Comme un animal blessé, Daech reste dangereux, préviennent des experts

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Depuis les bases qu'il conserve dans le désert syrien, par ses filiales dans plusieurs pays ou en inspirant des partisans à passer à l'action isolément, Daech reste une menace qu'il ne faut pas sous-estimer, assurent des experts.

Le 25/05/2018 à 17h00

La reconquête en 2017, par une coalition de 71 pays, de la plupart des territoires qu'il avait conquis en Irak et en Syrie a pu faire croire que le danger était écarté et que le groupe jihadiste allait être rayé de la surface du globe.

Mais, "comme l'a prouvé l'exemple d'Al Qaïda, les groupes terroristes sont extrêmement résilients et adaptables, même s'ils peuvent connaître des périodes de déclin", prévient Antonia Ward, du groupe de réflexion américain Rand Corp. "Il est dangereux pour l'Occident de les sous-estimer".

Le mois dernier, la porte-parole du Pentagone, Dana White, a déclaré: "Nous avons toujours dit que notre mission en Syrie était de vaincre ISIS (acronyme en anglais de Daech). C'est presque le cas, mais ce n'est pas encore fait".

Depuis les oasis et les bases qu'ils contrôlent dans le nord-est de la Syrie, plaine désertique à la lisière de l'Irak, les jihadistes de Daech ont prouvé mardi qu'ils restaient capables de monter des offensives coordonnées: au moins 26 membres des forces pro-gouvernementales syriennes ont péri dans une de leurs attaques.

C'est dans cette région, la Badiya syrienne, que des combattants de Daech ont "récemment été évacués, en provenance de la banlieue de Damas, avec l'accord du régime Assad", assure à l'AFP Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po Paris. Selon lui, "l'effondrement du pseudo-califat de Daech, sous les coups de la coalition menée par les États-Unis, n'a réglé aucun des problèmes qui avaient permis (au calife auto-proclamé) Abou Bakr al-Baghdadi de s'emparer en 2013 de Raqa et en 2014 de Mossoul".

"Les populations sunnites, minoritaires en Irak et majoritaires en Syrie, restent privées de représentation politique, non seulement au niveau national, mais aussi à l'échelon régional, avec une mainmise, chiite en Irak et kurde en Syrie, sur les zones libérées", ajoute-t-il, craignant que les mêmes causes n'entraînent les mêmes effets et qu'une autre insurrection sunnite, peut-être sous un autre nom mais représentant les mêmes griefs, n'émerge en Irak dans les années à venir.

Donné pour mort à plusieurs reprises, le chef de Daech est toujours vivant et, probablement blessé dans un raid aérien, se terre dans un hôpital de campagne dans le désert du nord-est syrien, a assuré en février un haut responsable du ministère irakien de l'Intérieur. S'il n'est apparu qu'une fois devant des caméras, il s'est souvent exprimé dans des enregistrements audio dans lesquels il appelait ses partisans à continuer la lutte. Son dernier discours date du 28 septembre 2017, deux semaines avant la chute de la "capitale" syrienne du groupe, Raqa.

Ces appels, comme ceux de ses propagandistes que rien ne semble pouvoir priver d'accès à internet malgré la mobilisation des polices et services secrets du monde entier, sont entendus par des apprentis jihadistes qui, hors de toutes structures et sans contact avec l'organisation, passent régulièrement à l'action-suicide.

Avant de sortir dans une rue de Paris, le 12 mai, et de poignarder des passants, faisant un mort et quatre blessés, le Français d'origine tchétchène Khamzat Azimov avait enregistré une vidéo dans laquelle il prêtait allégeance au calife de Daech. Le lendemain, elle était sur Telegram.

"Étant donné le nombre de sympathisants indépendants et de petites cellules que conserve le groupe, ainsi que sa capacité à monter des attaques dévastatrices avec des ressources limitées et peu d'entraînement, les gouvernements occidentaux ne doivent pas estimer que la destruction de son commandement et de ses ressources signifie la fin de ce groupe terroriste", avertit Antonia Ward.

Et pour Jean-Pierre Filiu, il faut compter avec la branche égyptienne de Daech, dans le Sinaï, "qui continue de tenir en échec les offensives lancées contre elle par le régime" du président Sissi. "Dans le sud de la Libye, au Sahel et en Afghanistan, les partisans de Baghdadi ont beau être cantonnés à des espaces périphériques, ils y enracinent leur influence à la faveur des conflits locaux", ajoute-t-il.

Le 25/05/2018 à 17h00