Quand le médecin de Bouteflika parle

Abdelaziz Bouteflika et son médecin Jacques Monségu. 

Abdelaziz Bouteflika et son médecin Jacques Monségu.  . DR

Pourquoi Abdelaziz Bouteflika a-t-il troqué le célèbre hôpital militaire Val de Grâce à Paris pour une clinique mutualiste à Grenoble ? Le Dauphiné Libéré a rencontré le médecin français du président algérien.

Le 01/01/2015 à 19h45

Le 13 novembre 2014, l’information fait le tour des rédactions et des chancelleries. «Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a été hospitalisé dans une clinique mutualiste de Grenoble», révélait le quotidien français Le Dauphiné Libéré, à la surprise générale. Les questions fusent de toutes parts. Mais pourquoi le président Bouteflika a-t-il troqué le célèbre hôpital militaire Val-de-Grâce, à Paris, où il avait l’habitude de se soigner depuis 2005, pour une clinique jusque-là inconnue de la capitale des Alpes? Pourquoi Alger n’a-t-elle pas communiqué sur cette énième et néanmoins mystérieuse hospitalisation du président algérien ? Abdelaziz Bouteflika avait-il quelque chose à cacher à son opinion publique ? Autant de questions qui avaient noirci les colonnes de la presse algérienne, pour ne citer qu’elle. Plus d’un mois après, c’est le médecin du président Bouteflika himself qui brise le silence en revenant, dans une interview au même quotidien, sur le pourquoi de ce changement de cap.

Première révélation, et elle n’est pas des moindres : le médecin du président Bouteflika, Jacques Monségu, est un spécialiste de la cardiologie interventionnelle. Et c’est à ce titre-là qu’il a accueilli l’équipe du Dauphiné pour une visite guidée à travers l’Institut cardio-vasculaire de Grenoble où le chef d’Etat algérien a été accueilli en novembre. Abdelaziz Bouteflika aurait-il donc des problèmes cardiaques ? Le médecin répond par le sourire, décrypte Le Dauphiné, sans insister. Bien sûr, le médecin est tenu par l'obligation de réserve. Mais passons, car ce «pionnier des interventions par la voie radiale» (au niveau du poignet pour aller vers le cœur), n’en est pas à son premier rendez-vous avec le chef d’Etat algérien. Ce professeur a longtemps officié à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, où Abdelaziz Bouteflika avait coutume de se rendre depuis 2005. Il en ressort que ce cardiologue connaît le président depuis au moins 10 ans.

Pourquoi Grenoble, au lieu du Val-de-Grâce à Paris ?«Où vous serez, j’irai», aurait confessé le président Bouteflika à son médecin préféré, après que ce dernier lui eût manifesté sa volonté de quitter l’hôpital militaire du Val-de-Grâce. C’est chose faite. A l’automne 2014, le cardiologue favori de Bouteflika met le cap sur Grenoble. «Et il y est venu», confie ce spécialiste des opérations complexes, en se félicitant de la confiance du chef d’Etat algérien. « J’ai commencé à suivre le président algérien il y a 10 ans. C‘est particulier la médecine du cœur, il y a une symbolique puissante qui arrive à créer des liens très forts entre les soignants et les patients. Le cœur, c’est la vie. Alors, oui, je peux vous dire que j’ai des liens d’amitié avec le président algérien», a-t-il dévoilé au Dauphiné libéré.

Vraie amitié, ou simple sentiment obligé, cela importe peu dès lors que l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika dépend largement de l’expertise de ce vétéran des interventions cardio-vasculaires. A la question de savoir si le patient Bouteflika reviendra le voir à Grenoble, Jacques Monségu «répond par le sourire», poursuit Le Dauphiné Libéré. Un sourire d’autant plus révélateur que le chef d’Etat algérien est actuellement quasi-effacé, ce qui dope les inquiétudes quant au vide institutionnel qui continue de régner en Algérie, à la faveur d’une lutte sans merci opposant les pro-Bouteflika, conduits par son frère Saïda Bouteflika, et le clan du puissant patron du DRS (Département du renseignement et de la sécurité), Ahmed Medine, alias «Tawfik». Une guerre de succession aiguillonnée par la santé incertaine du président Bouteflika, autant que la santé d’une économie algérienne affaiblie par l’effondrement des prix du pétrole. 

Par Ziad Alami
Le 01/01/2015 à 19h45