Comment la télévision publique algérienne a «vivifié» le président Bouteflika

Lors de sa dernière apparition, le 19 mars 2017, le président Bouteflika n'a bougé ses lèvres que deux fois!

Lors de sa dernière apparition, le 19 mars 2017, le président Bouteflika n'a bougé ses lèvres que deux fois! . dr

Au lieu de «rassurer», l’apparition éclair d’Abdelaziz Bouteflika dimanche 19 mars sur la télévision publique algérienne n’a fait qu’exacerber la polémique autour de l’état de santé du président. La preuve que la séquence de 59 secondes qu’aura duré cette apparition était un bluff. Explications.

Le 24/03/2017 à 19h00

Rappelez-vous: le360 avait indiqué, aussitôt après la diffusion par Canal Algérie d’une microvidéo sur une supposée audience accordée par le président Bouteflika à son ministre Abdelkader Messahel, dimanche 19 mars, que cette apparition éclair risquait «plus d’alimenter les rumeurs que de rassurer». Cinq jours après cette mystérieuse apparition -elle a duré 59 secondes!-, un confrère algérien confirme et affirme détenir la preuve que la séquence, par laquelle le scandale est arrivé, était tout sauf «naturelle».

Passons sur cette «omission» volontaire concernant le lieu où se serait déroulée l’audience, il n’a tout simplement pas été précisé par les «monteurs» de Canal Algérie! L’une des 5 questions de base auxquelles doit répondre un journaliste qui se respecte a été tout simplement balayée. «Le journaliste annonçait le président Bouteflika a reçu ce dimanche à Alger le ministre Abdelkader Messahel … sans pour autant préciser le lieu de la rencontre», observe en effet notre confrère «le Matin d’Algérie». Un détail sur lequel Canal Algérie a fait l’impasse, l’enjeu se trouvant ailleurs. «C’était comme pour rassurer que le président Bouteflika se trouve en Algérie» et non dans l’une des cliniques françaises ou suisses où le président-malade avait coutume de se rendre pour se soigner.

Question timing, l’audience, si tant est qu’il y en ait eu une, s’est déroulée en coup de vent! «La télévision algérienne nous a présenté, le 19 mars 2017, un programme d’à peine 59 secondes, dans lequel on nous montrait le président Bouteflika recevant le ministre Abdelkader Messahel», relève le Matin d’Algérie. Un record digne de figurer dans les annales des plus courtes audiences qui aient jamais été accordées par un président!

Mais passons, car ce qui est censé rassurer va davantage enraciner l’idée que Abdelaziz Bouteflika ne peut être celui qui tient les rênes du pouvoir en Algérie. «Lors du traitement du sujet, la télévision algérienne a abusé de zooms dynamiques, de plans (quatre) et surtout de répétitions de séquences et de coupures pour dynamiser un personnage amorphe et très affaibli», remarque notre confrère algérien.

Et ce n’est pas tout! «Le président Bouteflika ne portait pas de micro et n’a bougé ses lèvres que deux fois!!! », assène-t-il, en enfonçant le clou: «Le président Bouteflika n’a pas prononcé un mot en 59 secondes qu’a duré le sujet de Canal Algérie. À peine s’il a secoué sa lèvre inférieure par deux fois!».

Mais ce n’est pas de cet œil averti que l’a vu le journaliste de Canal Algérie, qui soutenait que le président «avait donné des instructions et des orientations concernant les principes fondamentaux de la diplomatie algérienne (…) il a insisté sur les dossiers du moment concernant les pays voisins (…) et appelé à trouver les solutions qui s’imposent (…)».

«Mais de cela nous n’avons rien vu… ni encore moins entendu! Décidément même les journalistes parlent au nom du président!», ironise notre confrère algérien.

Vous avez lu: «même les journalistes parlent au nom du président !». Qui leur a donc donné cette procuration? Un président incapable de faire bouger les lèvres? Le président du FLN, Ould Abbas, qui a prédit que le président allait retrouver l’usage de ses jambes? Le chef de cabinet de la présidence algérienne, Ahmed Ouyahia, qui, entre deux meetings électoraux à Tamanrasset, disait que l’état de Bouteflika était «acceptable»? Ou encore, le Premier ministre Abdelmalek Sellal qui, à la question posée par un journaliste à l’occasion de sa récente visite à Tunis, a eu cette réponse: « le président Bouteflika va très bien et vous passe le bonjour»?

De qui se moquent-ils, ceux-là? Une chose est sûre: le peuple algérien ne mérite pas une telle offense.

Par Ziad Alami
Le 24/03/2017 à 19h00