Jean Daniel, fondateur du «Nouvel Obs», était proche du Maroc et admirateur de Hassan II

A gauche, Jean Daniel. A droite de la photo, Le Roi Hassan II et le Président français François Mitterrand. 

A gauche, Jean Daniel. A droite de la photo, Le Roi Hassan II et le Président français François Mitterrand.  . DR

Le dernier journaliste à avoir interviewé le roi Hassan II, deux semaines avant sa mort en 1999, est décédé hier soir, mercredi 19 février, à l’âge de 99 ans.

Le 20/02/2020 à 10h43

«L’Obs» est en deuil depuis hier soir. Le média français vient en effet de perdre son fondateur, «après une longue vie de passion, d’engagement et de création» écrit le magazine, en le décrivant à la fois comme «le plus prestigieux journaliste français», «un témoin, un acteur et une conscience de ce monde.»

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La rédaction de «L'Obs» a ainsi tenu, en un long article, à lui «exprimer sa profonde admiration, sa sincère reconnaissance et son fidèle souvenir.»

Les premiers pas d'un grand hommeC’est en Algérie, à Blida, qu’est né le 21 juillet 1920 Jean Daniel, né Bensaïd. Il se bat d'abord pour la libération de la France avant de poursuivre ensuite des études de philosophie, à Paris, à l'université de la Sorbonne.

Puis en 1947, il investit le monde de la presse écrite, en fondant la revue «Caliban», soutenu par Albert Camus. Il s’impose comme un journaliste de terrain, en couvrant notamment la guerre d’Algérie et les négociations avec le FLN, ou en témoignant des évènements de Bizerte, en Tunisie.

Puis dès les années soixante, il s’impose comme intervieweur de personnalités politiques à l’instar de John F. Kennedy en 1963. «L’Obs» explique ainsi que «le président américain le charge d’un message pour Fidel Castro» et que c'est «en compagnie du leader de la révolution cubaine qu’il apprend l’assassinat de Kennedy, le 22 novembre 1963».

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Fondateur de «L’Obs» en 1964, hebdomadaire qui portera d’abord plusieurs noms, il en restera le directeur de la publication jusqu’en 2008, avant de continuer à collaborer au média qu'il a créé, mais uniquement en tant qu’éditorialiste.

Jean-Daniel, proche du Maroc et grand admirateur de Hassan IIOutre les nombreux intellectuels avec lesquels il dialoguera dans ces pages, à l’instar de Jean-Paul Sartre, Michel Foucault ou encore Claude Lévi-Strauss, il est tout aussi reconnu pour ses échanges avec les grands de la politique de ce monde, de François Mitterrand, à Shimon Peres, en passant par Hassan II.

C’est ainsi à Jean Daniel que le défunt souverain du Maroc accordera sa dernière interview, à l’occasion de sa visite en France entre le 12 et le 15 juillet 1999.

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Dans cet article publié en exclusivité dans «L’Obs», Jean Daniel spécifiait alors qu'après quarante-trois ans de protectorat français, «le Roi Hassan II arrive en France, un pays qui vit pratiquement depuis le début de l'année à l'heure marocaine». 

«Le dernier entretien que le Roi Hassan II m'avait accordé remonte à 1989, il y a exactement dix ans. C'est sur l'évolution de son pays pendant cette décennie, et plus généralement sur le bilan de son règne, que j'ai voulu cette fois l'interroger», indiquait Jean Daniel en introduction de son interview.

Dans cet échange, le souverain évoquait la pérennité du modèle de monarchie démocratique, l'évolution du Royaume durant la dernière décennie, les avancées en matière des droits de l'Homme, l'islamisme, les relations avec l'Algérie et le rôle de médiation du Souverain dans les affaires du Moyen-Orient.

Certaines réponses du Roi Hassan II sont toujours autant d’actualité, à l’instar de son point de vue sur le danger islamiste au Maroc. « La société marocaine a trop conscience de ce qu'elle a acquis pour permettre qu'on puisse en jouer et le mettre en danger. Les Marocains ont acquis leur liberté, leur émancipation. Ce sont des droits qu'ils n'abandonneront pas», expliquait-il alors, serein.

Enfin s’agissant du statut personnel, aujourd’hui code de la famille, le Souverain affirmait qu'une «interprétation ouverte et moderne doit véhiculer des améliorations et des perfectionnements qui sont dans l'esprit de l'islam. Cela est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de la condition de la femme». Et d'ajouter que «sur ce sujet, Je conviens qu'au Maroc il reste beaucoup de choses à faire».

Enfin, quant aux relations avec l'Algérie, le défunt Roi se voulait porteur d’un message de paix: «nous sommes arrivés, les uns et les autres, à un point où nous nous rendons compte qu'il vaut mieux cultiver ce qui peut nous rassembler qu'attiser ce qui peut nous diviser».

Par Zineb Ibnouzahir
Le 20/02/2020 à 10h43