Deux soeurs, vingt-trois proches chez Daech et un procès à Paris

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Leurs parents, leur frère, leurs six soeurs, leurs beaux-frères, leurs neveux: vingt-trois personnes de la famille d'Assia et d'Anissa ont rejoint le groupe État islamique en Syrie. Pour leur avoir notamment envoyé des milliers d'euros, ces deux soeurs ont comparu jeudi à Paris.

Le 18/01/2019 à 07h35

A l'origine du départ de la plupart des membres de cette famille originaire de Roubaix (Nord) vers les zones tenues par l'organisation jihadiste État islamique (EI), un jeune homme, décrit comme autoritaire, violent et prêt à mourir pour cette cause : Fodil T.

A 28 ans, le seul fils de cette fratrie de neuf enfants avait gagné la Syrie en 2014 avec compagne et enfant. Ses soeurs cadettes Fella et Selma avaient suivi avec leurs familles. Puis Fairouz, l'aînée. Puis la mère, désespérée du départ de son fils unique. Puis le père. Et trois autres soeurs et leurs familles.

C'est dans ce contexte familial hors normes que les deux seules à être restées en France, Anissa et Assia, soeurs de Fodil, sont jugées par le tribunal correctionnel.

Longs cheveux noirs, blouse jaune et bottines cloutées pour l'une, créoles et veste rose pour l'autre, les deux jeunes femmes, comparaissent libres sous contrôle judiciaire.

Assia, de nationalité algérienne, a 36 ans et vit du RSA. Anissa, française, en a 31 et travaille comme assistante ménagère.

Elles sont notamment poursuivies pour financement du terrorisme, ayant, selon le tribunal, envoyé 15.000 euros en Syrie. Elles avaient retiré le double sur les comptes de leurs soeurs, qui percevaient toujours les allocations familiales après leur départ.

"Vous comprenez bien que c'est assez choquant, quand on réfléchit à l'origine de ces fonds", commente le président.

Toutes deux assurent qu'il ne s'agissait en aucun cas de financer la cause jihadiste mais d'aider des proches dans "le besoin".

Cet argent, c'était "pour les frais médicaux, pour les sortir de cet engrenage dans lequel ils sont rentrés", insiste Anissa. Elle cite notamment les naissances compliquées de deux neveux sur place.

Les prévenues assurent n'avoir jamais vraiment su où vivaient leurs proches. Leurs soeurs racontaient "une vie très difficile, des bombardements", explique Anissa.

Leur envoyer cet argent, "ça m'aidait aussi à me justifier du fait que je ne les avais pas suivis", ajoute-t-elle.

"Que ce soit moi ou ma soeur, on n'a rien à voir avec l'État islamique", renchérit Assia.

Comment leur famille a-t-elle basculé dans l'islam radical ? A cette époque, Assia était souvent partie en Algérie et Anissa vivait à Lyon, mais cette dernière pointe l'influence de Fodil, "qui leur a mis (la Syrie) dans la tête".

Fodil s'est fait "laver le cerveau", "après ça été les vidéos", les femmes "se sont voilées, on ne pouvait plus regarder la télé ni écouter de la musique", relate-t-elle.

Toutes deux sont aussi jugées pour association de malfaiteurs à visée terroriste, pour avoir adhéré à l'idéologie de l'EI et apporté une aide logistique à une jeune fille qui souhaitait partir en Syrie.

Anissa, principale concernée par ce volet, explique avoir agi sous la "pression de malade" de son frère Fodil. La jeune fille avait finalement été interpellée à temps.

En Syrie, la famille s'est encore agrandie. Personne n'est rentré en France.

Leur mère, souffrante, serait morte dans un hôpital. Leur père, âgé, se trouverait dans une prison kurde, comme Fodil.

Plusieurs de leurs beaux-frères sont morts au combat. Et plusieurs de leurs soeurs et leurs nombreux enfants erreraient, selon Assia, "dans une sorte de désert", fuyant selon elle à la fois les troupes de Bachar Al-Assad et l'EI.

Une des soeurs se trouverait pour sa part dans un camp kurde. "Elle ne veut pas être séparée de ses enfants", répond Assia quand le président évoque la problématique complexe du rapatriement des enfants de jihadistes vers la France.

Le procès se termine vendredi.

Le 18/01/2019 à 07h35