé son profil Facebook. Que pensez-vous des conséquences de cette médiatisation extrême et soudaine dans sa vie?Au début, quand j’ai vu que ça faisait un gros buzz, je me suis un peu inquiétée pour lui, car je savais que lui n’était pas dans ce monde-là. J’ai pris de ses nouvelles, parce qu’on est resté en contact sur WhatsApp, mais finalement il m’a dit que ça se passait très bien, qu’il aimait justement beaucoup pouvoir parler de sa vie dans les montagnes, de son métier de sculpteur et au final il gère ça plutôt bien.

J’ai vu qu’il s’est créé des pages YouTube et Facebook pour montrer ses créations et il y a des gens qui veulent le soutenir. J’espère juste qu’il va rester fidèle à lui-même et qu’il va réussir à garder cette vie qu’il aime dans les montagnes parce qu’on voit qu’il aime vraiment ça, l’endroit où il habite et j’espère que ça va rester comme ca.

Quelle est la suite de votre voyage au Maroc?On va découvrir le sud de l’Atlas, la région de Marrakech et puis toute la côte qu’on n’a pas encore vue, à partir d’Essaouira et vers le sud avant d’aller vers le Sahara. Le but ensuite c’est de passer en Mauritanie, au Sénégal et tous les autres pays qui nous attendent.

Deux femmes qui voyagent seules, ce n’est pas très commun. Est-ce que vous avez des appréhensions et si oui, comment les gérez-vous?Quand on dit qu’on est deux filles qui voyagent seules, les gens ont peur pour nous. Je trouve ça dommage car pour ma part, ça fait longtemps que je voyage toute seule dans beaucoup de pays et justement j’essaie de montrer que c’est totalement possible, qu’on n’a pas besoin d’être forcément avec un groupe ou avec un homme. Nous sommes totalement capables de voyager, de nous débrouiller, d’être indépendantes. Il suffit juste d’avoir des réflexes de base en voyage.

Quand on rencontre des gens, il faut vraiment savoir si on peut leur faire confiance. Si on veut dire non, on dit non, si on ne veut pas aller avec la personne on n’y va pas… C’est vraiment des petits réflexes très importants. Suivre son instinct, ça aussi c’est très important. J’espère montrer à travers mon voyage qu’en tant que femme, on est totalement capable de faire ce genre d’aventures, mais qu’il ne faut pas se mettre des freins parce qu’on est une femme ou parce que les gens qui sont autour de nous ont peur pour nous, ce que je peux comprendre. Mais en soi, c’est notre voyage et on a envie de se lancer dans cette aventure comme il faut.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 04/12/2021 à 08h08