Algérie. La police judiciaire libérée de la tutelle du Parquet: bonjour les dégâts!

Abdelkader Bensalah, président algérien par intérim. 

Abdelkader Bensalah, président algérien par intérim.  . DR

Le fait est inédit dans les annales judiciaires. Le Conseil des ministres algérien a adopté hier, 13 octobre, un projet de loi habilitant la police judiciaire à agir sans le feu vert du Parquet. La porte est grande ouverte à tous les dépassements, dans un pays déjà en manque flagrant de garde-fous.

Le 14/10/2019 à 15h34

Dimanche 13 octobre, la rue algérienne grouillait de manifestants, opposés à une nouvelle loi sur les hydrocarbures. Mais le régime est passé outre.

Ce même dimanche, en effet, le Conseil des ministres a adopté cette loi pourtant très controversée. Il a, de plus, surtout profité de l’indignation suscitée par ce texte de loi, qui doit encore passer devant le Parlement, pour faire pire encore: amender le Code de procédure pénale, ainsi qu'une ordonnance datant de 1966, afin de donner les pleins pouvoirs à la police judiciaire.

De fait, concrètement, la police judiciaire n’aura plus à justifier d’une habilitation du Parquet (soit du ministère public) pour instruire des affaires de corruption et de dilapidation des deniers publics. Nul besoin non plus d’une plainte des entreprises lésées (publiques ou semi-publiques) pour déclencher une enquête, interpeller des personnes et les interroger.

Pour faire avaler la pilule à l’opinion publique, les gouvernants en Algérie ont brandi l’épouvantail de la corruption et la nécessité de protéger les deniers publics, sauf qu’un autre amendement élargit cette mesure à toutes les autres affaires.

Autrement dit, une fois que le Parlement (l'Assemblée nationale populaire -ANP) aura voté ces amendements, ce sont tous les Algériens qui se retrouveront en liberté provisoire. Et une bonne partie d'entre eux, évidemment, court ce risque de se retrouver derrière les barreaux de la prison d’El Harrach, particulièrement s’ils s’avisent d’être d’un avis contraire à la ligne édictée par Gaïd Salah.

«M. Bensalah a mis en avant la responsabilité des juridictions compétentes quant au strict respect des dispositions y afférentes prévues dans la Constitution et la loi et relatives à l'exercice des activités de la Police judiciaire afin de pouvoir consolider les fondements de l'Etat de droit et la protection de la société et des libertés», rapporte doctement l’agence officielle APS, qui a livré, dans ces termes, un compte-rendu du Conseil des ministres, présidé par Abdelkader Bensalah, le président algérien par intérim, hier, dimanche 13 octobre. 

Or, l’histoire regorge d’exemples, au demeurant tristement célèbres, où Etat de droit et libertés n’ont jamais fait bon ménage, avec, en le cas d'espèce, une police judiciaire qui n'a désormais plus de compte à rendre à personne, si ce n’est à une junte militaire. En ce qui concerne le cas algérien, depuis hier, le pire scénario en la matière se profile. 

Par Mohammed Boudarham
Le 14/10/2019 à 15h34