Face aux critiques, Al-Jazeera tente de rester dans l'air du temps

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Le célèbre réseau qatari Al-Jazeera, qui déchaîne les passions dans le monde arabe depuis son lancement dans les années 1990, mise aujourd'hui sur le numérique pour faire face aux critiques et à la concurrence, et attirer les jeunes générations.

Le 23/01/2020 à 09h45

A Doha, une armée de jeunes vêtus à la dernière mode crée des images animées (GIF) et des courts métrages destinés à la consommation sur les réseaux sociaux, sous la marque "AJ+".

Disponible en plusieurs langues, dont l'arabe, l'anglais, l'espagnol et le français, ce média qui dit cibler "les générations connectées" comptabilise des millions d'abonnés sur Twitter, Facebook ou Instagram.

Le bureau d'AJ+ à Doha a plus l'allure d'une start-up que d'une salle de rédaction, avec ses murs en briques apparentes et ses rangées d'ordinateurs Apple.

"Nous avons les valeurs d'Al-Jazeera, mais nous sommes la version cool du millénaire", dit à l'AFP la directrice générale d'AJ+, Dima Khatib, qui compte elle même près de 350.000 abonnés sur Twitter.

Emissions sur les tabous sociaux, débats houleux sur la politique, des correspondants sur le terrain à travers la région et le monde : la chaîne arabe, lors de son lancement en 1996, a révolutionné le paysage médiatique au Moyen-Orient.

De Rabat à Ryad, en passant par Le Caire et Ramallah, elle a conquis une large audience jusque-là habituée aux très sages chaînes gouvernementales mais a aussi attisé les foudres des dirigeants autoritaires qui l'accusent d'encourager les troubles civils.

Financée par le riche émirat du Qatar, elle concurrence aussi les grandes chaînes internationales, CNN ou BBC, en devenant une source d'information controversée mais incontournable sur les conflits au Moyen-Orient grâce à ses plus de 3.500 employés présents dans 70 pays.

"Quand les gens commencent à parler d'Al-Jazeera et de toutes les critiques (la visant), je leur dis + mais pourquoi ne la regardez-vous pas ?+", lance à l'AFP Mostefa Souag, l'actuel directeur général d'Al-Jazeera.

Dans son bureau de Doha, ce journaliste algérien de 74 ans garde précieusement un lecteur de cassettes, souvenir de l'époque où Al-Jazeera avait fait son premier grand coup médiatique en diffusant des vidéos de ben Laden.

Mais Mostefa Souag se concentre désormais sur l'avenir de la chaîne, celui du monde numérique dominé par les clips viraux, les images animées et l'interactivité.

Populaire sur les réseaux sociaux, AJ+ est cependant souvent critiquée par les internautes qui l'accusent de relayer la politique étrangère du Qatar.

Fin 2019, Facebook informe le média qu'il sera désormais estampillé "contrôlé par un Etat" dans le cadre de la nouvelle politique du réseau social américain contre les "fausses informations".

Le réseau qatari a protesté auprès de Facebook, craignant "un dommage irréparable à sa réputation journalistique", surtout que la production d'Al-Jazeera sur YouTube est déjà présentée comme financée par le Qatar.

"Personne au sein du gouvernement n'est autorisé à communiquer avec Al-Jazeera sur n'importe quelle question éditoriale", se défend vigoureusement Moustefa Souag.

Le 23/01/2020 à 09h45