2M brièvement suspendue sur Nilesat: un trou financier abyssal, à l'origine des maux de la chaîne

Le siège de 2M à Ain Sebaa.

Le siège de 2M à Ain Sebaa. . DR

Chaîne de télévision aux capitaux détenus par l'Etat, 2M continue de creuser son déficit financier, de l'ordre plusieurs centaines de millions de dirhams. Plusieurs impayés l'ont privée, mardi dernier, de la transmission de ses programmes sur Nilesat. La période la plus sombre de son histoire?

Le 28/11/2019 à 18h29

La préoccupante situation financière que traverse actuellement 2M a fait l'objet d'un vif débat hier, mercredi 27 novembre, à Rabat, dans l'enceinte de l'hémicycle, de la part des conseillers de la seconde chambre du Parlement, réunis autour du Projet de loi de finances 2020. 

Endettée jusqu’au cou, la seconde chaîne nationale est actuellement en eaux troubles. D’ailleurs, la direction de Nilesat vient d'adresser une lettre de mise en demeure à la direction de 2M, à cause de ses retards dans le paiement de ses redevances de retransmission de ses programmes via ce satellite égyptien. 

Contacté par Le360, le secrétaire général du syndicat du personnel de 2M, Mohamed El Wafi, se veut rassurant: «la suspension de la transmission sur le satellite Nilesat était préventive. Mardi [dernier], le droit de transmission a été interrompu entre une heure trente et deux heures. La suspension fait office d’alerte».

«Le service a été rétabli pour une dizaine de jours, le temps de régler les impayés. Dans le cas contraire, la transmission sera interrompue, mais cette fois, pas pour une heure ou deux», précise-t-il.

Mais la crise financière que traverse la chaîne s’est également répercutée sur son personnel. Mohamed El Wafi explique que les salariés de 2M perçoivent leurs salaires et le remboursement de leurs frais de santé en retard. Ce syndicaliste se plaint aussi du fait que les salaires sont le plus souvent perçus en deux temps, alors que les remboursements des frais médicaux sont versés après une longue attente de trois mois ou plus.

De plus, plusieurs locaux régionaux de la chaîne ont été fermés, ou ne sont plus correctement exploités faute de moyens. «2M a été condamnée à quitter les locaux de Tanger pour défaut de paiement de loyer. Les locaux de Rabat sont quasiment inutilisables, vu qu’il n’y a pas d’eau . Pour qu’un salarié du bureau de Rabat aille aux toilettes, il doit le faire en dehors de son lieu de travail, c’est indigne», tonne ce syndicaliste de l’Union Marocaine du TRavail (UMT). .

«Les dettes de 2M s’élèvent à hauteur de 720 millions de dirhams», soutient, en outre, Mohamed El Wafi. 

De son côté, un haut cadre de 2M qui a requis l’anonymat confirme que les programmes de la chaîne ont été suspendus «pas plus d’une heure, avant-hier, mardi, entre 13 et 14 heures». Selon ce responsable, «l’incident a été réglé et 2M n'a été suspendue que de Nilesat uniquement. [La chaîne] est restée disponible sur les autres satellites». 

«Si nous en sommes là, c’est à cause de la situation financière de 2M. La trésorerie est mal en point et pour cause: la chaîne publique est confronté à une quasi-absence de subventions et de contrat-programmes», se plaint ce cadre. 

Mais celui-ci tient à rectifier le chiffre avancé par le leader syndical de la chaîne: «ce ne sont en aucun cas des dettes bancaires, précise-t-il, il s’agit de dettes auprès des fournisseurs, lesquelles ne s’élèvent pas à 720 millions de dirhams, mais à la moitié de cette somme».

2M entreprise désormais cataloguée parmi les mauvais payeurs, cumule aujourd'hui un déficit financier important. Lors de la publication par le ministère des Finances des données déclaratives concernant les délais de paiement de 192 établissements et entreprises publiques (EEP), la palme du plus mauvais payeur est revenue à cette entreprise publique, qui ne s'acquitte de ses factures qu'après un long délai de 327 jours, en moyenne.

Née en 1989, et à cette époque à capitaux privés, 2M avait, en son temps, considérablement haussé le niveau des programmes audiovisuels du Maroc. Devenue chaîne à capitaux détenus par l'Etat en 1996, elle est, depuis, en chute libre. Ses dettes, désormais abyssales, en sont l'exemple le plus patent. 

Par Karim Ben Amar
Le 28/11/2019 à 18h29