L’Europe “spectatrice” des mutations au Moyen-Orient, selon Le Figaro

Le siège de l'Union européenne à Bruxelles. 

Le siège de l'Union européenne à Bruxelles.  . AFP

Alors que la reprise des relations entre Israël et le Maroc marque une “nouvelle étape”, l’Union européenne (UE) “peine à s’adapter aux changements régionaux”, affirme, mercredi, le quotidien Le Figaro.

Le 30/12/2020 à 17h29

Selon le journal français, la réconciliation entre Israël et les Emirats Arabes Unis puis Bahreïn (accords d’Abraham), la normalisation par le Soudan de ses relations avec l’Etat l’hébreu et la reprise des relations avec le Maroc, marquent un “changement qui va profondément transformer le Moyen-Orient”.

«De Washington à Tel-Aviv, en passant par Rabat et Abu Dhabi, ce rapprochement poussé par Donald Trump est considéré comme un «game changer» pour la région”, relève le média français.

Face à ces changements, “l’Europe se cantonne pour l’instant dans le rôle de spectateur sceptique”, estime le journal, faisant observer que de “nombreux Européens, surtout depuis que la page Trump a été tournée à l’issue des élections, rechignent à reconnaître ce succès diplomatique du président sortant, qui pourtant préfigure peut-être une reconfiguration géopolitique de la région”.

Mais “plutôt qu’accorder un crédit aux efforts de Trump et de son gendre et conseiller Jared Kushner, ils insistent sur les lacunes de la réconciliation”, considère Le Figaro, pour qui, l’Europe “perd la main dans la région depuis des années”, car après les révolutions arabes, l’idée de voir émerger un Moyen-Orient démocratique “s’est révélée illusoire”.

A la faveur du retrait progressif des Américains, la Russie, l’Iran et la Turquie sont devenus des acteurs incontournables, note-t-on, relevant que ces puissances montantes ont “relégué l’Europe dans les gradins, incapable de projeter des forces sur le terrain et d’élaborer une stratégie”.

Selon le média français, “c’est bien pour contrer la montée en puissance de l’Iran dans la région, ainsi que ses programmes nucléaires et balistiques et freiner l’avancée de la Turquie que les Etats modérés du Golfe et Israël ont opéré leur rapprochement”, faisant observer que si “le Soudan y trouve un intérêt économique, le Maroc y gagne la reconnaissance par Washington de sa souveraineté sur le Sahara occidental et les Emirats des F-35 et des drones de combat américains”.

“Mais le véritable moteur de la réconciliation, poursuit-on, découle de la décision des Etats-Unis de sous-traiter la sécurité du Moyen-Orient à ses alliés régionaux pour mieux se consacrer à la rivalité avec la Chine”.

Face à cette nouvelle donne, l’Europe, qui a longtemps compté sur les Américains pour jouer les gendarmes dans la région, “se retrouve bien seule face aux puissances révisionnistes qui progressent sur le terrain et remettent en cause l’ordre international hérité de la guerre froide”, observe Le Figaro.

Incapable d’avoir une politique commune à 27, l’UE est divisée sur les changements à l’œuvre, avec certains pays qui “redoutent les réactions de leur immigration musulmane ou de certains courants politiques radicaux qui avaient fait du colonialisme israélien la source principale du chaos”.

“Plus globalement, la politique étrangère de l’UE voit, avec les accords de normalisation, s’effondrer l’un de ses piliers idéologiques qui consistait à affirmer qu’il n’y a pas de paix possible dans la région sans règlement de la question israélo-palestinienne”, martèle le quotidien.

“Prisonnière de politiques qui apparaissent parfois dépassées ou trop contraintes par le respect du droit international, l’Europe risque aussi, à terme, de perdre son levier sur la prolifération nucléaire iranienne”, prévient le journal. Et d’ajouter qu’alors que l’UE s’accroche au JCPOA et voudrait le faire revivre avec Joe Biden, le “nouvel axe stratégique qui émerge dans la région entre les Etats du Golfe et Israël veut avoir son mot à dire sur la manière de résoudre la crise iranienne”. 

Par Khalil Ibrahimi
Le 30/12/2020 à 17h29