Chakib Benmoussa: «le Maroc n'a pas espionné le président Emmanuel Macron»

Chakib Benmoussa, ambassadeur du Maroc à Paris

Chakib Benmoussa, ambassadeur du Maroc à Paris . MAP

Dans un entretien accordé au Journal du dimanche (JDD), Chakib Benmoussa, ambassadeur du Maroc à Paris, revient sur l’affaire Pegasus, et dénonce une nouvelle fois une tentative de déstabilisation orchestrée par des réseaux hostiles au Maroc en France et ailleurs.

Le 25/07/2021 à 09h11

«Le Maroc n'a pas espionné le président Emmanuel Macron. Il n'a pas non plus espionné l'ancien Premier ministre ou des membres du gouvernement», a affirmé Chakib Benmoussa dans cet entretien accordé au JDD.

Interrogé si les relations avec Paris se sont-elles refroidies depuis cette affaire, le diplomate marocain a souligné que la relation entre les deux pays est particulière, construite sur l'histoire, sur des liens humains et culturels extrêmement forts et sur des intérêts communs. «C'est une relation d'exception mais aussi une relation qui se renouvelle à l'aune des évolutions dans chacun des deux pays et des nouveaux défis….Il existe des réseaux hostiles au Maroc en France et ailleurs, qui sont dans une logique de déstabilisation», a-t-il ajouté.

Benmoussa constate que certains acteurs qui considèrent le Maroc comme un ennemi surfent sur cette vague. «Il est de notoriété publique que les succès du Maroc en Afrique ne font pas plaisir à tout le monde, notamment à notre voisin», a-t-il poursuivi, s'interrogeant sur le timing particulier de ces manoeuvres hostiles.

«Des éléments disponibles il y a un an, ressortent aujourd'hui, de manière coordonnée, à l'approche de la fête du Trône, à l'approche des élections législatives, régionales et locales, dans un contexte où le Maroc réalise des avancées sur de nombreux sujets. Cela peut ne pas plaire», s’est étonné le diplomate.

Evoquant le fameux listing de 50.000 numéros qui auraient subi une intrusion ou une tentative d'intrusion, tout en rappelant que le groupe israelien NSO a affirmé qu'il ne détenait pas de listing, Benmoussa s'est demandé pourquoi ce répertoire concernait-il certains pays, que l'on essayait de présenter sous l'angle d'Etats voyous et policiers, et pas d'autres, alors qu'une quarantaine au total sont censés avoir acheté ce programme?

«Nous nous demandons également quels éléments permettent de faire le lien avec nos autorités. Les acteurs qui ont initié ce processus, avec des accusations fortes, doivent maintenant apporter des preuves. Dans cette histoire, le Maroc est une victime. Il s'agit d'une tentative de déstabilisation», a dénoncé le diplomate en poste à Paris. 

Et d’ajouter: «en quelques jours, le rouleau compresseur s'est mis en place, avec une campagne massive et coordonnée, qui exploite l'émotion d'acteurs se sentant de bonne foi violés dans leur intimité. Quelles raisons aurions-nous à entreprendre de tels actes d'espionnage?».

Interrogée si l’affaire du Sahara marocain pourrait justifier d’éventuelles écoutes, Benmoussa a souligné que la question du Sahara marocain était essentielle, mais que le Maroc la défendait d'abord sur le terrain, avec une dynamique de développement économique et humain.

«Ce ne sont pas quelques acteurs qui gesticulent ici ou là qui modifient la donne. Nous avons fait devant les Nations unies une proposition réaliste et crédible d'une très large autonomie, qui constitue une solution politique permettant de construire l’avenir en toute sérénité. Tous ceux qui, pour des calculs politiques, veulent jouer avec le feu, qu'ils le fassent, ils trouveront face à eux un front uni et déterminé», a martelé Benmoussa.

A une autre question du JDD, si les services de renseignement marocains auraient eu accès au système Pegasus, l’ambassadeur du Royaume à Paris a indiqué qu’à l'instar de leurs homologues dans le monde, ceux-ci peuvent s'intéresser à des logiciels et des outils technologiques pour faire leur travail de protection des intérêts supérieur du pays et des citoyens, sauf qu'ils n'ont pas acquis Pegasus.

«Les services marocains s'inscrivent dans une démarche d'Etat de droit, la loi déterminant les modalités dans lesquelles l'usage de programmes pouvant gérer des données personnelles peut intervenir. Il est à noter d'ailleurs que ces outils sont accessibles à des services spécialisés, mais aussi à d'autres acteurs. La NSO les commercialise à titre privé. La question de la production de ces logiciels intrusifs et de leur exploitation se pose et nécessite certainement une approche multilatérale de régulation à laquelle le Maroc est prêt à contribuer», a conclu Chakib Benmoussa.

Par Ayoub Khattabi
Le 25/07/2021 à 09h11