Marzouki: «l’Arabie Saoudite, les Emirats et l’Egypte ne pardonnent pas au roi du Maroc d’avoir intégré les islamistes»

Moncef Marzouki, ancien président de la Tunisie, de 2011 à 2014. 

Moncef Marzouki, ancien président de la Tunisie, de 2011 à 2014.  . DR

L’ancien président tunisien, Moncef Marzouki, tire à boulets rouges sur le trio Arabie saoudite-Emirats-Egypte. Il les accuse d’allumer le feu en Libye, et de cibler ainsi tout le Maghreb. Explications.

Le 20/01/2020 à 11h33

Connu pour son franc-parler, l’ancien président tunisien Moncef Marzouki n’y va pas de main morte quand il livre son analyse sur la crise libyenne. Il s’en prend particulièrement au trio Arabie saoudite-Emirats-Egypte et à leur ingérence en Libye. Dans une déclaration faite hier dimanche à Al Jazeera, Marzouki explique ces trois pays veulent torpiller non seulement la Libye, mais tout le Maghreb, soit également la Tunisie, l’Algérie et le Maroc.

«La contre-révolution que mènent les Emirats, l’Arabie saoudite et l’Egypte ne vise pas seulement l’Algérie et la Tunisie, mais également le Maroc. Et ce qui se passe en Libye est une menace directe adressée contre nous et contre les pays du voisinage», a déclaré l’ancien président tunisien. Il commentait ainsi la tenue, dimanche 19 janvier à Berlin, d’un sommet international sur ce pays déchiré par la guerre civile opposant Fayez al-Sarraj, le chef du Gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par l'ONU à Tripoli, et son rival qui contrôle l'est libyen Khalifa Haftar. D’ailleurs, les deux parties ont refusé de se rencontrer à Berlin, événement dont la le Maroc a été écarté, en dépit des bons offices de Rabat qui ont été soldés par l’accord de Skhirat. Cette exclusion du Maroc a provoqué l’ire du ministère marocain des affaires étrangères qui l’a fait savoir dans un communiqué. Invitée sur le tard, la Tunisie a préféré quant à elle ne pas faire le déplacement à Berlin.

S’agissant du Maroc, poursuit Moncef Marzouki, «ces trois pays ne pardonnent pas au roi du Maroc d’avoir intégré les islamistes au gouvernement en 2011». Ce choix, résultat au demeurant des urnes après des élections législatives tenues cette année-là, est considéré comme une «hérésie qu’il faut sanctionner» par les «régimes saoudien, émirati et égyptien», explique-t-il.

Cela expliquerait-il la mise à l’écart du Maroc, pays cependant signataire des accords de Skhirat, qui sont, à ce jour, le seul cadre politique– appuyé par le Conseil de Sécurité et accepté par tous les protagonistes libyens– en vue de la résolution de la crise dans ce pays maghrébin frère ?

L’accord de Skhirat avait été signé le 17 septembre 2015 par les différentes factions libyennes, après plusieurs mois et une série de rounds de négociations, sous la supervision de l’ONU et grâce à la facilitation de la partie marocaine.

Le 18 janvier dernier, et dans un communiqué, le ministère marocain des Affaires étrangères n’avait d’ailleurs pas manqué de marquer le «profond étonnement du Royaume» quant à son exclusion de cet événement. «Le Royaume du Maroc a toujours été à l’avant-garde des efforts internationaux pour la résolution de la crise libyenne», précisait le communiqué.

Avec cette tonitruante sortie de l’ancien présent tunisien, un début de réponse quant à cette mise à l’écart se profilerait-il à l’horizon? Il s’agirait alors bel et bien d’une tentative d’enterrer l’accord de Skhirat.

Par Tarik Qattab
Le 20/01/2020 à 11h33